Théogonie de Set et Osiris

17 septembre 2018 par Kazz → Cultes
Rappellons liminairement qu’une théogonie est, en polythéisme, le récit mythologique de l’origine des dieux et de leur généalogie.
Les versions sethiste ou osirienne du principal mythe du panthéon de l’Egypte Céleste s’opposant, elles colorent sans doute exagérément le comportement des uns ou des autres aux fins de mieux servir leurs intérêts propres. Pour les osiriens (et l’ensemble des clergés raïques à l’exception de ceux de Set et de Bast), Set est le principe du mal incarné auquel s’oppose l’Egypte Céleste toute entière, unifiée et réparée par la résurrection d’Osiris. Pour les sethistes, Set est le dieu surpuissant ayant dû se défendre face à une conjuration de jalousies et traîtrises qui l’a finalement abattu ou rejeté. Il est donc préférable, pour mieux considérer cette rivalité centrale à la théogonie ptahine, de s’en rapporter à la version établie par le clergé de Queb (plus souvent appelé Geb) qui, étant un dieu bessite, présente le considérable avantage de la neutralité.

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Ptah engendra de lui-même Râ, principe de la paternité, et créa depuis les matières de l’espace Nout-Hathor, principe de la fertilité féminine. Les raïques sont la seule postérité directe de Ptah qui soit entièrement « pure » ; les autres dynasties divines descendant directement ou indirectement de lui, tels les Olympiens ou Bessites, sont mêlées de titans.

Ptah voulait ainsi manifester le caractère irrévocable de l’écoulement unidirectionnel et régulier du temps. Les dieux engendrés en engendreraient eux-mêmes d’autres, inaugurant le cycle des espèces vivantes. Les clés de ce cycle sont les principes fertilisateurs, masculin et féminin : Râ et Nout-Hathor. Ils se combinent aux principes conservateurs et terminateurs, représentés à l’origine par Hadès qui incarne la terre, sur laquelle s’épanouit, se termine et se renouvelle le cycle de la vie. Hadès est ainsi un dieu de la fertilité, comme l’est également Poséido.

Ptah, Râ, Nout et Hadès créèrent l’Egypte Céleste, qui servit elle-même d’exemple à l’Olympe Céleste. Ces créations sont les modèles préfigurant la première expérience matérielle, qui deviendra l’Ellgebir, où se trouve Derenworld.

Râ eut de Nout-Hathor cinq enfants : Osiris, Set, Isis, puis Nephtys puis, plus tardivement, Seker. Osiris devait succéder à Râ et épouser sa soeur Isis. Nephtys était, elle, la promise de Set. Mais Osiris la séduisit et eut avec elle des rapports sexuels, avec la complicité d’Isis, d’autant plus volontiers acceptés par Nephtys qu’elle se croyait stérile. Set s’en plaignit à son frère qui se moqua de lui et lui porta un coup au visage pour l’éloigner.

Nephtys donna naissance à Anubis dont Set n’accepta jamais de se reconnaître père, bien qu’Anubis soit de toute évidence sien. Osiris devint ainsi père adoptif de son neveu dont le père véritable demeurait Set. Nepthtys devint l’incarnation de de la fertilité fécondée par deux principes antagonistes : Osiris et Set.  

Set avait alors une sexualité débridée et un tempérament emporté qui amusait ou inquiétait selon le cas les autres dieux. Mais il était aussi celui qui avait sauvé son père en combattant plusieurs fois puis en détruisant finalement le serpent Apophis avant de repousser avec son ami Arès le serpent jumeau qui allait devenir Jormungandr ; c’est pourquoi Set devint le prince des serpents.
Il était et reste encore le plus vigoureux des enfants de Râ. Mais ce dernier lui préférait son aîné Osiris, certes moins puissant, mais assurément plus sage ; cependant, Nout-Hathor et la plupart des dieux “étrangers” aux raïques préféraient Set.

La vengeance de Set contre Osiris ne s’exerça toutefois pas par violence mais par ruse. Au cours d’un immense banquet destiné à fêter la naissance d’Horus, Set fit boire à Osiris une coupe de vin empoisonné qui le plongea dans un profond sommeil. La nuit suivante, il enleva le corps endormi et voyagea avec lui aux confins de l’univers pour le plonger et le noyer dans l’étendue aquatique qui a pour nom Dagon, ce qui masqua son forfait.
Pour éviter toute résurrection, il découpa le corps en quarante-deux segments que les errances de Dagon dispersèrent graduellement dans l’univers. Le seul segment non retrouvé : le sexe d’Osiris a probablement été conservé par Set qui l’aurait donné à manger à une créature dont on ne sait rien et qui pourrait aussi bien être Cerbère que Jormundgandr.


Le forfait de Set demeura longtemps inconnu. On évoqua d’abord une disparition d’Osiris puis, face à la prolongation de son absence, sa mort, qui finit par être confirmée par Thoth. Les longues recherches entreprises par Isis et Anubis aboutirent à Dagon de sorte qu’on attribua initialement la mort d’Osiris à la vengeance d’un Grand Ancien et en particulier à Tharizdun. Secrètement décidés à ressusciter Oriris, Seker, Horus, Anubis, Nepthtys partirent à la recherche des morceaux dispersés dans l’univers.

