au commencement était le jeu
Publié : 29 juin 2015, 12:35
de quelques considérations sur le jeu de rôle
Non pas que je considère comme Rousseau ou Montaigne, que mes pensées ou ma vie est valeur d’enseignement, mais comme Voltaire qu’ « il faut cultiver son jardin ».
J’ai découvert le jeu de rôle dans un numéro spécial de Casus Belli, que mon frère avait apporté. Le jeu « Donjon et Dragon » y était schématiquement présenté sous la forme d’un jeu de plateau avec un mini scénario ainsi que des personnages simplifiés.
Nous passâmes un week end extraordinaire à jouer avec ma sœur, à partir du scénario que mon frère transformait tant bien que mal. J’avais 17 ans. De retour au lycée ma sœur en parle à un ami, qui lui annonce que cela fait maintenant un certain temps qu’il y joue. Et c’est comme ça que je rencontrais Olivier Barb’. Présentation, Rendez-vous, il m’amène à la Cave, et je rencontre tout un groupe : il y avait Kazz maitre de jeu, Thierry N., Martial M., Dominique L., et je crois une demoiselle Béatrice, et peut être Bertrand.
On m’explique succinctement les règles, le but du jeu, mais très vite, malgré mes efforts, mon personnage meurt. Alors sous l’effet d’une impulsion, d’une tension interne, je tirais un second personnage, frère nain du premier et qui va devenir Destroyer Olgo Thaerin, avec, dans le groupe une MU/Vo Melkria, un Druide joué par thierry (hexandria il me semble), un Paladin joué par Dominique… A cette époque, nous jouions deux à trois par semaine avec des sessions de 4 à 8 heures, et même une fois, une session de jeu qui durera 24 heures sans s’arrêter, avec cette question comment Kazz a-t-il fait pour arbitrer pendant tout ce temps ?
J’en arrive à mon sujet, le jeu de rôle. Cette longue introduction pour dire combien le jeu de rôle a tenu une place importante dans ma vie non seulement en tant que joueur mais aussi en tant qu’arbitre. Cette place a été octroyé alors que je n'étais pas joueur habituellement. Mais dans la Cave, j’ai passé les meilleurs moments de jeu, parce que nous ne jouions pas le Donjon avec les règles prescrites, mais nous vivions le jeu, tant que durait la session, nous n'étions plus tout à fait nous-mêmes, ni si différents. Cet engagement dans le jeu permet à mon sens d'expliquer pourquoi le DM a pu masteriser pendant 24 heures de suite sans repos. Il n'était plus Olivier Kazz, il était le deus ex machina qui organise, il était le jeu, le destin et ses aléas non pour les joueurs mais pour leurs avatars : les personnages !
Car le jeu de rôle consiste en l’installation d’un espace/temps spécifique entre réalité et imaginaire, une sorte d’espace transitionnel entre 2 mondes : la réalité et le fantasme. Les personnages se façonnent en explorant des dimensions de nous-mêmes qui vont se concrétiser au travers d’un ou plusieurs personnages. Mais les personnages permettent aussi d’apprendre de nous-mêmes, car ils sont invention/création, ou pour reprendre un terme cognitiviste ils sont enactifs, c’est à dire qu’ils suscitent des représentations individuelles qui participent ainsi indirectement à la construction identitaire. Mais pour se faire, cet espace/temps consacré au jeu de rôle doit être un espace dynamique, fluide et tolérant une certaine liberté. Il doit se construire dans un principe d’Egalité et de Fraternité, permettant à tout un chacun d’avoir la possibilité d’explorer sereinement ces facettes de lui-même. Ce qui sous-entend bien évidemment des moments de crise et de désaccord.
Ainsi le jeu de rôle appartient au principe de réalité tout en étant attaché au principe de plaisir. En d’autres termes, si le jeu ne comporte pas de règles il cesse d’être créatif, et satisfait essentiellement l’orgueil et la vanité, mais si les règles l’absorbent il cesse d’être créatif en étant plus proche du jeu de plateau satisfait l’illusion d’emprise de la réalité.
