Derenworld News : Aquarius 5225

28 décembre 2017 par Kazz → Atlas, Société

Je n’ai pas le temps d’achever ces news qui sont en cours d’écriture depuis un bon moment. Je les poste néanmoins en l’état pour qu’elles paraissent avant la fin de l’année (2017 comme 5225) et en espérant d’une part qu’elles ne contiennent pas trop d’erreurs et d’autre part pouvoir les compléter.


Cette parution reflète une actualité entièrement occupée par la crise alimentaire, déjà évoquée dans la précédente édition, et qui s’est maintenue tout au long de l’année. Les disparités des situations entraînées par cette crise sont très fortes : quasi insensible en certains lieux, elle en a bouleversé d’autres. Ici on mange normalement à sa faim et les prix au détail n’ont guère bougé ; là des hordes de crève-la-faim et va-nu-pieds mènent l’assaut contre des paysans appauvris ou des castels affamés ou dépendent de charités incertaines ou systématiques. Un tour d’horizon de Derenworld s’impose donc pour décrire ces différences et conséquences. Il est recommandé de se repérer sur la carte générale de Derenworld.

famine-irlande

Nord-ouest : Wejlar, Evriand, Miribar, Kohrland.

Ce sont les contrées qui souffrent le moins, essentiellement grâce à l’expérience de leurs paysans et la qualité des ressources agricoles indemnes de toute surexploitation. L’Evriand, un des rares pays à avoir connu une récolte convenable, a réservé ses surplus à ses voisins, Wejlar en premier, Havener et Holderin en second. Pour cette partie du monde, la période actuelle ressemble plutôt à succession de récoltes médiocres, comme on en connaît parfois et qui sont aisément comblées par les stocks.
Toutefois, la Bourse aux Grains d’Ithyl, l’une des premières du continent, a connu de vives tensions par l’effet des restrictions à l’exportation décidées par la Couronne evriander. Bien des négociants ont ainsi perdu des opportunités considérables alors que, par exemple, la Maison Sbarro proposait de payer la tonne de blé au talent d’or (100 gp), soit 100% de hausse en un an. Un certain mécontentement gronde donc du côté des marchands ithylians.

Les villes portuaires : Portown, Mirba et surtout Genakohr, s’en sortent grâce à leurs flottes de pêche, à l’instar de leurs homologues ailleurs sur le continent, ce qui leur permet d’allouer leurs réserves à leurs hinterlands respectifs. Le Kohrland, très atteint par les récoltes et la famine, survit ainsi grâce à Genakohr et grâce aussi son l’enclave wejlane de Nederkohrland qui est soutenue par l’Evriand.

Des difficultés relatives aux élevages sont cependant apparues en Havener et à un moindre degré en Clans et en Beraïc, car le défaut de fourrage commence à devenir critique. Les estimations font état d’une diminution du cheptel bovin d’environ un cinquième pour les parties les plus touchées. Si les populations du Havener n’en sont pas à risquer la famine, le jeune duc Bleyss de Haven prend très au sérieux l’affaiblissement économique qui risque d’en résulter pour son fief.

Il ne faut par ailleurs pas se leurrer : la tension sur le prix agricoles provoque de très nombreux trafics, y compris par voie maritime, et les guildes de délinquance connaissent une période de plein-emploi particulièrement faste.

 

Centre Ouest : Marne, Mulgorge, Ostmark.

Les marners ont une tradition de survie particulièrement tenace. Pas de blé ? Eh bien on mangera des châtaignes.
D’autre part, le royaume tire avantage de son protectorat sur Maelne, qui est pratiquement le seul endroit de cette région à avoir été épargné par les mauvaises récoltes, ce qui lui permet de survivre. Enfin Marn, ouvertement soutenu par l’Empire, peut y acheter à des prix normaux de quoi pallier les mauvaises récoltes. Ce privilège, qui s’opère au détriment même de l’Empire, y mécontente beaucoup de monde.
Malgré ces atouts, la population marner souffre quand même de la faim, d’autant que les infrastructures du pays sont médiocres. La mortalité reste stable, mais c’est tout juste.

