Après Harwind
Publié : 07 juin 2016, 09:32
Harwind : vue d’après.
Vous connaissez déjà pas mal de choses sur Harwind et je posterai bientôt des résumés et compléments. Mais à l’entrée vous n’en connaissiez pas assez. On a déjà évoqué l’insuffisance initiale de renseignements qui vous a coûté cher au début.
Le premier challenge consiste à choisir quel côté par où entrer dans la forteresse. « Normalement » les joueurs choisissent le Chaoside, le plus évident et le plus proche. C’était d’autant plus mon souhait que le premier Harwind avait été entamé par le côté Lawside ; j’avais donc plutôt envie que ça change et c’est pourquoi la borne qui nomme les deux directions à la bifurcation de Bromsford est cachée : si le groupe ne la découvre pas, il ira naturellement vers l’entrée Chaoside ; celle-ci a donc deux fois plus de chance que l’autre d’être parcourue en premier. Mais Martial en décida autrement.
Les débuts furent donc (très) difficiles. Votre situation vous mettrait en impréparation maximale car si l’on commence par le Lawside, une éventuelle insuffisance d’information n’est alors pas rattrapée par les données offertes par une visite préalable du Chaoside. Vous ne saviez donc pas, par exemple, que Barduld serait supposé (vous) attendre de l’autre côté ou, si vous aviez convaincu Dunierk, qui est lui-même renseigné par Geberka, qu’il a été remplacé par d’autres envahisseurs plus puissants et qu’il y a des géants.
Le choix du Lawside est d’autant plus emmerdant que bien que compatible avec des 4e niveaux (côté Chaoside, au 4e, les Psurlons sont aussi de sacrés challenges…) il nécessite une technique d’infiltration très pointue, du type no-alert, sinon on se retrouve avec la déferlante du Temple de Hadès sur le paletot, ce qui s’est effectivement produit.
L’entrée par le Lawside a ceci de déroutant qu’il y a presque d’emblée pratiquement une dizaine de directions possibles avec les couloirs du premier secteur (Temple de Hadès) et les connexions de la « cliff ». En outre, le design opère de manière inversée à celui d’un module classique : alors que le « gros méchant » est généralement atteignable à la fin d’un long parcours, vous risquez dans le Lawside d’affronter les « gros » dès les premiers encounters ; pire encore ; leur lair (notamment celui de Ashtir) est proche de l’entrée. Ce design inversé ajoute, bien sûr, à la confusion née de la multiplicité « jaquaysienne » des choix de parcours et des possibilités de déroulement d’aventure. Comme je l’évoquais en avril, cela traduit la prise en compte de l’expérience particulière des joueurs destinés à jouer cette seconde version de Harwind. La vôtre triompha de ce design comme d’adversités supplémentaires, telles les manques de bol inévitables sur une si longue aventure, telles aussi ce changement de deux joueurs en cours de route qui n’est pas rien dans une aventure ou l’expérience globale du parcours compte beaucoup. Il y eut néanmoins grand nombre de moments brillants, depuis la porte fermée au nez de Birib Loeb ou l’assaut super-audacieux contre Laligscia jusqu’à la défaite de Klovadruim ou la résolution finale de l’utilisation de la sphère d’Avaljoukir. J’ai le bonheur de penser que vous avez vécu et vaincu l’aventure de Harwind.
Le design global s’articule en trois parties.
Dans la première, la plus longue, le groupe d’aventuriers résoud la situation Ashtir – Barduld – Dunierk, reçoit des indices importants sur la culture et l’histoire de Harwind et surtout celle de sa chute, comprend l’objectif de réunir les maillons, trouve le passage vers les auxiliary stairs et leurs clefs. A cet effet, il doit notamment vaincre Ashtir et ses lieutenants et associés, et vaincre ou convaincre Dunierk. Il dispose d’éléments pivots d’aide et de renseignements tels Kzierwinie, Geberka, Orvik et pour finir la salle des Portraits. Il reste au même niveau horizontal.
Dans la deuxième, le groupe explore les niveaux intermédiaires et se dote des moyens de réunir la Chaîne en en collectionnant les maillons et en devenant Harwinardon Merindi. Il apprend aussi, si ce n’est déjà fait, l’existence d’Entropike et le danger qu’elle représente. Il découvre l’une des merveilles à peu près intactes : le Moonsgarden et ses environs, mais surtout rencontre au même endroit les ennemis Loowelash et Klovadruim, éléments déterminants pour la compréhension de l’histoire récente et ancienne de Harwind, puis les alliés Herain III et Volzozerim, également déterminants dans cette compréhension. Démons, Drows et Feu Sacré sont les opposants qu’on retrouvera le plus souvent à partir de cette étape.
