Sur bien des points j'ai trouvé un écho à ma réflexion sur le jeu de rôle, entendons-nous à ce que j'attends du jeu de rôle, et qui peut être tout à fait autre pour quelqu'un d'autre.
Il est vrai que l'ajout de règles à largement contribué à la wargamisation du jdr où le personnage disparaît au profit d'une valeur, d'un chiffre. Beaucoup plus regrettable me semble-t-il est la quasi disparition d'un certain bon sens qui doit être maintenant mesuré à l'aulne d'un dé, le personnage peut monter à cheval mais sans son entraînement régulier il parait assez improbable qu'il parvienne à faire un salto arrière à sa monture !
Mais en fait comment borner la démesure, l'extravagance et l'imagination de joueurs qui certes font le piquant, la teinte d'une équipe ou du jeu mais qui peuvent par ailleurs ralentir considérablement le jeu par de sempiternelles lamentations, réclamations, injustices parce que les joueurs sont confrontés à une nécessaire frustration.
Nécessaire, et même fondamentale frustration pour maintenir le tissu d'arlequin d'un jeu où, quand on y songe, tout peut être crée, développé, imaginé... Et c'est là le noeud du problème, l'intolérance à la frustration qui mobilise une telle quantité d'énergie et de temps que le plaisir du jeu s'efface.
Qui n'a pas été agacé par ce discours lancinant d'un échange conflictuel autour de ce qui peut être fait ou non et qui dure, dure sans que rien n'y personne ne puisse malheureusement faire autre chose que d'espérer la fin du monde, l'explosion apocalyptique qui mettra un terme à cette put... de discussion. mais voilà les Dieux se taisent et il est vrai que les joueurs souhaiteraient avec ardeur qu'ils agissent, qu'ils sortent de leur temple pour filer une bonne raclée à l'ennuyeux joueur contestataire.
Bon alors maintenant nous pouvons avoir un semblant d'espoir puisque le DM peut évoquer le jet de Dé comme solution pacifique de sortie de crise et poursuivre la dynamique de son scénario. C'est en cela que je suis attaché à Pathfinder, mais comme l'intolérance à la frustration ne se soigne pas avec quelques efforts de logique, nous trouvons les mêmes joueurs qui vont interminablement discuter sur l'interprétation de cette règle, se faufiler jusque dans ses recoins les plus obscurs.Et nous voilà de nouveau confronté à l'attente inespérée de la fin du monde pour mettre un terme aux échanges les plus absurdes qui peuvent exister : la loi et son interprétation. Malheureusement Pathfinder ne peut mettre un terme à la mauvaise foi et à la contestation orgueilleuse puisque ce qui se joue là c'est du ressort de l'individu, de sa jouissance, et de sa capacité à mettre en suspend la recherche d'une illusoire omnipotence.
Ce qui vaut pour le joueur, prévaut pareillement pour le DM dont la tentation est grande de se comparer à un Deus ex machina, frappant, distribuant, joie et souffrance au gré de son humeur, de ses convictions ou encore de ses attentes.
Car lui aussi doit se coltiner avec la frustration, doit s'éclipser pour valoriser la dynamique de groupe, le plaisir des joueurs et mettre en œuvre toute son énergie, à donner vie à une aventure palpitante, faire vibrer les coeurs émus des vieux enfants que nous sommes... Je pense à certains DM qui ont l'art et la manière de vous faire croire que cet abri si sûr ne l'est peut-être pas, que ce monstre malingre, à l'évidence un pied ou une patte dans la tombe, peut vous arracher les yeux et dévorer votre cervelle, et le pire que j'ai vu, c'est un couloir éclairé de 9m de long qui était devenu le couloir de la mort, alors qu'il ne se passait rien, absolument rien, ils nous a fallu plus d'un quart d'heure pour franchir ces 9 mètres avec la peur au ventre alors qu'il ne se passait rien. Et pourtant à chaque pas le DM avait l'art et la manière de dire, de faire croire que peut-être, ce couloir si tranquille... trop tranquille.
Il y a aussi les moments épiques, impossibles c'est certain mais qui transportent les joueurs jusqu'au fond d'eux-mêmes, dans une égrégore stimulante... Là les échappées de ADD laissent percevoir les réalités du JDR !
Et puis il y a les moments tordus où le DM se fait plaisir, sans se préoccuper de ses joueurs, avec de vagues rationalisations il étripe les personnages, et se sert du scénario pour affirmer son autorité et mettre en valeur un tyrannique phallus. Là Pathfinder réduit le champ des interventions, en apportant sa Loi, il permet de mettre à distance pour le plaisir de tous.
Tout cela pour dire, qu'une modalité est de tempérer, bien que nous ayons à coeur de mettre de l'ordre dans le chaos, il faut laisser une part d'incertitude et donc de chaos sinon la vie est une moribonde vieille édentée qui vous casse les pieds pour vous faire acheter un nouveau livre sur les vol des mouches dans le Tangut. Et de temps à autre tolérer qu'un énième décervelé à l'intelligence d'un hochet vienne vous pourrir votre soirée parce qu'il jacasse, conteste et justifie qu'il a raison, qu'il sait mieux, que vous vous trompez et cela Pathfinder le sait la mauvaise foi ne se discute pas. Ce n'est pas une raison pour vivre dans l'illusion d'un passéisme idéalisé pour ne pas avoir à affronter la complexité d'un jeu hors du commun.
Du haut de mon perchoir j'ai attrapé un rhume : Khamal