L’Osmark a choisi une voie bien particulière pour s’en sortir puisque des ressources agricoles font régulièrement leur apparition comme par magie à Vogelberg. Ainsi, non seulement l’Osmark est épargné mais il exporte avec profit à son voisin de Mulgorge.

Mulgorge justement. Y trouver un humain va devenir rare puisque cette race ne pratique pas le cannibalisme, au contraire des autres qui peuplent ce pays. En Mulgorge, ce qui est carnivore s’en sort, pour le moment ; pas les autres, sauf à avoir une bourse bien garnie.

 

Sud-ouest : Lowenland, Isenheim, Zevjapuhr, Okhpuhr, Southend.

Au Lowenland ce pourrait être : famine ? quelle famine ? Car non seulement le pays a des récoltes normales mais ses nombreuses façades maritimes compenseraient d’éventuelles défaillances de son agriculture céréalière. Cependant, le Lowenland demeure un pays volontairement isolé, qui ne commerce que très peu. Ses surplus ne sont donc pas à vendre. En revanche, il donne. Et c’est ainsi qu’à la frontière : au nord de Sulphi, à l’est de Locanhom ou d’Oldfegar, s’étendent sur la route des lignes de miséreux qui sont systématiquement secourus par les lowenlanders.
Des campements frontaliers se sont installés, qui comptent parfois jusqu’à mille huttes ou tentes, et qui reçoivent chaque jour en provenance du Lowenland de quoi subsister. Les pêcheurs de Stanraër, les maraîchers du Beler, les agriculteurs du Val de Löwe , les chasseurs du Baëran Taur, ont pris coutume de travailler davantage pour venir plusieurs fois par semaine remettre aux Guides de Lowenland des cargaisons qui seront distribuées de l’autre côté de la frontière. Les charpentiers d’Oldfegar et de Locanhom ont fourni plusieurs centaines de chaumières en bois et même les voileries d’Uviell ont détourné leur production pour fabriquer des tentes. Le Lowenland est ainsi le seul pays qui se soit organisé à grande échelle pour fournir une assistance d’ampleur non à ses voisins mais à leur population.

Ce qui ne va pas sans créer des difficultés particulières. En effet la nouvelle de la générosité lowenlander a attiré des convoitises inattendues : des bandes sans cesse plus nombreuses de pillards, voleurs et autres bandits, se sont mises à attaquer ou rançonner les campements routiers de l’autre côté de la frontière. A Oldfegar ou Locanhom, les ducs et ces villes ont pris le taureau par les cornes et déplacé les campements sous les murs des cités, c’est-à-dire de leur côté de la frontière, admettant ainsi une entorse marginale et temporaire au principe d’interdiction d’entrée dans le pays. Les gardes frontaliers et Guides de Lowenland peuvent ainsi patrouiller les campements pour en assurer la protection. A Sulphi une telle mesure n’est pas possible car la ville est fort éloignée de la frontière nord du pays qui est par surcroit bien moins clairement délimitée que sa frontière orientale. Toutefois, la famine frappe moins durement dans ce secteur car le Kohrland s’en sort à peu près au plan alimentaire.

Enfin le Lowenland se souvient de ce qu’ils doit aux Olges, et en particulier aux Zeels, face aux Lich-Kings. Les Olges ont donc une quasi table ouverte en matière de commerce agricole avec le Lowenland, ce dont ils profitent abondamment, y compris pour revendre en Marne ou en Isenheim. Le royaume d’Holderin s’en est récemment plaint auprès du Grand-Duc, soutenant que le Lowenland devrait davantage encadrer les exorbitants privilèges qu’il accorde à ses voisins nains.

Southend, Zevjapuhr et Okhpuhr s’en sortent grâce à leurs ressources maritimes mais dans les deux derniers c’est tant pis pour ceux qui en sont éloignés ou qui n’ont pas les moyens. La mortalité en Okhpuhr atteindrait des taux très élevé, les Bashaws n’ayant cure de ce qu’il advient dans leurs domaines. A Zevjapuhr, l’élévation des prix a plongé un très grand nombre de personnes dans la gêne voire dans la misère, d’autant que l’effondrement de l’activité économique de l’Isenheim et du Sablern a entraîné de rudes contrecoups commerciaux. Toutefois c’est bien la misère plutôt que la famine qui frappe une Zevjapuhr où le mécontentement populaire commence à gronder. Mais les récoltes de vin sont, elles, excellentes. Alors le vin coule et tout va bien, n’est-ce pas.

