La Genèse

29 janvier 2019 par Kazz → Cultes
Après plus de vingt ans, il s’est avéré nécessaire de réécrire et d’actualiser pour une bonne part la Genèse de Derenworld (selon la théologie classique) qui fut initialement publiée sur le site dans une version qui remonte à 1996 et qui n’était pas toujours bien utile.
On trouvera donc ci-après la version « revue et corrigée » qui en résulte.

Nota :
– Pour assurer la cohérence terminologique avec d’autres pages/articles, il est utile de préciser que Asir = Asgardien et Vanir = Vanyar.
– L’Egypte Céleste, matrice originelle de plusieurs éléments des actuels plans extérieurs supérieurs, est une sorte de couche ou de demi-plan particulier, qui s’étend sur les cinq plans qui en sont issus : Arcadia, Seven Heavens, Twin Paradises, Olympus et Elysium. Depuis ces créations, elle constitue un espace spécifique, « transversal », inséré dans ces plans à certains endroits et se poursuivant directement de l’un à l’autre, sans rupture aucune.

PREMIERE GENESE


1 — D’abord fut le Chaos originel. Tout s’y pouvait créer ou détruire. On ne sait combien de temps il dura : le Temps n’existait pas. Cela passait avant et hors l’Histoire.
Il advint que le Chaos produise des entités. Ce fut sa première expérience de structuration. Ces entités, qu’il est convenu d’appeler Aspects ou Enfants du Chaos, n’étaient pas douées d’intelligence mais de pouvoirs illimités et absurdes, semblables au Chaos lui-même. Nous ne pouvons leur imaginer aucune pensée ou sensation sinon qu’elles jouaient. Elles n’avaient aucune notion de conservation ou de continuité ; elles pouvaient apparaître, se détruire, renaître, se modeler, cela à l’infini et sans cesse. Ni l’Espace, ni le Temps, ni le Langage, ni aucune forme finie ou ordonnée n’existaient.

2 — Cependant, en l’une de ces entités apparut une forme de pensée continue et de mémoire. Elle continua de jouer comme les autres, souvent en les détruisant, mais parfois en leur inoculant sa pensée, créant ainsi de nouveaux semblables à elle-même. Aucune forme de rivalité n’existait alors entre ces aspects du Chaos puisque des conceptions comme le territoire, la ressemblance ou la dissemblance n’existaient pas.
Toutefois, constatant que d’autres entités semblables à elles existaient, l’un de ces aspects pensants du Chaos eut l’idée d’ordonner la matière et les forces de façon définie et durable ; il se mit à travailler, alors que les autres jouaient encore et toujours. Il fut ainsi le premier à se différencier et à le comprendre.
Le résultat de son travail fut l’Univers et le Temps. Ils restaient entièrement soumis aux caprices de cette entité qui en connaissait tous les mécanismes. Ainsi l’appelle-t-on « le Maître du Temps » ou le « Maître de Toutes Choses ».

3 — Les autres Aspects du Chaos s’aperçurent alors que leurs pouvoirs et leurs libertés jusqu’alors sans limites se heurtaient désormais aux fixités voulues par le Maître du Temps. Ils en furent surpris et furieux et cherchèrent à détruire ces fixités et leur maître. Mais ils étaient infiniment stupides par rapport au Maître du Temps et leurs minces efforts furent voués à l’échec. Il suffisait au Maître de jouer du Temps pour se débarrasser d’eux et pour anéantir tout inconvénient ou déplaisir. L’Univers résista et demeura dans les mains d’un seul Maître.
Celui-ci en usa et s’en amusa à sa guise : lui-même demeurait un aspect du Chaos. Il inventa des créations sans cesse détruites et ressucitées où le temps coulait en des sens opposés, des galaxies mêlant le néant et la lumière, sans autre raison que sa fantaisie. Tout lui obéissait mais tout n’était que désordre.