Entretemps, Set prit la place initialement dévolue à Osiris de gouverneur et protecteur de l’Egypte Céleste, que lui contesta Horus, appuyé par sa mère Isis. La lutte pour la domination de l’Egypte entre Set et Horus fit longtemps rage et donna lieu à plusieurs batailles dont où Horus châtia souvent Set, et cela souvent avec l’aide de sa mère. Toutefois, ce fut Set qui obtint les deux plus fortes victoires, la première en sodomisant Horus, la seconde en lui arrachant un oeil.
L’évidente et ferme volonté de Set de remplacer Osiris éveilla en Isis le soupçon que Tharizdun pourrait bien ne pas être l’assassin de son époux. Isis et Horus haïssaient Set, en fait avec raison, mais ne pouvaient l’accuser sans preuve. A l’inverse, Set ne haïssait point ni Horus ni Isis et aurait pu aussi bien coucher avec tout le monde ; débarrassé d’Osiris, il se considérait l’héritier de Râ et le principe du Pharaon, ce futur intercesseur entre dieux et hommes à venir. Cependant, Horus revendiquait lui aussi ce même principe et ce d’autant plus intensément qu’il en était l’inventeur.

Râ ne prit point parti car bien qu’il préférât Horus, Nout conservait de son côté sa tendresse à Set. D’autre part, la plupart des autres dieux le considéraient comme le meilleur défenseur possible de l’Egypte Céleste et même des Ptahins contre les Grands Anciens. Set était l’ami de dieux tels que Ptah, Bes et Geb, “d’étrangers” de l’Olympe, tels Arès, Hermès, Hecate, Hadès, Hera, et plus tard de Loki, Straasha, Silvanus, Ormandula. Cette situation contrastait avec l’hostilité farouche que lui vouaient Isis, Nephtys, Seker et bien sûr Horus. Mais nombreux étaient ceux qui voyaient dans l’animosité d’Isis la détestation d’une mère envers celui qui avait éborgné son fils, ou qui tenaient Horus pour un prétendant au trône furieux de ne pas réussir à renverser son rival.

Les pièces une à une retrouvées du cadavre d’Osiris furent assemblées par Nephtys dans des bandelettes tressées par Isis qui constituèrent la première momie, sur laquelle Anubis veilla. Des eaux putréfiées qui longtemps en coulèrent se forma la rivière des morts : le Styx. La momie voyagea dans treize sarcophages différents afin de la soustraire à la violence de Set et sans doute aussi à la curiosité d’autres. Lorsque quarante et un des quarante-deux morceaux furent assemblés, Thoth indiqua que le nombre propice était atteint : quarante et un n’est pas divisible et retrouver la quarante-deuxième pièce du cadavre interdirait sa résurrection.

L’oeil d’Horus arraché puis jeté par Set avait été retrouvé par Isis qui l’avait préservé. Par son pouvoir de fécondité, elle conféra à l’oeil des propriétés de régénération. Puis elle anima le cadavre d’Osiris qu’Anubis avait préparé pour la résurrection : elle se transforma en oiseau frôlant la momie dans une danse qui dura quarante et un jours jusqu’à lui redonner le souffle de la vie. Ensuite elle reprit forme féminine et nourrit la momie de l’oeil d’Horus, découpé en 64 morceaux, dont 63 se régénérèrent. Au soixante-quatrième et dernier morceau, Osiris ouvrit les yeux, ressuscité.

C’est le seul exemple connu et vérifié de résurrection divine. Elle est tenue pour impiété par beaucoup, notamment parce qu’elle contrevient à la conception du temps voulue par Ptah. Mais Osiris ressuscité put affirmer que Set l’avait assassiné et Thoth confirma son récit.

Il s’ensuivit un grave conflit entre les partisans de Set, qui s’opposaient à la résurrection d’Osiris, et ceux d’Osiris, qui réclamaient le châtiment de Set. Râ, furieux, bannit Set ; mais Nout, éplorée, lui fit alors don de son domaine : la nuit, qu’il a depuis en partage avec elle, et de la pénombre, afin qu’il échappe à ses ennemis. Râ maudit aussi les serpents, serviteurs du banni, qui redevinrent les ennemis qu’ils étaient avant la victoire de Set contre Apophis.
Toutefois Hadès, irrité de la résurrection d’Osiris et de l’infidélité des raïques envers les préceptes de Ptah, se rangea aux côtés de Set. Il devint ainsi l’ennemi de nombreux autres dieux, ce qui contribua à la naissance et la puissance des Enfers. Mais de nombreux dieux olympiens, tels Hecate ou Arès, se rangèrent aussi du côté de Hadès à cette occasion.