Isenheim s’enfonce dans une situation catastrophique. Le pays aurait perdu le tiers de ses habitants. Plus de la moitié du bétail a disparu. Le gland de chêne est devenu la base de l’alimentation et parfois une friandise. Tangrune désertée offre un spectacle désolant. Des épidémies de typhus et de choléra se sont déclarées et les ressortissants du pays sont repoussés à toutes ses frontières. Après les Lich-Kings, l’horreur frappe à nouveau l’Isenheim, pays maudit disent ses habitants.

 

Centre : Empire Naëmbolt, Dere, Vallée d’Arlve, Vizan.

Dere et la Vallée d’Arlve sont épargnées. La première, parce qu’elle ne recours pas à  l’agriculture conventionnelle ; la seconde parce qu’elle y recourt assez peu elle aussi, et parce que la population qui en dépend est peu nombreuse.

On dit l’Empire terre de contrastes ; à quoi la famine ne fait pas exception. Dans un triangle Flamegard au nord, Dilanovia à l’est, et Nederia ou Henrys au sud-ouest, ca va, parfois bien, parfois à peu près, mais ça va. C’est encore le cas en Gaïko et sur sa façade maritime orientale de Juma à Gorlech, notamment grâce aux diverses variétés de riz, seule céréale dont les récoltes sont bonnes.

La formidable fertilité des terres « bénies de Nephtys » du Heart et Northern Heart et la densité des exploitations a en effet permis des récoltes quasi-normales dans ces contrées (ce qui signifie excédentaires) malgré de nombreuses pertes locales, en particulier sur les terres très intensivement exploitées. Le Middle Empire est en déficit, notamment autour de Terrel et d’Ennfurt, mais la Pellanore (Garlinhall), le Naùlan et la Marche de Dürfalls engrangent des récoltes convenables, et qui s’avèrent même plutôt bonnes dans un Walder qui a réussi à préserver l’essentiel de sa production de houblon, d’orge et d’avoine. L’Ilnaëmber connaît des résultats médiocres sans plus mais curieusement, l’agriculture de montagne autour d’Enlight connaît quant à elle des années fastes, ce qui compense.

Partout ailleurs, ça ne va pas, pas à peu près : pas du tout.

Le premier problème vient du Sablern, qui est littéralement ravagé par les sécheresses récurrentes, la pauvreté soudaine des sols, le rachitisme des cultures. Contrée de tradition agricole multimillénaire, l’un des traditionnels greniers à blé de l’Empire et pilier de sa prospérité, elle connaît la même infortune que l’Isenheim, en face, de l’autre côté du fleuve.

Or le Sablern est la terre de fertilité s’il en est, fertilité est révérée aux grands Temples d’Isis et de Nephtys à Isablis, où ces deux déesses ont marché. Ce qui double la crise alimentaire d’une crise sociale, car les Sablerniens voient dans cet impensable phénomène la marque d’une profonde anormalité, d’une malédiction, d’une colère divine. L’Empire a beau déverser ses surplus sur cette province, l’agitation demeure inquiétante.
Du coup, afin d’éviter tout début d’engrenage dangereux, la Ve Légion cantonnée sur place a été renforcée par les XIII et XIVe, et le Duc Bartalum d’Oakfen, qui y possède de nombreuses propriétés, ne quitte plus son magnifique château de Lanvish, signe de l’inquiétude qui prévaut. Car le Sablern est une perle essentielle de la Couronne du Naëmbolt, dont il ne peut se passer. La combinaison Sablern – Heart – Northeart assure à l’Empire son indépendance alimentaire depuis des siècles et même des excédents agricoles qui sont au fondement historique de sa prospérité économique. C’est notamment parce que le Sablern défaille du côté occidental que l’Empire ne peut pas compenser les défaillances du côté oriental de son vaste territoire.