Dans la troisième, le groupe parcoure les niveaux inférieurs où se réalisent les buts finaux de l’aventure : la destruction de Brekk impliquant la réunion des maillons, la forge de la chaîne, l’acquisition puis la destruction d’Entropike. L’élément-clé de ces réalisations consiste en cette rencontre avec Ewilf qui est depuis le début de l’aventure son fil rouge. Le sommet de difficulté vient du double affrontement d’une part avec l’armée de Brekk, quasi-invincible de front mais clairement identifiée et localisée, d’autre avec le groupe de Chuerkul, moins puissant que Brekk mais inconnu et non cerné, affrontements qui prennent place dans des lieux et temps voisins.
Au-delà des challenges géographiques ou tactiques, la stratégie globale du groupe, pour être vraiment efficace et vraiment profitable aux personnages comme aux joueurs, implique la compréhension graduelle des nombreuses histoires de Harwind.
Il y a d’abord les fondamentales :
L’histoire antique de Harwind,
L’histoire de sa division, de la chaîne et des armes ,
L’histoire de sa chute et de son scellement par Ewilf,
L’histoire de Barduld,
L’histoire d’Ashtir, Laligscia, Birib Loeb,
L’histoire de Loowelash,
L’histoire de Klovadruim, Yzogarim, Brekk et du Feu Sacré.
S’y ajoutent ensuite des histoires plus limitées ou personnelles : celles des personnages rencontrés : les histoires d’Orvik, de Dunierk, de Geberka, de Weuakrim, de Saber Maclor, de Shoborax, des quatre jeunes d’Eonak, de Bar-Carum etc… ou de lieux ou personnes des temps passés : le Cloître de Berronar, les nombreux tableaux et sculptures, les tombes de la Necropole, Irijaniuk, Volzozerim, Eoin III, Kleborodriss, Nerghild entre autres exemples.
Il n’est ni possible ni souhaitable de les connaître et maîtriser toutes pendant le déroulement de l’aventure. Mais l’idée était que chaque joueur puisse en apprendre puis maîtriser suffisamment, que ce soit par goût ou dans l’intérêt de résoudre l’aventure, pour expérimenter un peu plus que la simple « A story » à laquelle se sont souvent cantonnées bien des aventures de D&D, et pour éviter l’impression de prédétermination systématique que des aventures exagérément directionnelles peuvent parfois procurer. En créant une aventure aussi chargée d’histoires et dans laquelle celles-ci tiennent une place aussi importante, j’ai voulu faire en sorte que chaque élément de Harwind ait sa propre cause, qui ne soit pas seulement géographique ni tactique, qui ne se limite pas au challenge proposé aux personnages ou à l’enjolivement d’un parcours tracé d’avance, et qui permette ensuite un comportement logique face aux actions des personnages des joueurs. Ca va parfois assez loin, du genre les registres du poste de commerce de la voie inférieure avant la Nécropole ou les croquis et échantillons du temple pour la finition de sa façade, pour ne prendre que des exemples relativement récents, mais ça ajoute, de mon point de vue, une cohérence permettant de mieux coller ces histoires à la réalité des personnages-joueurs. Et puis c’est plus agréable à arbitrer ensuite et j’espère que cela aura réussi à élargir ou approfondir l’expérience de jeu ainsi proposée aux joueurs.
Une dernière particularité, issue de ce type de design, est qu’il m’a semblé intéressant de prévoir non seulement les forces et statistiques des adversaires mais encore leurs faiblesses, leurs manques, leurs vulnérabilités sociales ou comportementales. Vous avez rencontré assez souvent les conséquences de ces effets qui vous ont parfois paru déroutantes (notamment l’attitude d’Ashtir). Souvent, dans Harwind, la victoire est obtenue non pas grâce à une force supérieure à celle qui est opposée mais en opposant sa force à la faiblesse de l’autre. Le combat contre Brekk est archétypal à ce titre : vous gagnez en utilisant sa double faiblesse de non-déplacement et non-récupération. Dans le dernier combat, les démons ne sont pas bien coordonnés parce que Chuerkûl est absent ; si Chuerkûl avait été là, le Babau ne serait pas allé au contact. Vous vous sortez d’une situation fâcheuse avec Loowelash en exploitant les dissensions entre les drows, Birib Loeb est vaincu aussi parce qu’il est isolé parce que mis sur la touche par Laligscia qui le supplante dans l’esprit d’Ashtir, ce dernier n’est pas tant un mage de combat qu’un ex-élève evil mais trouillard bombardé dans un habit trop grand pour lui tout en demeurant un excellent thaumaturgiste etc…
Créer des histoires c’était aussi créer non seulement les alliances mais également les dissensions entre les groupes et les personnages ou monstres de même que créer ces personnages, c’est encore créer leurs forces et faiblesses, non seulement sous forme de statistiques mais encore d’indications de comportement. Chaque NPC de Harwind a ainsi reçu sa petite dose de role-play qui renforce son authenticité car, en vieux rôliste des seventies (de justesse, mais quand même : 1979…) le jeu de rôle ne doit selon moi jamais se résumer ni même se soumettre à un alignement de chiffres. On doit sentir que même pour une Erynie, même tasked, avoir failli à la protection de son maître Barduld était pour la « personne » particulière qu’est Kzierwinie non seulement l’assurance d’épouvantables emmerdes aux Enfers, non seulement une grave vexation, mais encore la perte personnelle d’un compagnon avec lequel elle avait quand même accompli quelques trucs qui comptent.