Ptah lui-même soutint Set, qui avait été insulté par Osiris qui avait couché avec sa promise et qui avait plus que tout autre raïque combattu les puissances du chaos et les dangers menaçant l’Egypte Céleste. Mais pour éviter une guerre entre les dieux il proposa qu’on s’en remette au jugement de Thoth et Geb, les fils de Bes, aidés de leur père s’il ne parvenaient pas à une décision, ce qui ne s’avéra pas nécessaire.
Le jugement confirma les sanctions édictées par Râ et rejeta Set hors de l’Egypte Céleste sans toutefois l’en bannir, lui faisant seulement obligation de n’y point résider. Il proclama que ressusciter un immortel, qu’il ait été ou non engendré ou créé par Ptah, violait les lois de l’univers et les mettait en péril. Il priva Isis de son pouvoir de fertilité qui fut transféré à Nephtys. Mais il laissa Osiris ressuscité, considérant que le mal commis par Set était plus fort que l’impiété commise par Isis pour le réparer. Symbolisant le basculement du rapport de forces en faveur d’Isis, Thoth recréa lui-même le soixante-quatrième manquant de l’oeil d’Horus puis le reconstitua pour le donner à celui-ci en échange de la paix revenue.

Le jugement de Set est le premier acte affirmant une prééminence de l’opposition entre le bien et le mal sur celle entre l’ordre et le chaos. C’est l’un des actes divins les plus commentés. La pensée osirisienne, devenue sur ce point celle de la plupart des raïques, en déduit qu’au sein d’une société juste, efficiente et heureuse, la loi conduit nécessairement à une morale, l’une sans l’autre étant imparfaites. La pensée sethiste, plus proche et plus fidèle à l’enseignement de Ptah, considère que la loi, entendue comme un corpus de règles garantissant la survie et l’organisation d’une société, constitue une valeur intrinsèque à la fois nécessaire et suffisante à l’accomplissement individuel et collectif. Cette divergence demeure aussi radicale actuellement qu’elle l’était aux temps de la Genèse.


La résurrection d’Osiris et ce qui l’a précédé modifia grandement les rapports entre les dieux et le sort de plusieurs d’entre eux.

Osiris refusa ce rôle de chef exécutif de l’Egypte Céleste auquel il était originellement destiné et que Set avait tant chéri. Horus l’y remplaça et s’y consacre encore. Osiris devint songeur et méditatif, celui qui veille au renouvellement des choses, à l’écoulement du temps, et qu’intéressent peu les considérations matérielles. Seul dieu à avoir été ressuscité, il a voulu se consacrer à la renaissance et la résurrection ; « Toute fin est un commencement' » énoncent ses zélotes. D’une extrême intelligence parmi les dieux, il est prodigue de compassion et d’amour au sens intellectuel, une fois encore à l’inverse de Set, pour qui prime la chair. Aimé et estimé en Egypte, il entretient aussi et même surtout de très fortes amitiés avec Silvanus, Balder, et Straasha. Il est parfois considéré comme l’un des quatre dieux de la mort, avec Hadès, Hel et Anubis.

Anubis demanda à Set son pardon de la résurrection d’Orisis et Set le lui accorda. Il est l’un des rares dieux à bien s’entendre avec ses deux pères et sa mère.

Ptah fut désappointé et se désintéressa ensuite d’une Egypte Céleste depuis lors dominée par la trinité Râ, Isis, Horus. Au sein de cette Egypte Râ suprême, « Râ Regnans », a perdu bien des plumes pour n’avoir pas su s’imposer ni à Set ni à Nout, ni trancher entre Set et Horus avant la résurrection d’Osiris. Râ demeure davantage le dieu solaire que le principe du père, car ce principe l’a rendu indissociable de sa descendance, comme s’il devenait aveugle ou impuissant sans les fruits de la fécondité.

Nout-Hathor, rongée de regrets, se sentant plus ou moins coupable envers à peu près tout le monde à commencer par Ptah, Râ, Set et Orisis, laissa sans tristesse son domaine être dévoré par les autres dieux de la nuit et par Nephtys-Demeter. Elle borne son existence à l’Egypte Céleste.

Les relations entre Nephtys, Set et Bast sont compliquées car Set, autorisé à de brefs passages en Egypte Céleste, put visiter Nephtys. Il engendra ainsi en elle sa fille Bast, avec qui il partagea la nuit. Bast, troisième divinité de la nuit, déesse des chats et des félins, est très aimée de sa grand-mère Nout-Hathor et elle le lui rend bien ; elle ne put ni ne voulut jamais choisir entre Nephtys et Set bien qu’elle semble légèrement préférer le second.

Set demeure un dieu surpuissant confiné dans un sous-domaine d’Achéron trop étroit pour ses immenses capacités. Ses détestations s’accroissent de cette réclusion mais la guerre éternelle des Enfers contre les Abysses lui offre parfois d’agréables exutoires.
Son impulsivité continue de lui jouer des tours et explique quelques avanies dont la pire est sans doute la captation de l’hommage des yuan-tis, ses propres créatures, par le seigneur démon Meershaulk, vilain tour dont Demogorgon rie encore.
Il conserve néanmoins un solide réseau d’amitiés : Arès, Hadès, Hecate, Bast, Gruumsh et, moindrement, Nout, Ptah, Geb, Hermès. Ce réseau perdure malgré des événements ultérieurs qui firent passer certains de ses membres, notamment Set, du statut de réprouvé à celui de malveillant aux yeux du reste des divinités et des mondes.

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