Car le pire se situe sans aucun doute à l’est, en particulier en Stroelyn, autour de Narov et même en Silverdon, aux alentours de Soulskinne, où l’agriculture ou l’élevage sédentaire a tout simplement disparu. Ce qui attend le voyageur au nord de Gelkard, Angwäven, Varlinne ou Ephrys est stupéfiant : il peut parcourir des lieues et parfois des journées entières, sans rencontrer une âme humaine. Les maisons, hameaux, villages sont vides. Les bandes de pillards ont achevé de faire fuir ceux que la famine n’avaient pas auparavant chassés. Près de la moitié de la partie orientale de l’Empire n’existe tout simplement plus en tant que contrée civilisée.

Où les survivants sont-ils partis ? Une fraction s’est dirigée vers l’ouest, à Dilanovia et au-delà Angwäven, pour s’établir en Middle Empire, notamment autour de Newerton et Terrel, où ils trouvent à  nouveau pain et sécurité. Une part a émigré en Eriendel et vers la côte maritime dans l’espoir pas toujours justifié de bénéficier des ressources halieutiques de ces contrées. Mais la plupart sont allés autour du Gaïko, dans cette sorte de ceinture du riz qui aurait Orfajaz pour centre et qui irradie de Haldwarrow à Gorlech en passant par Broke, Anequere, Biantey, Varlinne.
Et ainsi le vice-Roi d’Orfajaz : Eberic de Chalkenmoon est aujourd’hui plus puissant que l’Impératrice dans l’est de l’Empire. Adorn de Colstone, Buliphar d’Eriendel et lui représentent les vraies  autorités dans lesquelles se reconnaît le peuple impérial à l’est du Dilan. Pour certains observateurs, si les maisons d’Arwen, Chalkenmoon, Colstone, Dwarvenstone, Eaglehunt et Montaygue, aujourd’hui unies dans le malheur et par la résistance à la famine, décident que ça suffit, qu’il y en a marre, que ce qui les unit est plus proche et fort que ce qui les rattache à la Cour d’Ilnaëmb, ce sera la partition de l’Empire. Car ce qui tient l’Empire en orient est un lien administratif et militaire appuyé sur un réseau d’infrastructures, mais c’est tout.

La Couronne a en effet commis une lourde erreur dont la crise de famine révèle aujourd’hui toute l’étendue.
D’abord s’impose le constat d’un échec particulièrement flagrant ; car ce sont bien les contrées bordant la même route que celle prise par Horsnt, ses Héritiers, la Great Evil Coalition, qui s’avèrent aujourd’hui ravagées, malgré le plus jamais ça de Nirag Ier, les patientes et efficaces réformes de Kermegg II, la puissance militaire acquise sous Nirag III. Une fois de plus les Stroelyns, le Dilan, le Silverdon en prennent pour leur grade. Une fois de plus l’aigle impériale a déserté la rive nord de la Nevaïn. Certes la famine a fragilisé à l’extrême des régions déjà fragiles où les monstres n’ont eu qu’à achever le travail qu’elle avait commencé. Mais des raids d’humanoïdes au sud du Whitewall sont tout sauf une surprise. Hors la marche de Prias, il n’y a pas d’endroit en Empire où les monstres soient plus attendus. Et pourtant ils sont passés, autour d’une XIIe Légion occupée à assurer le ravitaillement des grandes villes ou la sécurité des grandes routes et qui s’est bornée à constater les dégâts.