Je termine ce billet en rappelant l’année du tout début du design originel de Harwind : 1982. On est alors en pleine crise des euromissiles. C'est-à-dire, pour nous autres européens, la possibilité alors débattue de se prendre sur la gueule ce qu’on n’appelait pas encore des armes de destruction massive, dénomination réservée à ces mêmes armes lorsqu’elles sont en possession d’un dictateur arabe plutôt que d’un ex-KGB sub-claquant ou d’un ex-cowboy hollywoodien accroché à son sourire Colgate. Je me souviens que j’aurais bien aimé qu’une chaîne de bonnes volontés permette alors de dégainer de quoi fermer définitivement le clapet aux anti-autres viscéraux qui aboyaient à en découdre de chaque côté du rideau de fer quitte à atomiser des terres et des peuples qui avaient déjà subi deux guerres mondiales dans ce même siècle. Un rêve, bien sûr.
Vous connaissez déjà pas mal de choses sur Harwind et je posterai bientôt des résumés et compléments. Mais à l’entrée vous n’en connaissiez pas assez. On a déjà évoqué l’insuffisance initiale de renseignements qui vous a coûté cher au début.
Le premier challenge consiste à choisir quel côté par où entrer dans la forteresse. « Normalement » les joueurs choisissent le Chaoside, le plus évident et le plus proche. C’était d’autant plus mon souhait que le premier Harwind avait été entamé par le côté Lawside ; j’avais donc plutôt envie que ça change et c’est pourquoi la borne qui nomme les deux directions à la bifurcation de Bromsford est cachée : si le groupe ne la découvre pas, il ira naturellement vers l’entrée Chaoside ; celle-ci a donc deux fois plus de chance que l’autre d’être parcourue en premier. Mais Martial en décida autrement.
Les débuts furent donc (très) difficiles. Votre situation vous mettrait en impréparation maximale car si l’on commence par le Lawside, une éventuelle insuffisance d’information n’est alors pas rattrapée par les données offertes par une visite préalable du Chaoside. Vous ne saviez donc pas, par exemple, que Barduld serait supposé (vous) attendre de l’autre côté ou, si vous aviez convaincu Dunierk, qui est lui-même renseigné par Geberka, qu’il a été remplacé par d’autres envahisseurs plus puissants et qu’il y a des géants.
Le choix du Lawside est d’autant plus emmerdant que bien que compatible avec des 4e niveaux (côté Chaoside, au 4e, les Psurlons sont aussi de sacrés challenges…) il nécessite une technique d’infiltration très pointue, du type no-alert, sinon on se retrouve avec la déferlante du Temple de Hadès sur le paletot, ce qui s’est effectivement produit.
L’entrée par le Lawside a ceci de déroutant qu’il y a presque d’emblée pratiquement une dizaine de directions possibles avec les couloirs du premier secteur (Temple de Hadès) et les connexions de la « cliff ». En outre, le design opère de manière inversée à celui d’un module classique : alors que le « gros méchant » est généralement atteignable à la fin d’un long parcours, vous risquez dans le Lawside d’affronter les « gros » dès les premiers encounters ; pire encore ; leur lair (notamment celui de Ashtir) est proche de l’entrée. Ce design inversé ajoute, bien sûr, à la confusion née de la multiplicité « jaquaysienne » des choix de parcours et des possibilités de déroulement d’aventure. Comme je l’évoquais en avril, cela traduit la prise en compte de l’expérience particulière des joueurs destinés à jouer cette seconde version de Harwind. La vôtre triompha de ce design comme d’adversités supplémentaires, telles les manques de bol inévitables sur une si longue aventure, telles aussi ce changement de deux joueurs en cours de route qui n’est pas rien dans une aventure ou l’expérience globale du parcours compte beaucoup. Il y eut néanmoins grand nombre de moments brillants, depuis la porte fermée au nez de Birib Loeb ou l’assaut super-audacieux contre Laligscia jusqu’à la défaite de Klovadruim ou la résolution finale de l’utilisation de la sphère d’Avaljoukir. J’ai le bonheur de penser que vous avez vécu et vaincu l’aventure de Harwind.