4 — Les autres Aspects du Chaos finirent par comprendre qu’il était vain de s’opposer au Maître du Temps et s’enfuirent dans des confins ou des replis de l’espace. Ils se chamaillèrent longtemps mais la diminution constante de leur nombre les conduisit à admettre l’utilité de la conservation d’eux-mêmes et la nécessité de comprendre le Temps et l’Espace pour cela. Ils en concluèrent que leur conservation impliquait nécessairement la destruction du Maître du Temps. Ils découvrirent ainsi les concepts de raisonnement, de finalité, de causalité et de corrélation, et surtout de collectivité, dont ils pensèrent tirer avantage contre leur ennemi.
Ils s’organisèrent alors en deux lignées principales : les Titans du Chaos et les Grands Anciens.
Les Titans du Chaos tenaient qu’il fallait affronter le Maître du Temps sur son propre terrain, celui de l’ordonnancement des choses, pour lui dérober ses créations afin de se les approprier ; les Grands Anciens pensaient qu’il fallait au contraire retrouver et utiliser le Chaos originel pour fracasser l’Univers et ainsi le Maître du Temps.
Les Titans du Chaos approfondirent le concept de collectivité en celui de procréation afin d’accroître la force de leur nombre. Ils s’occupèrent à créer de nouveaux Titans du Chaos, pendant que les Grands Anciens attaquaient l’Univers.
L’un des plus récents de ces nouveaux Titans du Chaos s’attacha plus que nul autre à étudier les mécanismes de l’Univers. Il en fut émerveillé et devint convaincu que l’importance de l’oeuvre du Maître du Temps dépassait de beaucoup l’usage qu’en faisait son créateur. Il comprit aussi que l’Univers et le Temps étaient d’une cohérence telle que seuls des êtres aussi cohérents qu’eux pourraient les maîtriser. A cette fin, il eut l’idée de plier toute pensée à un mécanisme comparable en la contraignant à s’exprimer selon un processus indépendant d’elle. Ainsi, avec l’aide du Titan qui s’appellerait plus tard Mnemosyne, ils inventèrent le Langage.

5 — Les autres Titans du Chaos furent impressionnés par cette innovation et reconnurent pour chef son inventeur. Ce fut la première fois qu’un chef fut désigné. Il prit le nom de Ptah et son co-inventeur celui de Mnemosyne.
Sous sa conduite, les Titans du Chaos se fondirent dans l’Univers plutôt que l’attaquer de front. Ils en devinrent la matière : ombre, lumière, vents, rochers, liquides, feux, mise à disposition de leur chef.
Ptah put alors les employer à sa guise pour plonger le Maître du Temps alternativement dans la lumière et dans le noir pareillement absolus, l’aveuglant tandis qu’il l’enserrait dans un tissu d’ombres où ses pouvoirs se perdaient ou explosaient en étoiles mort-nées jusqu’à ce qu’il se réduise à n’être plus qu’une créature effrayée et furieuse finissant par demander grâce.
Or Ptah, aussi sage qu’il soit, ne pouvait maîtriser la source du Temps, n’en étant pas le créateur. Il accepta donc d’épargner le Maître du Temps à condition que celui-ci demeure à jamais enchaîné dans son lien de pénombres et déroule toutes choses dans le même unique sens. Pour cela il lui apprit le Langage, qui s’écoule comme le temps, et il le nomma ; depuis, le « Maître du Temps » n’est plus que Kronos.

6 — La victoire de Ptah et des Titans du Chaos ne changea rien aux yeux des Grands Anciens qui n’y virent que la substitution d’un maître de l’univers à un autre. Ils attaquèrent donc l’Univers de plus belle.
Les Titans du Chaos en furent surpris et ne savaient comment faire face. Pris isolément et par surprise, beaucoup d’entre eux succombèrent. Pour sauver les rescapés et l’Univers, Ptah, grâce au Temps devenu continu, utilisa le Langage comme source pour inventer la Loi. La Loi permit aux Titans du Chaos de se déterminer les uns par rapport aux autres dans un intérêt commun et pour un temps et un espace définis.
Alors les Titans du Chaos s’organisèrent en une communauté affrontant et défaisant les Grands Anciens en même temps qu’ils structuraient l’Univers. Ils repoussèrent ainsi le Chaos, privant les Grands Anciens de l’essence de leurs pouvoirs. Finalement, l’Univers devint assez vaste pour devenir Tout, englobant jusqu’aux Grands Anciens eux-mêmes et les réduisant à l’impuissance.