Harassées par des années de guérilla entre la Kelnessea et Iolbec, les armées impériales n’ont jamais réussi à remettre en ordre le turbulent et dangereux nord-est de Derenworld. L’impératrice en a finalement pris acte en renonçant graduellement à y intervenir ; elle a donc renvoyé les VII, IX, XI et XIIe Légions dans leurs casernes ou à de simples patrouilles, un peu comme si elle avait en face d’elle quelque puissance civilisée qui prendrait soin de lui déclarer la guerre avant de tenter une invasion organisée de longue date. Ca a certes coûté beaucoup moins d’argent et beaucoup moins de morts et ça a même affaibli les banditismes locaux.
Mais ça les a éloignées des frontières, à parfois des centaines de kilomètres. Or les gnolls, orcs, trolls et autres gobelinoïdes ne sont pas des marquis de cour qui ont la politesse d’avertir de leur arrivée. Dès le début de la famine ils sont entrés en Empire pour se servir, assaillant de multiples endroits, opérant et achevant des raids bien avant que la population locale sédentaire ait vu pointer le bout d’un casque de légionnaire. Les maisons nobles ont fait leur devoir. Elles ont accueilli les réfugiés dans leurs castels. Mais elles aussi ont fini par y subir la famine. Dans les castels aussi, il n’y eut plus assez à manger. Alors les châteaux furent laissés à leur seule garnison et tous les réfugiés évacués par et parfois avec leurs seigneurs en lieu sûr : Middle-Empire, Eriendel, Gaïko et ses alentours. Désormais, dans les cités de Narov, Tarnoe, ou Triade, soit en plein Empire Naëmbolt, il n’est pas rare de croiser des bandes d’humanoïdes qui se sentent chez eux après avoir offert aux bourgeois de payer pour qu’ils protègent les paysans des alentours, s’ils veulent qu’il en reste pour les nourrir.
D’autre part ce ne sont pas les « têtes » des maisons nobles qui ont protégé les populations mais leurs branches locales, ceux qui ne vivent pas dans les palais d’Ilnaëmb, Orandreth, Corontown, où la misère et la faim semblent et sont loin ; ce dont des frères cadets, des branches secondaires, des nobles de second rang. Ceux-là qui ont vu pendant des années tout ce que l’Empire compte d’administration : prévôts, intendants, questeurs, gouverneurs et vice-gouverneurs, sénéchaux, paladins d’Empire, commandants de garnison, maîtres de poste, ingénieurs d’Etat, écrire rapports et missive pour alerter une cour aussi aveugle que sourde. Jhaen Karnosz-EagleHunt, noble de premier rang, a mené une délégation avec Wallis Goldhelm, Comte d’Angwäven, Jardi Storomakian, Maire de Gelkard, Piasil Piazinov, Gouverneur du Southern Kelnore, et le Paladin Dil, pour demander des exemptions de taxes ; ils ont tous été reçus par l’impératrice Dandria qui a accepté l’exemption et prodigué maintes promesses, mais rien n’a été accompli dans les faits. Les Dilanoviens ont coutume de dire que la générosité de l’impératrice s’arrête à Newerton.

Aujourd’hui, les raids de populations non-humaines affamées atteignent régulièrement les environs de Gelkard, Angwäven, Dilanovia, Ephrys, pillant les dernières ressources, aggravant la crise alimentaire générale. La Couronne n’a que très récemment pris la mesure du problème en envoyant enfin de nombreuses caravanes chargées de grains et de vivres sans apparemment se rendre compte que le fond du problème ne consiste pas à maintenir à bout de bras ce qu’il reste du nord-est de l’Empire mais à reconquérir, sécuriser et pacifier les vastes territoires nécessaires à l’équilibre économique et alimentaire de la région. Or c’est une œuvre de longue haleine à laquelle les Légions, conçues pour des batailles d’affrontement décisif, ne sont pas adaptées. Les paladins d’Empire sont très loin d’être assez nombreux pour l’assurer. Les maisons locales, abandonnées à leur sort, sont dépourvues des moyens nécessaires.Même les plus puissantes peinent à tenir leurs grands châteaux ; pour ne prendre que ceux de la maison de Colstone : Hrad Shiska, Ernogarov, Soleïè, Vertemhrad sont devenus des forteresses isolées dans un désert de civilisation, tels un Keln’s Gate en Arkandahr. Il se murmure qu’Adorn de Colstone achète sur ses derniers personnels du grain aux avrossians, qu’il fait débarquer à Gorlech.