Le design global s’articule en trois parties.
Dans la première, la plus longue, le groupe d’aventuriers résoud la situation Ashtir – Barduld – Dunierk, reçoit des indices importants sur la culture et l’histoire de Harwind et surtout celle de sa chute, comprend l’objectif de réunir les maillons, trouve le passage vers les auxiliary stairs et leurs clefs. A cet effet, il doit notamment vaincre Ashtir et ses lieutenants et associés, et vaincre ou convaincre Dunierk. Il dispose d’éléments pivots d’aide et de renseignements tels Kzierwinie, Geberka, Orvik et pour finir la salle des Portraits. Il reste au même niveau horizontal.
Dans la deuxième, le groupe explore les niveaux intermédiaires et se dote des moyens de réunir la Chaîne en en collectionnant les maillons et en devenant Harwinardon Merindi. Il apprend aussi, si ce n’est déjà fait, l’existence d’Entropike et le danger qu’elle représente. Il découvre l’une des merveilles à peu près intactes : le Moonsgarden et ses environs, mais surtout rencontre au même endroit les ennemis Loowelash et Klovadruim, éléments déterminants pour la compréhension de l’histoire récente et ancienne de Harwind, puis les alliés Herain III et Volzozerim, également déterminants dans cette compréhension. Démons, Drows et Feu Sacré sont les opposants qu’on retrouvera le plus souvent à partir de cette étape.
Dans la troisième, le groupe parcoure les niveaux inférieurs où se réalisent les buts finaux de l’aventure : la destruction de Brekk impliquant la réunion des maillons, la forge de la chaîne, l’acquisition puis la destruction d’Entropike. L’élément-clé de ces réalisations consiste en cette rencontre avec Ewilf qui est depuis le début de l’aventure son fil rouge. Le sommet de difficulté vient du double affrontement d’une part avec l’armée de Brekk, quasi-invincible de front mais clairement identifiée et localisée, d’autre avec le groupe de Chuerkul, moins puissant que Brekk mais inconnu et non cerné, affrontements qui prennent place dans des lieux et temps voisins.
Au-delà des challenges géographiques ou tactiques, la stratégie globale du groupe, pour être vraiment efficace et vraiment profitable aux personnages comme aux joueurs, implique la compréhension graduelle des nombreuses histoires de Harwind.
Il y a d’abord les fondamentales :
L’histoire antique de Harwind,
L’histoire de sa division, de la chaîne et des armes ,
L’histoire de sa chute et de son scellement par Ewilf,
L’histoire de Barduld,
L’histoire d’Ashtir, Laligscia, Birib Loeb,
L’histoire de Loowelash,
L’histoire de Klovadruim, Yzogarim, Brekk et du Feu Sacré.
S’y ajoutent ensuite des histoires plus limitées ou personnelles : celles des personnages rencontrés : les histoires d’Orvik, de Dunierk, de Geberka, de Weuakrim, de Saber Maclor, de Shoborax, des quatre jeunes d’Eonak, de Bar-Carum etc… ou de lieux ou personnes des temps passés : le Cloître de Berronar, les nombreux tableaux et sculptures, les tombes de la Necropole, Irijaniuk, Volzozerim, Eoin III, Kleborodriss, Nerghild entre autres exemples.
Il n’est ni possible ni souhaitable de les connaître et maîtriser toutes pendant le déroulement de l’aventure. Mais l’idée était que chaque joueur puisse en apprendre puis maîtriser suffisamment, que ce soit par goût ou dans l’intérêt de résoudre l’aventure, pour expérimenter un peu plus que la simple « A story » à laquelle se sont souvent cantonnées bien des aventures de D&D, et pour éviter l’impression de prédétermination systématique que des aventures exagérément directionnelles peuvent parfois procurer. En créant une aventure aussi chargée d’histoires et dans laquelle celles-ci tiennent une place aussi importante, j’ai voulu faire en sorte que chaque élément de Harwind ait sa propre cause, qui ne soit pas seulement géographique ni tactique, qui ne se limite pas au challenge proposé aux personnages ou à l’enjolivement d’un parcours tracé d’avance, et qui permette ensuite un comportement logique face aux actions des personnages des joueurs. Ca va parfois assez loin, du genre les registres du poste de commerce de la voie inférieure avant la Nécropole ou les croquis et échantillons du temple pour la finition de sa façade, pour ne prendre que des exemples relativement récents, mais ça ajoute, de mon point de vue, une cohérence permettant de mieux coller ces histoires à la réalité des personnages-joueurs. Et puis c’est plus agréable à arbitrer ensuite et j’espère que cela aura réussi à élargir ou approfondir l’expérience de jeu ainsi proposée aux joueurs.