DEUXIEME GENESE


7 — Pour les Titans du Chaos s’ouvrit alors une longue ère d’intense joie.
Toutefois, en beaucoup d’entre eux prédominait le Chaos dont ils étaient issus. La menace des Grands Anciens éloignée et l’univers structuré, ils désiraient donc s’affranchir désormais de la Loi et mener leur existence à leur guise. Cependant pour nombre d’autres, la structuration de l’univers et le langage les avaient conquis et avait fait d’eux de nouvelles créatures qu’on appellerait des dieux.
Ptah offrit à tous de s’incorporer à la matière de l’univers, comme ils l’avaient déjà fait afin de lier Kronos, mais cette fois-ci à jamais, le temps étant devenu univoque. Il considérait que l’univers ainsi structuré deviendrait assez solide pour résister par lui-même aux tentatives des Grands Anciens ou d’autres de ressusciter le Chaos originel.
Beaucoup des Titans du Chaos acceptèrent de devenir la matière de l’Univers que l’on connaît depuis. Ainsi Ouranos donna-t-il à l’univers le ciel, Océan et Apsu les eaux, Hyperion le feu, Rhéa la fertilité animale, Nyx la pénombre, Ourea le roc, Gaia la terre, Ether l’air, Hemera la lumière, Dioné la vie végétale. Mais certains choisirent de demeurer libres, sans défier Ptah, sans rejoindre les Grands Anciens, mais sans non plus s’anéantir dans leur propre création. Certains d’entre eux, tel Ometleotl, conçurent leurs propres familles, qui deviendraient plus tard des dieux.
Ptah en fut vexé. Il se mit à éviter ces Titans Libres, puis à les réprouver, les repoussant sans cesse plus loin de lui. De sorte que certains d’eux parvinrent dans les mêmes confins où s’étaient repliés les Grands Anciens. A leur contact, ces Titans redevinrent des Enfants du Chaos mais apprirent aussi aux Grands Anciens le langage et beaucoup d’autres connaissances sur les mécanismes de l’Univers. Les Grands Anciens, qui rêvaient de revanche, comprirent comment utiliser ces mécanismes pour produire leurs propres créatures du Chaos, capables d’attaquer l’univers et de défier Ptah. Certains de leurs alliés Titans adoptèrent leurs apparences mais beaucoup se rallièrent à la forme reptilienne qu’ils avaient inventée et procréée et devinrent les grands serpents tels ceux connus sous les noms de Jormungandr, Python, Kaliya ou Apophis.
Pendant ce temps, Ptah procréait lui-même dans ce qui deviendrait l’Egypte Céleste.

8 — Les Grands Anciens s’étaient donnés un chef, qu’ils avaient nommé Cthulhu. Lorsqu’ils furent prêts, ils passèrent à l’attaque. Ptah fut stupéfait. L’Univers entier s’embrasa. Ptah perdit beaucoup de ses enfants. Cependant l’aîné d’entre eux, Râ, lui fit comprendre ses erreurs et son arrogance. Alors Ptah et Zeus parcoururent l’univers pour demander pardon aux Titans Libres afin qu’ils les rejoignent. Mais il en restait fort peu qui n’aient déjà été anéantis par des Grands Anciens et moins encore qui acceptèrent.
Toutefois, les Grands Anciens avaient peu de compréhension de l’univers désormais renforcé par les et Titans qui s’y étaient incorporés. Leur progression en fut ralentie. Ainsi Ptah put réunir et une armée divine menée par son fils Zeus et les Titans du Chaos nommés Arioch et Bes qui repoussèrent les Grands Anciens.
Ptah octroya la condition de dieu aux rares survivants des Titans Libres qui l’avaient rejoint, leur donnant accès à la matière de l’univers. Il leur offrit aussi de venir en Egypte Céleste mais seul Bes accepta. Les deux autres Titans du Chaos Arioch et Xiombarg, ou des descendances devenues divinités tels Tezcatlipoca et son neveu Quetzacoatl, choisirent de faire leurs propres affaires. Zeus, auréolé d’avoir personnellement défait Atlas, le chef des Titans ralliés aux Grands Anciens, en fit autant. Par le départ de son fils Zeus, Ptah comprit qu’il ne lui appartenait pas de régner sur ses créations mais de demeurer le gardien de l’espace et de l’univers, non son roi.
Cependant, le sage Thoth, descendant de Bes en Egypte Céleste, annonça que les Grands Anciens n’étaient que temporairement vaincus et que l’avenir annonçait qu’ils reviendraient. Ptah comprit alors que le temps de son éloignement n’était pas encore venu.