A Ilnaëmb, ce n’est que lorsque l’est de l’Empire a cessé ses contributions fiscales qu’on n’a commencé à percevoir qu’il y avait peut-être un problème différent de ceux auxquels on est accoutumé. Car de longue date, pour la Couronne, la frontière nord-est est une plaie impossible à cautériser qu’on soigne par un mix de légions, d’elfes ariandorë, de milices locales, d’aventuriers en tous genres, de vaillantes hordes Stroelyns, et de nobliaux d’Eriendel et de Silverdon. On a l’habitude d’entendre ces râleurs de d’Orientaux, qui de Dilanovia à Rwandel se plaignent d’habiter dans des contrées voisines de monstres inexpugnables. On compatit, on fait bouger une légion ou deux pendant une saison, on accorde une remise de taxe, et c’est reparti pour un tour.

Il semble que la question d’une nouvelle ampleur du problème ait occasionnée de fortes dissensions au sein du gouvernement de S.M.I., voire au sein du couple impérial. Les remèdes nécessaires à la situation politique et sociale de l’orient exigeraient un effort gigantesque que certains préconisent néanmoins, quand d’autres soutiennent à l’inverse que tout effort militaire est vain si l’on ne s’attaque pas d’abord aux causes agricoles et économiques du problème, à supposer qu’elles ne soient pas uniquement conjoncturelles.

En attendant, la politique impériale qui consiste à sauver le Sablern d’abord et voir pour le reste ensuite contribue assurément au vent mauvais qui attise des braises orientales.

Centre sud : Vizan, Farxel.

Le Vizan, malgré son étendue, a finalement été quasiment épargné, grâce à une politique très active impulsée par le Supra-Roi Yimrè. Le pays a certes gardé de sa tradition militaire d’énormes silos et entrepôts dont l’ouverture ordonnée par la Couronne a permis d’amortir les conséquences de la tension sur les marchés alimentaires du continent. Mais surtout, le Vizan possède de vastes ressources halieutiques et une importante production rizicole, notamment dans le Gwaliorean, le Zahirian Marhi (Iolenne, Hamar), le Sharhadian (Ondhra, Zarpuhr), qui le protège depuis des siècles contre les risques de famine et lui procure cette autarcie qui est une constante multimillénaire de sa politique. Les risques actuels sont ainsi en réalité concentrés dans l’ouest du pays et surtout dans le nord où ils sont aggravés par l’insuffisance d’infrastructures.

Cependant, la réaction du Vizan à la crise alimentaire mondiale est sans doute l’un des plus spectaculaires qui soient. A l’instar de l’Osmark, le pays emploie des solutions originales, mais à sa différence, il les diversifie considérablement.

Ainsi, des navires chargés de denrées alimentaires accostent régulièrement dans les ports du Supraroyaume, apparemment en provenance de terres ultramarines. Ces denrées sont propriété de la Couronne et expédiées depuis les quais de Raeder, Hamar et Gwaliore dans tout le pays et en particulier les zones menacées par l’insuffisance de récoltes céréalières. C’est hors de prix pour le Trône de Jade mais ce dernier n’hésite pas à s’endetter auprès de compagnies financières zevjanes à cet effet.

D’autre part, la Couronne a dès l’an dernier développé la production rizicole au maximum en réaction aux risques de pénurie d’autres céréales, mais aussi encouragé l’aquaculture, en particulier en Soshan (Accran, Manzaïr) et dans les Gwaliorean Reaches, développant en particulier une production d’algues grasses riches en protéines (appelées glovères), faciles à récolter, bon marché, et disponibles durant toute l’année. Le glovère est généralement produit sous forme de rouleaux de pâte alimentaire qui est ensuite farcie d’autres ingrédients (fromage, légumes, poisson ou fruits de mer) avec des recettes qui sont en passe de devenir une véritable mode dans le Soshan.

La Couronne a également mené et soutenu des investigations dans la jungle du Yarwood qui ont permis de découvrir des essences donnant des graines farineuses très nourrissantes ; elles ont été mises en exploitation en lisière de forêt avec des résultats excellents cette année.

Enfin, la culture de coquillages géants en eaux peu profondes, qui était déjà une spécialité de pêcheurs locaux, a été étendue à toute la façade maritime.

Ainsi, seul le nord, notamment les parties désertiques ou semi désertiques ou montagneuses, bref : celles d’accès difficile, sont touchées par un risque de famine. A l’inverse l’Emerian ou l’Ossarian, de tradition céréalière et dont les récoltes ont été catastrophiques, voient leur déficit alimentaire intégralement pallié par les mesures prises par le Trône.