Cette troisième voie à construire, est un travail important tant pour les joueurs que pour le DM, car en fait pour que l’Egrégore puisse naître il est important que chacun se soit approprié le jeu. Certes cette appropriation tient lieu d’une interprétation des possibles, c’est-à-dire d’une appropriation des particularismes des règles. L’Alchimie opère sa sublimation quand chacun peut concevoir de jouer un jeu spécifique en le partageant pourtant avec d’autres. Je vais tenter un exemple, la transformation du « Magic Missile » par Kazz opère ainsi une telle transformation que le sort est quasiment invention, sans pour autant quitter ses liens avec le vrai sort. Du coup il particularise le sort, et donc symboliquement le jeu sans pour autant perdre toute attache avec le jeu originel. Si les dés prennent une trop grande place, ou si vous préférez les règles prennent une trop grande place, les joueurs sont accaparés par la dynamique protocolaire, ils sont tenus symboliquement par une réalité matérielle qui nuit à une réalité plus imaginaire, leur création est surtout application efficace. Si les dés sont essentiels pour permettre la mise en place d’une dramaturgie, c’est à la condition qu’ils disparaissent pour laisser l’interprétation du joueur, c’est-à-dire pour laisser place au personnage.
Ainsi le bon joueur n’est pas celui qui connait bien voire parfaitement les règles mais celui qui parvient à donner vie à son personnage. Dans ce cas, le personnage est si dense, si présent, qu’il peut se passer, qu’il va se passer de sa représentation en figurine. L’idée géniale c’est que l’identification au personnage, n’est pas régressive, dès lors qu’elle se maintient dans le cadre du jeu, elle offre au contraire l’occasion d’une exploration de soi-même. Elle s’effondre dans la régression quand les joueurs confondent réalité et personnage. Le jeu ne peut plus laisser place au rôle quand la réalité matérielle est si présente, l’usage de carte spécifique, avec un démarcage très précis, des figurines, tout cela donne l’illusion d’une emprise sur la réalité, et casse l’acte créateur.
Le jeu est vivant quand les joueurs ont incarné un personnage qui émerge de leur vie intérieure pendant le temps de jeu, et qui sommeillera en dehors, tranquille et rassuré. Je ne suis pas attaché à ADD en tant que tel, mais à ce type de jeu de rôle, qui m’a fait souffrir, qui m’a fait rire, pleuré, interrogé, grondé, plaisir, sans pour autant perdre de sa complexité. Session après session, il a mêlé tous les ingrédients de la Vie, pour m’en offrir la quintessence.
Ulysse-Odysseus
Non pas que je considère comme Rousseau ou Montaigne, que mes pensées ou ma vie est valeur d’enseignement, mais comme Voltaire qu’ « il faut cultiver son jardin ».
J’ai découvert le jeu de rôle dans un numéro spécial de Casus Belli, que mon frère avait apporté. Le jeu « Donjon et Dragon » y était schématiquement présenté sous la forme d’un jeu de plateau avec un mini scénario ainsi que des personnages simplifiés.
Nous passâmes un week end extraordinaire à jouer avec ma sœur, à partir du scénario que mon frère transformait tant bien que mal. J’avais 17 ans. De retour au lycée ma sœur en parle à un ami, qui lui annonce que cela fait maintenant un certain temps qu’il y joue. Et c’est comme ça que je rencontrais Olivier Barb’. Présentation, Rendez-vous, il m’amène à la Cave, et je rencontre tout un groupe : il y avait Kazz maitre de jeu, Thierry N., Martial M., Dominique L., et je crois une demoiselle Béatrice, et peut être Bertrand.
On m’explique succinctement les règles, le but du jeu, mais très vite, malgré mes efforts, mon personnage meurt. Alors sous l’effet d’une impulsion, d’une tension interne, je tirais un second personnage, frère nain du premier et qui va devenir Destroyer Olgo Thaerin, avec, dans le groupe une MU/Vo Melkria, un Druide joué par thierry (hexandria il me semble), un Paladin joué par Dominique… A cette époque, nous jouions deux à trois par semaine avec des sessions de 4 à 8 heures, et même une fois, une session de jeu qui durera 24 heures sans s’arrêter, avec cette question comment Kazz a-t-il fait pour arbitrer pendant tout ce temps ?