9 — Anthrateus, rejeton du Titan Libre Imphylas qui avait rejoint les Grands Anciens avant d’être défait par Arioch, par remettait sans cesse en question les mécanismes de l’Univers. Il recherchait le Chaos originel et la notion d’infini. Ses recherches aiguillonnées par le Grand Ancien Azathoth le rendirent fou. Anthrateus se perdit dans les confins de l’univers et nul ne sait ce qu’il est devenu.
Mais Zeus avait remarqué sa démarche et le faisait surveiller par les Hecatoncheires, Titans Libres qui s’étaient ralliés à lui après qu’il les ait sauvés des Grands Anciens. Intrigué, il partit personnellement à sa recherche.
Au cours de cette recherche, Zeus vint à pénétrer un confin de l’Univers nommé Arda où le Chaos semblait masqué par une musique perpétuelle. Zeus apprit cette musique et découvrit en Arda d’autres créatures qui s’appelaient les Valar et qui montraient de l’amour entre eux et envers leurs créations. Zeus rencontra Manwë, chef des Valar, qui lui apprit qu’ils étaient les enfants d’Iluvatar, d’où provenait cette musique. Ce dernier parut à Zeus un Titan du Chaos qui aurait organisé sa part d’un univers qui s’avérait bien plus vaste, multiple et complexe que ce que tous, Ptah compris, concevaient alors.
Zeus ramena cette nouvelle dont il informa Ptah, Hermès et Thoth.

10 — La guerre contre les Grands Anciens reprit ainsi que l’avait annoncé Thoth. Lors des premiers combats, Zeus périt face à Hastur, puis Hephaïstos, laissant l’Olympe être envahi, jusqu’à ce que Ptah, Hadès, Arioch, Poséido et Hermès repoussent l’envahisseur. Chtulhu dévora Nikè, Castor et Pollux, Elios avant qu’Athéna, Set, Hecate et Arès ne parviennent à le chasser. Bes et Geb réussirent cependant à protéger l’Egypte Céleste ; mais partout s’activait l’action destructrice de l’univers de l’abomination nommée Yog-Sothoth. Un immense assaut se préparait. Ptah redouta que l’univers ne cède devant Cthulhu qui avait réussi à installer Azathoth au centre de l’Univers avant d’en être chassé par Râ, Osiris, Xiombarg et Thoth. La folie d’Azathoth avait toutefois lourdement ébranlé l’espace au point que l’écoulement linéaire du temps ait été brièvement interrompu.
Alors Ptah envoya Hermès en Arda pour chercher du secours en expliquant que la victoire de leurs ennemis anéantirait toute existence, Arda incluse.
Eru Ilùvatar fut interrogé par Manwë et répondit qu’il allait aider Ptah mais que les Valars ne s’en occuperaient point. Eru Ilùvatar choisit certains d’eux eux, les Vanirs, qui changèrent de monde et quittèrent Arda pour le reste de l’Univers ; les plus fameux qui aient survécu sont Silvanus, Frey, Freyya, Ukko, Straasha, Oghma et Diancecht.
Mais Frey alla aussi chercher parmi les enfants d’Ilùvatar n’ayant pas suivi les Valar et appelés Maïars le peuple des Asirs, dont le chef, Odin, avait passé son existence à se préparer à la guerre.