Disgression : les madares de Vizan

La crise actuelle semble aussi indiquer une certaine suprématie des multimillénaires madares de Vizan (dont est originellement inspirée l’Accademia da Zevjapuhr). Les madares sont des écoles libres, qui ressemblent souvent à des sortes de monastères, bâties autour d’un patio, cloître, cour ou déambulatoire, sur lequel donnent les bâtiments : bibliothèque, scriborium, ateliers, quartiers de vie, auditorium, parloir, chapelle, souvent des thermes, assez souvent un jardin, un verger ou potager, voire une plage ou un étang. Subventionnées par la couronne, les nobles locaux, les villes ou les corporations, elles sont orientées vers la recherche appliquée aussi bien que la pensée fondamentale.
Or il semble bien que ces institutions procurent quelques crans d’avance au Vizan sur les systèmes de recherche et de réflexion des autres pays. Un avantage particulier des madares vient de leur combinaison entre souplesse et liberté de fonctionnement, manifesté par le caractère souvent informel de leur statut, et un aspect pragmatique mis naturellement au service de leurs contributeurs mais aussi de tout un chacun. Contrairement à l’université, la guide ou la corporation, la madare est rarement isolée de la cité ou du monde alentour. Elle ne représente pas une autorité quelconque sauf morale. Souvent, les madares ne possèdent même pas leurs murs, leurs meubles, leurs écrits, qui leur sont prêtés par la tradition et la confiance qu’elles inspirent à leurs contributeurs ou à l’opinion publique. Leurs organisations internes sont extrêmement diverses : certaines sont hiérarchisées, d’autres quasiment anarchiques, certaines utilisent des esclaves, dans d’autres tous les membres font de tout, certaines comptent jusqu’à cent membres, d’autres guère que trois. Dans la majorité d’entre elles, n’importe qui peut postuler et être admis, pour peu qu’il apporte une réflexion ou un savoir intéressant.
Les madares échangent énormément les unes avec les autres, même éloignées, sans se préoccuper de hiérarchie ou de constituer une forme de corporation. Il est révélateur que la plupart des madares accordent une grande importance au rire, à la méditation, au repos, choses qui seraient ailleurs tenues pour preuves de paresse ou d’inefficacité. Aucune madare ne se considère supérieure à une autre, car penser ainsi serait contraire à leur raison d’être. Un respect particulier est simplement offert aux plus anciennes, parfois vieilles de plus de mille ans. Ces institutions à la fois traditionnelles, souples et pragmatiques offrent au Vizan une capacité inventive qui, notamment en termes pratiques, est sans équivalent dans le reste du monde.

Pour la plupart des observateurs, cela ne va pas pouvoir continuer ainsi longtemps. Car c’est non point quelque invasion militaire ou intrigue politique mais bien une famine de taille continentale qui a rebattu les cartes du jeu politique mondial, car ses conséquences ont pris de court la plupart des gouvernements. Les tensions sont donc très fortes, et avec elles les convoitises sur des régions fragilisées. Les visées du Vizan sur Zejapuhr, afin de se désendetter, le remodelage de l’Isenheim sur l’exemple Ostmarkan ou Mulgorgien, le déclenchement d’un conquête occidentale par Marn sont des éventualités qu’il faut envisager. Mais les plus gros bouleversements pourraient davantage venir de l’orient. Une scission de l’Empire aurait des conséquences incalculables, surtout si elle est accompagnée de l’éclatement d’un conflit entre Farxel et Avros, d’un retour du Vizan au premier plan des jeux diplomatiques, ou de l’accession de Berviks au rang de puissance maritime organisée. Certains y voient une calamité qui ne serait pas seulement naturelle. « Il faut être con comme Arioch pour avoir cru malin de déclarer sa main sur le continent » murmurait en petit comité à Zevjapuhr un fin connaisseur des arcanes théologiques. Il est vrai que l’inaction voire l’indifférence des grands dieux protecteurs tels Râ, Isis, Nephtys, Silvanus, Osiris, Ukko, Thor ou Athéna, laisse plus d’un étonné et fait plus d’un désespéré.

 

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