J’en arrive à mon sujet, le jeu de rôle. Cette longue introduction pour dire combien le jeu de rôle a tenu une place importante dans ma vie non seulement en tant que joueur mais aussi en tant qu’arbitre. Cette place a été octroyé alors que je n'étais pas joueur habituellement. Mais dans la Cave, j’ai passé les meilleurs moments de jeu, parce que nous ne jouions pas le Donjon avec les règles prescrites, mais nous vivions le jeu, tant que durait la session, nous n'étions plus tout à fait nous-mêmes, ni si différents. Cet engagement dans le jeu permet à mon sens d'expliquer pourquoi le DM a pu masteriser pendant 24 heures de suite sans repos. Il n'était plus Olivier Kazz, il était le deus ex machina qui organise, il était le jeu, le destin et ses aléas non pour les joueurs mais pour leurs avatars : les personnages !
Car le jeu de rôle consiste en l’installation d’un espace/temps spécifique entre réalité et imaginaire, une sorte d’espace transitionnel entre 2 mondes : la réalité et le fantasme. Les personnages se façonnent en explorant des dimensions de nous-mêmes qui vont se concrétiser au travers d’un ou plusieurs personnages. Mais les personnages permettent aussi d’apprendre de nous-mêmes, car ils sont invention/création, ou pour reprendre un terme cognitiviste ils sont enactifs, c’est à dire qu’ils suscitent des représentations individuelles qui participent ainsi indirectement à la construction identitaire. Mais pour se faire, cet espace/temps consacré au jeu de rôle doit être un espace dynamique, fluide et tolérant une certaine liberté. Il doit se construire dans un principe d’Egalité et de Fraternité, permettant à tout un chacun d’avoir la possibilité d’explorer sereinement ces facettes de lui-même. Ce qui sous-entend bien évidemment des moments de crise et de désaccord.
Ainsi le jeu de rôle appartient au principe de réalité tout en étant attaché au principe de plaisir. En d’autres termes, si le jeu ne comporte pas de règles il cesse d’être créatif, et satisfait essentiellement l’orgueil et la vanité, mais si les règles l’absorbent il cesse d’être créatif en étant plus proche du jeu de plateau satisfait l’illusion d’emprise de la réalité.
Cette troisième voie à construire, est un travail important tant pour les joueurs que pour le DM, car en fait pour que l’Egrégore puisse naître il est important que chacun se soit approprié le jeu. Certes cette appropriation tient lieu d’une interprétation des possibles, c’est-à-dire d’une appropriation des particularismes des règles. L’Alchimie opère sa sublimation quand chacun peut concevoir de jouer un jeu spécifique en le partageant pourtant avec d’autres. Je vais tenter un exemple, la transformation du « Magic Missile » par Kazz opère ainsi une telle transformation que le sort est quasiment invention, sans pour autant quitter ses liens avec le vrai sort. Du coup il particularise le sort, et donc symboliquement le jeu sans pour autant perdre toute attache avec le jeu originel. Si les dés prennent une trop grande place, ou si vous préférez les règles prennent une trop grande place, les joueurs sont accaparés par la dynamique protocolaire, ils sont tenus symboliquement par une réalité matérielle qui nuit à une réalité plus imaginaire, leur création est surtout application efficace. Si les dés sont essentiels pour permettre la mise en place d’une dramaturgie, c’est à la condition qu’ils disparaissent pour laisser l’interprétation du joueur, c’est-à-dire pour laisser place au personnage.
Ainsi le bon joueur n’est pas celui qui connait bien voire parfaitement les règles mais celui qui parvient à donner vie à son personnage. Dans ce cas, le personnage est si dense, si présent, qu’il peut se passer, qu’il va se passer de sa représentation en figurine. L’idée géniale c’est que l’identification au personnage, n’est pas régressive, dès lors qu’elle se maintient dans le cadre du jeu, elle offre au contraire l’occasion d’une exploration de soi-même. Elle s’effondre dans la régression quand les joueurs confondent réalité et personnage. Le jeu ne peut plus laisser place au rôle quand la réalité matérielle est si présente, l’usage de carte spécifique, avec un démarcage très précis, des figurines, tout cela donne l’illusion d’une emprise sur la réalité, et casse l’acte créateur.
Le jeu est vivant quand les joueurs ont incarné un personnage qui émerge de leur vie intérieure pendant le temps de jeu, et qui sommeillera en dehors, tranquille et rassuré. Je ne suis pas attaché à ADD en tant que tel, mais à ce type de jeu de rôle, qui m’a fait souffrir, qui m’a fait rire, pleuré, interrogé, grondé, plaisir, sans pour autant perdre de sa complexité. Session après session, il a mêlé tous les ingrédients de la Vie, pour m’en offrir la quintessence.
Ulysse-Odysseus