11 — Ces renforts arrivèrent à temps pour l’immense bataille. Nombreux furent encore les Dieux ou leurs serviteurs, les Titans, les Asirs, les Vanirs qui périrent. Odin eut le temps de vaincre le plus grandes des Titans Ymir, puis d’assujettir Jormungandr et de créer l’Asgard de concert avec Silvanus ; cependant il mourut peu après, attaqué de dos par le loup Fenris tandis qu’il barrait à Azathoth le centre de l’Univers. Mais Tyr et Heimdall prirent sa place, Râ et Seker répondirent à l’ombre de Cthulhu par d’immenses lumières, Thor et Poséido se jetèrent sur lui pour le repousser, et Arioch l’anéantit pendant que Frey, Hel et Uller exterminaient Titans et Cyclopes, qu’Hadès et Hecate détruisaient Azathoth, que Ukko, Balder et Osiris renvoyaient Hastur, que Bes, Geb et Athena dispersaient Yog-Sothoth, que Silvanus, Loki et Set défaisaient Nyarlathotep, qu’Hermès et Straasha submergaient Dagon, qu’Isis et Loki tuaient Tharizdun et que se déroulaient bien d’autres combats tandis que Ptah maintenait le fil du Temps et que Thoth et Balder protégeaient Kronos et les Norns.
Finalement Cthulhu et les siens furent bannis, rejetés hors de l’Univers et la victoire resta entre les mains de Ptah et de ses alliés.

12 — Dès leur arrivée, les Asirs et Vanirs, sous l’impulsion d’Odin, de Silvanus et de Frey, avaient créé Asgard, domaine issu de leur conception de l’espace héritée d’Arda. Certes, de longtemps, Arioch, Hadès ou Zeus avaient eux aussi de semblables configurations, cependant produites avec le consentement de Ptah. Pour Asgard, ce consentement n’avait pas été sollicité.
Après la victoire, Ptah crut néanmoins la célébrer et plaire et servir tous les dieux en entreprenant d’aménager l’univers en Plans, ce qui fit d’Asgard, de l’Olympe ou des domaines d’Hadès un Plan parmi d’autres. Néanmoins, Asgard reste le seul Plan non issu de Ptah et tous ses dieux ne peuvent rejoindre à demeure un autre plan.
L’aménagement voulu par Ptah n’empêcha nullement des dissensions d’apparaître entre les vainqueurs. Furieux de ne pas devenir le chef de l’Olympe, Hadès s’en alla bouder dans son propre plan. Mécontent d’être limités à un seul plan, les Asirs tournèrent le dos à Ptah et aux siens. Quant à Xiombarg, elle exigeait de faire des Abysses ce qu’elle voulait. Plusieurs descendants de Ptah et anciens Titans estimaient que ce qu’ils avaient accompli devait leur valoir une place première et en aucun cas subalterne au sein de l’univers, contre quoi les plus proches ou fidèles de Ptah se récrièrent, à quoi les autres reprochèrent à l’Egypte Céleste d’être favorisée puisque la seule création à être répartie sur plusieurs plans. De leur côté, la plupart des Vanirs ainsi que Bes et Geb considéraient que l’Univers ne devait pas rester la chose des seuls Dieux et qu’il fallait s’y atteler dès maintenant.
Ptah fut sensible à ce dernier argument, craignant que les dieux ne puissent pour l’éternité repousser seuls les créatures qui menaçaient la stabilité de l’univers : il fallait faire en sorte que l’univers se prit lui-même en charge

13 — Alors Thoth, le plus sage des dieux, parla. Il représenta que la discorde régnait entre les dieux malgré la Loi incarnée par Ptah. La situation démontrait donc que le Chaos étaient en eux-mêmes et que si la Loi était une réaction contre le Chaos, elle le portait aussi en germe. Le temps était donc venu d’accepter l’un et l’autre pareillement nécessaires et complémentaires. Râ ajouta que le temps était aussi venu d’autres considérations: il fallait désormais agir dans l’Univers tel qu’il était plutôt que d’y voir un champ de bataille entre Chaos et Loi ou la substance d’appétits personnels.
Ptah fit alors appel à Hermès qui en appela lui-même à Tyr et à Arioch : il obtint qu’on écoute pour la dernière fois Ptah au sujet de l’univers qu’il avait domestiqué, organisé, et défendu maintes fois, après que ce même Ptah ait entendu chacun des dieux.
Ptah entendit alors tous les dieux, les uns après les autres, en un long et immense concile. Puis il les entendit ensemble, par famille. Puis il leur expliqua ce qu’il avait décidé.
L’organisation en seize Plans Primordiaux, qu’on nomme aujourd’hui les seize extérieurs, ainsi que l’Ether, l’Astral et l’Au-Delà, demeurerait inchangée et inaltérable. L’infinité des plans matériels et les plans élémentaires, resterait à modeler. Ce cadre était à leur disposition. Ils choisiraient un et un seul des Primordiaux qui serait lieu de leur demeure, quand les plans matériels seraient celui de leurs oeuvres. A ces œuvres il ne prendrait plus part : le temps de sa retraite et de son éloignement était advenu. Il demeurerait dieu de l’univers, attentif à son intégrité, veillant au bon écoulement du temps confié aux Norns, arpentant et admirant les immensités de l’espace ; mais il resterait comme eux un dieu parmi d’autres. Seule une nouvelle menace effective des Grands Anciens contre l’univers lui redonnerait pour le temps nécessaire son rôle de chef de sa défense.
Les Dieux étaient maintenant libres d’en faire ce qu’ils voulaient. L’Univers entra dans un nouvel âge.

