
Un DM ne sait pas à l’avance ce qui va finalement advenir d’une situation de jeu. Il doit cependant avoir vérifié que toute situation est conforme aux design du module, aux règles, à l’équilibrage des niveaux, qu’elle est cohérente et justifiée par les actions des personnages et non par quelque erreur d’arbitrage ou de design. Cet effort doit être accompli systématiquement, bien que le dernier TPK intégral que j’aie arbitré ait frappé la Vth Road, ce qui remonte à plus de 20 ans...
Je reconnais que l’aventure intitulée Srihoz est dure, mais pas suprêmement. Question hostilité, c’est un équivalent de ce qu’on rencontre usuellement en 1er ed. chez un Gygax ou un Jaquays. Je la situe à niveau de difficulté comparable au 4e tome de l’AP1 de Pathfinder, le très acclamé Rise of the Runelords. Compte tenu de cette difficulté, je me suis préalablement renseigné sur cette aventure aussi afin de résoudre deux ou trois interrogations de design (notamment une incohérence de la carte) qui n’influent pas sur le jeu mais interrogent l’arbitre ; elle a été réussie par plusieurs groupes avec des DM ayant relaté ce qui s’était passé et est notamment connue pour sa « statue fantômatique » que vous avez vaincue.
Elle représente néanmoins un challenge maximal comme l’actuel groupe d’aventuriers en a peu connu ; le seul qui me vient à l’esprit est la Grande Caverne de l’Underdark, dans l’aventure contre Larin Karr, et peut-être aussi la Vault finale, qui ont toutes deux été fort bien parcourues par le groupe. Srihoz est peut-être un cran au dessus en raison de la situation du groupe.
Ce challenge est rendu maximal à la fois par la proposition du module mais aussi parce que, pour la 1e fois depuis longtemps, la structure du groupe d’aventuriers est au niveau de l’aventure et non « en haut de sa fourchette ». En effet, pratiquement toutes les aventures de ce groupe étaient taillées pour un effectif de 5 personnages max. alors que le groupe en comportait 6 et le moindre n’est pas celui qui a été enlevé. Yama est un « 6e » personnage particulièrement puissant en ce que très polyvalent, le barde pouvant assurer des fonctions plus diverses que toute autre classe (archer, charisme, soins, magie...). Son absence, provisoire, a donc pour effet de sérieusement réduire une ressource précieuse à maints égards ; elle impliquait donc, pour la première fois depuis longtemps, l’accentuation (pour ne pas dire la réapparition) du challenge de base qui consiste en l’optimisation de la gestion des ressources d’un groupe, challenge d’autant plus accentué dans le cas de figure que l’accès à l’entrée du donjon est barré, coupant la perspective de sortie - récupération.
Car oui, il y a des aventures où il n’est pas facile de récupérer, oui il y a des aventures ou le piègeac est la norme, oui il y a des aventures où la récompense n’est vraiment pas rapide et oui, il y a des aventures où le design est conçu en référence au but logique, c’est à dire la destruction de ceux qui viennent emmerder un Srihoz aujourd’hui comme un Strahd, un Ashtir ou un Acererak hier, ou encore une Xanesha qui accumule les TPK ailleurs, avec la pointe de sadisme que de tels vilains suppose. D’autant que, comme je l’avais annoncé, le curseur d’arbitrage est passé à strictly neutral, notamment question chance ou incitations, depuis l’expédition vers Fort Velkar.
D’un autre côté, ce groupe d’aventuriers n’a certes pas de voleur mais au profit d’un monk qui a certains capacités du voleur et surtout sert de 3e combattant devenu particulièrement efficient depuis le gain de son Katana. Le groupe dispose non seulement d’un clerc mais aussi d’un paladin qui peut soigner. En ajoutant Korg et sa hache, la puissance offensive en mêlée de ce groupe est exceptionnelle et apte à des adversités très diverses. Enfin le mage et le clerc dont tous deux full class et d’un niveau en haut de la fourchette de celui de l’aventure pour ce qui est du clerc, étant en outre observé que celle-ci n’est pas conçue pour Pathfinder de sorte que, dans l’esprit du designer, le channel energy par exemple n’existe pas.
Dans le repaire de Srihoz, le groupe a victorieusement affronté la salle initiale, qui n’est pas trop difficile, et celle du bassin de l’aboleth, qui a consommé beaucoup de ressources. Il s’en est bien tiré face au reste et notamment face à la statue habitée par un fantôme, mais en recourant à une dépense maxima de ressources (incluant tous les soins et recall / exchange spell, donnant de ce côté des shields un peu l’impression que Yama était encore là), dépense qui a toutefois assurément évité certains graves inconvénients. Cependant il a aussi renoncé plusieurs fois et il faut espérer que tous ces renoncements étaient aussi judicieux que l’idée d’aller dans cet état de ressources explorer le couloir - faille où trouvent les personnages au moment de l’interruption de la dernière session, c’est à dire séparés en deux sous-groupes non visibles l’un à l’autre dans une zone inexplorée constituée d’un terrain difficile.
Je rappelle qu’à ce moment :
- deux personnages, Valraun et Anton, se sont dimdoorés dans une zone de ce couloir qui a été préalablement exploré en partie par le corbeau métallique de Valraun, exploration qui montré un corridor en grande partie naturel et très étroit, et ainsi déterminé qu’à cet endroit sa taille est suffisante à accueillir deux personnages l’un devant l’autre sans risque d’échec du sort de transport ;
- les 3 autres personnages du reste du groupe sont dans les 20 pieds de l’ouverture de ce couloir donnant sur le « puits aux courants d’air » par lequel il y ont accédé au moyen d’une corde fixée au bord d’un wall of stone horizontal obstruant le puits 30’ plus haut ;
- les deux sous-groupes ignorent à quelle distance précise ils sont l’un de l’autre bien que cette distance ne devrait logiquement pas excéder 100 pieds (rayon de contrôle du corbeau) et au moment de l’interruption de session, ils ne se voient pas et ne peuvent pas communiquer entre eux ;
- le corridor, s’il permet de rester debout, quoique pas toujours aisément, constitue un terrain difficile réduisant la vitesse de déplacement de moitié d’autant qu’il a une largeur réduite à 80cm en maints endroits et ne cesse de serpenter.
Je rappelle aussi que l’engagement des aventuriers dans ce corridor provient notamment des considérations suivantes :
- il n’a été décelé que par un true seing, non parce que dissimulé mais parce que difficilement perceptible si on n’observe pas précisément cette direction depuis l’issue supérieure donnant dans le puits ;
- son architecture diffère considérablement du reste du complexe puisqu’il apparaît une faille naturelle dont l’exploration par le corbeau a toutefois révélé qu’elle a été parfois taillée pour produire un passage.
De ces deux constats il est possible d’inférer plusieurs raisonnements, dont celui adopté par le groupe d’aventuriers.
Ce raisonnement est issu de plusieurs des décisions antérieures qui ont été basées sur des Augurys, sort ayant pour caractéristique de répondre en fonction de l’état du jeteur et de ses compagnons, connaissances incluses, au moment où il est lancé et sur les probabilités principales et logiques des trente minutes suivant ce même moment. Cela entraîne, entre autres, qu’un Augury ne prévoit a priori pas ses propres effets, ainsi que je me souviens l’avoir déjà signalé, et que sa pertinence varie selon que l’on se situe ou non dans la demi-heure qui suit son lancer.
Vérification faite : l’actuelle situation du groupe d’aventuriers est conforme, cohérente et justifiée.

Nous jouons ce soir cette situation.