Une dernière particularité, issue de ce type de design, est qu’il m’a semblé intéressant de prévoir non seulement les forces et statistiques des adversaires mais encore leurs faiblesses, leurs manques, leurs vulnérabilités sociales ou comportementales. Vous avez rencontré assez souvent les conséquences de ces effets qui vous ont parfois paru déroutantes (notamment l’attitude d’Ashtir). Souvent, dans Harwind, la victoire est obtenue non pas grâce à une force supérieure à celle qui est opposée mais en opposant sa force à la faiblesse de l’autre. Le combat contre Brekk est archétypal à ce titre : vous gagnez en utilisant sa double faiblesse de non-déplacement et non-récupération. Dans le dernier combat, les démons ne sont pas bien coordonnés parce que Chuerkûl est absent ; si Chuerkûl avait été là, le Babau ne serait pas allé au contact. Vous vous sortez d’une situation fâcheuse avec Loowelash en exploitant les dissensions entre les drows, Birib Loeb est vaincu aussi parce qu’il est isolé parce que mis sur la touche par Laligscia qui le supplante dans l’esprit d’Ashtir, ce dernier n’est pas tant un mage de combat qu’un ex-élève evil mais trouillard bombardé dans un habit trop grand pour lui tout en demeurant un excellent thaumaturgiste etc…
Créer des histoires c’était aussi créer non seulement les alliances mais également les dissensions entre les groupes et les personnages ou monstres de même que créer ces personnages, c’est encore créer leurs forces et faiblesses, non seulement sous forme de statistiques mais encore d’indications de comportement. Chaque NPC de Harwind a ainsi reçu sa petite dose de role-play qui renforce son authenticité car, en vieux rôliste des seventies (de justesse, mais quand même : 1979…) le jeu de rôle ne doit selon moi jamais se résumer ni même se soumettre à un alignement de chiffres. On doit sentir que même pour une Erynie, même tasked, avoir failli à la protection de son maître Barduld était pour la « personne » particulière qu’est Kzierwinie non seulement l’assurance d’épouvantables emmerdes aux Enfers, non seulement une grave vexation, mais encore la perte personnelle d’un compagnon avec lequel elle avait quand même accompli quelques trucs qui comptent.
Je termine ce billet en rappelant l’année du tout début du design originel de Harwind : 1982. On est alors en pleine crise des euromissiles. C'est-à-dire, pour nous autres européens, la possibilité alors débattue de se prendre sur la gueule ce qu’on n’appelait pas encore des armes de destruction massive, dénomination réservée à ces mêmes armes lorsqu’elles sont en possession d’un dictateur arabe plutôt que d’un ex-KGB sub-claquant ou d’un ex-cowboy hollywoodien accroché à son sourire Colgate. Je me souviens que j’aurais bien aimé qu’une chaîne de bonnes volontés permette alors de dégainer de quoi fermer définitivement le clapet aux anti-autres viscéraux qui aboyaient à en découdre de chaque côté du rideau de fer quitte à atomiser des terres et des peuples qui avaient déjà subi deux guerres mondiales dans ce même siècle. Un rêve, bien sûr.
Our revels now are ended. These our actors,
As I foretold you, were all spirits, and
Are melted into air, into thin air:
And like the baseless fabric of this vision,
The cloud-capped towers, the gorgeous palaces,
The solemn temples, the great globe itself,
Yea, all which it inherit, shall dissolve,
And, like this insubstantial pageant faded,
Leave not a rack behind. We are such stuff
As dreams are made on ;
As I foretold you, were all spirits, and
Are melted into air, into thin air:
And like the baseless fabric of this vision,
The cloud-capped towers, the gorgeous palaces,
The solemn temples, the great globe itself,
Yea, all which it inherit, shall dissolve,
And, like this insubstantial pageant faded,
Leave not a rack behind. We are such stuff
As dreams are made on ;
William Shakespeare, The Tempest (Act IV, scene 1)