TROISIEME GENESE


14 — Ce fut le temps des grandes créations : celles de la vie et de la mort. Ce fut aussi le temps des profondes dissensions. Les familles de Dieux se regroupèrent ou se dispersèrent, chacune s’emparant de son devenir. Livrés à eux-mêmes et à leur propres affaires, les dieux devenus adultes durent bientôt choisir entre les principes qui fonderaient le Bien et le Mal.
Néanmoins, les dieux aimaient alors encore à se retrouver ensemble, afin de revenir aux temps de leurs innocences guidées par la férule de Ptah ou la lutte contre l’ennemi commun. Aussi prirent-ils coutume de venir en un lieu où ils s’amuseraient et oublieraient leurs conflits, inquiétudes, vicissitudes. Ce lieu fut au centre du premier Plan matériel de l’univers. Il servit de réceptacle à plusieurs créations divines, d’échange d’idées, parfois aussi de modèle. Thoth l’appela L’Lgebir (devenu El Gebir) ce qui signifie le « Lieu à part ».

15 — Mais à l’opposition entre la Loi et le Chaos s’était désormais ajoutée celle entre le Bien et le Mal et des conflits perpétuels en résultèrent.
Ces conflits offrirent au Chaos une opportunité du résurgence car les Grands Anciens essayèrent de profiter des dissensions entre les dieux pour reprendre une place centrale dans l’univers. Ils y parvinrent brièvement, le temps que les dieux s’unissent de nouveau pour les chasser.
La rapidité de leur propre succès inquiéta les dieux. Cette simple escarmouche semblait seulement destinée à éprouver leurs défenses : beaucoup songèrent qu’elle préparait peut-être d’autres menaces bien plus redoutables.
Ainsi qu’il l’avait promis, Ptah était revenu pour cette bataille. Il avait longtemps exploré l’univers. Il déclara que repousser l’ennemi ne suffirait plus car l’univers était si vaste que les abominations y trouveraient toujours refuge et régénération. Nombre de ses plis, pans et même de ses plans incorporaient le Chaos originel : les Anciens ne pouvaient manquer d’y trouver une demeure et même un réconfort.

16 — Le Vanir Straasha avait observé que de toutes les conditions, la liquide était favorite des Grands Anciens, suivie de l’air, de l’espace, et de la pénombre. Il se sentait malheureux que l’eau, son domaine, servît à l’ennemi sans qu’il parvienne à y remédier. Il s’en était ouvert à Ukko, qui régnait sur les airs, et qui lui confia être pareillement malheureux. Alors ils demandèrent à Tyr et Frey de tenir un grand conseil des divinités Asirs et Vanirs pour donner leurs avis sur ce qu’il convenait d’entreprendre au sujet des Grands Anciens, ce qui fut fait.
Uller suggéra qu’il fallait les chasser non plus comme on repousse un ennemi mais comme on tue ou capture une proie. Ukko approuva, ajoutant que les dieux commettaient une erreur en ne songeant qu’à se défendre et à protéger l’oeuvre de Ptah. Thor l’applaudit mais Heimdall grimaça. Alors le rusé Loki pris la parole. Il expliqua que l’ennemi le plus facile à vaincre est celui qui ne se méfie pas et qui se croit tranquille, à l’abri, en son domaine. Il dit que les Grands Anciens étaient invincibles, puisque sinon ils auraient déjà été vaincus, car ils avaient affronté et survécu à toutes les forces de l’univers coalisées contre eux. Hel confirma le dire de Loki, ajoutant que la mort était étrangère aux Grands Anciens et ne pouvait les atteindre car ils étaient des Enfants du Chaos originel, de sorte que la mort elle-même mourait en eux. Loki conclut en affirmant qu’au lieu d’opposer l’eau aux Grands Anciens, il fallait la leur offrir et même la leur prodiguer afin qu’ils s’y ébattent à leur gré avant les y surprendre. Oghma approuva, nota tout ce qui fut dit, et alla le rapporter à Thoth et Ptah.

17 — Ptah et Thoth se réunirent avec Poséido, Râ et Hadès. Ils jugèrent que l’idée de Loki était bonne mais ne résolvait pas le plus important car elle laissait intacte la résilience des Grands Anciens, même à les supposer vaincus. Cependant, réfléchissant longtemps, Poséido suggéra qu’au lieu d’essayer de vaincre l’ennemi on le laissât simplement demeurer en extase dans l’élément liquide tout en l’y enfermant. Ainsi, non seulement l’ennemi ne serait plus dangereux puisqu’emprisonné mais il n’aurait même plus la volonté de l’être.
Ptah se souvint alors du descendant nommé Untamo d’un Titan Libre qui était devenu son allié et ainsi un dieu, certes bien inutile, car Untamo était le dieu du sommeil. Untamo provenait du Titan androgyne qui s’appelait Ormandula et qui s’était figée dès le lien de Kronos dans une bienheureuse immobilité ensommeillée qu’elle avait transmise à son descendant parthénogénétique. Depuis, Untamo dormait, n’étant en général réveillé que pour aider autrui à dormir. Mais cette fois-ci, Ptah éveilla Untamo pour lui demander s’il pouvait répandre son ensommeillement dans un élément liquide et Untamo, qui était de fort bonne volonté et immensément puissant car aussi ancien que beaucoup des Grands Anciens, accepta volontiers, avant de se rendormir.

18 — Hermès et Uller partirent longtemps à la recherche des Grands Anciens, qu’ils trouvèrent près des Limbes du Chaos, découvrant aussi leur cité de Ry’leh qu’ils avaient édifiée. Alors Straasha dirigea une infinité d’eau vers Ry’leh où gisaient les Grands Anciens qui l’un après l’autre furent baignés, inondés, puis enveloppés et s’en trouvèrent bien aises. Cependant l’eau remontait aussi leur folie vers Straasha, lui causant de terribles souffrances qui devinrent insoutenables. Il dut céder à Poséido son pouvoir sur l’eau ainsi corrompue et se contenter de la lui fournir pure. Poséido, assisté d’Isis et d’Ukko, maintint l’élément liquide contenant les Grands Anciens en résistant à leurs inoculations pendant qu’Untamo, commandé par Ptah, veillé par Diancecht et aiguillonné par Hermès afin qu’il ne se rendorme point, y répandait ses fluides et son sommeil. Et ainsi les Grands Anciens plongèrent-ils dans un profond endormissement.
Alors Goibhnie et Silvanus apportèrent l’immense Sceau qu’ils avaient confectionné et qu’ils posèrent et maçonnèrent autour de Ry’leh. Puis Hecate puis Xiombarg puis Hadès puis Poséido et enfin Ptah enchantèrent à leur tour le Sceau. Puis Silvanus, Nephtys, Isis, Hadès, Frey, Freyya et Frigga répandirent la fertilité dans les eaux entourant le Sceau, l’enveloppant de vie. Ainsi Poséido devint-il Océan sur lequel il règne depuis lors : le monde de l’onde salée, le premier ayant eu sa propre destinée de libres vies animales et végétales. Il y avait alors longtemps qu’Untamo s’était rendormi, épuisé par le plus lourd effort de toute son existence.
Seuls deux Grands Anciens d’importance échappèrent au piège. Le Sceau se referma en coupant en deux Dagon, enfermant son esprit mais laissant la plus grande part de sa matérialité et une trace de sa folie s’échapper en liquides dans l’univers où il erre depuis lors. Seul Tharizdun, le plus récent des Grands Anciens et dont les dieux ignoraient l’existence, parvint à s’échapper intact, parce qu’il ne se trouvait pas à Ry’Leh lorsque le piège fut exécuté.

19 — La fécondation de l’Océan par les dieux produisit des créatures étranges qui en émergèrent. Parmi elle, la plus imposante s’appelait la Béhémothe.
Le dieu Tezcatlipoca, bien qu’ayant occis le Titan Crocodile Cipatcli avec son neveu Quetzacoatl, se moquait souvent ce dernier au sujet de son aspect de serpent à plumes qu’il avait pris pour mieux défier ses reptiliens ennemis. Des dieux comme Arioch, Xiombarg ou Tezcatlipoca, certes fermement alliés de Ptah s’il s’agissait de vaincre les Grands Anciens, n’en conservaient pas moins une nature profondément imprégnée du Chaos ; la survenance de l’enfermement des Grands Anciens libéra cette nature en eux.
Avec un peu de méchanceté, Tezcatplipoca s’amusa à enivrer son neveu à l’aide de pulque jusqu’à lui faire croire que la Behemothe était une tentante jeune femme qu’il lui fallait pénétrer. Ivre, Quetzacoatl ensemença la Béhémothe qui en eut un fils nommé Bahamut, le premier dragon. Bien qu’ailé, Bahamut, né dans les eaux, était incapable de voler et de se protéger de son énorme mère ; mais Quetzacoatl se prit de tendresse pour lui et il demanda à Ukko et Isis de l’aider à le protéger et élever en El Gebir. Bahamut y devint le premier dragon volant, une créature magique et immortelle qui émerveilla bientôt tous les dieux.
Osiris considéra qu’il lui fallait procréer et intercéda auprès de Râ afin qu’il trouvât une épouse à Bahamut. Alors Râ dit : « Je me suis uni à ma main, et j’ai embrassé mon ombre dans une étreinte d’amour. J’ai versé ma semence dans ma bouche, et l’ai crachée sous la forme des (demi-)déesses Satis et Anoukis ». Et il donna Satis aux hommes et Anoukis aux dragons pour peupler El Gebir.

20 — Les histoires qui suivront ceci s’écartent de la Genèse : elles appartiennent à la saga de chaque dieu ou de sa famille, sa lignée, sa race.
Frey engendra Corellon Larethian et avec lui les premiers elfes ainsi qu’il en avait reçu mission de Manwë. Bes engendra Moradin et avec lui les nains qui ramenèraient les elfes à l’humilité. Les lignées de Zeus, d’Odin, de Râ, engendrèrent les humains et les hobbits, qui allaient peupler le monde.
Mais ces lignées ne furent pas les seules. Dans les plans extérieurs étaient apparus les surgeons de descendances divines inconnues, souvent même oubliées des propres créateurs de ces plans. Ces surgeons ne se résolurent pas à demeurer des descendances : ils voulurent eux aussi, et sur le champ, leurs créatures adoratrices, à l’instar de celles longuement pesées et préparées par les dieux prédécesseurs. En outre, certains dieux, jaloux ou imitateurs des créations des autres, voulurent eux aussi engendrer par eux-mêmes des créatures mortelles. Ainsi apparut, pour le bien ou le mal, le meilleur ou le pire, le chaos ou l’ordre, la diversité des êtres d’El Gebir.
En celle-ci passaient encore les dieux qui y trouvaient pour meilleurs compagnons de leurs jeux ou de leur société les enfants de Bahamut. Mais bientôt le peuplement de l’univers par des êtres différents et tributaires d’eux ne leur laissa plus ce loisir. Vint le temps de leur départ sonné par la Conque d’Hermès. Ils convirent de confier le monde qu’ils avaient chéri à la guidance des deux races immortelles, intelligentes et douées de magie qu’ils avaient engendrées : les elfes et les dragons, qui ne s’imposeraient cependant pas aux nains chéris de Bes ni aux sages et astucieux hobbits et gnomes.
Ainsi commença l’histoire du monde nommé par les humains Ellgebir, plus de deux mille ans avant de l’appeler Derenworld.

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