Session du 7 juillet 2023
Publié : 12 juil. 2023, 15:05
Héroïque en effet. Surtout en conclusion d’une aventure dont la dernière session a été entamée en situation très défavorable, situation que le groupe a réussi à renverser en optimisant ses ressources et en opérant les bons choix de parcours. Jusqu’à ce final.
Héroïque certainement et les dés étaient avec vous. Les deux vainqueurs du dragon ont fait honneur à leurs classes de paladin et de monk. C’est à ajouter à l’histoire des affrontements déséquilibrés que surmontent une poignée de courageux prêts au sacrifice. Il y avait du Norrin à la Chaussée des Géants dans Fenghir et Chiang-Maï à fort Velkar.
Mais absurde aussi car Anton réclamait, avec bien plus de sagesse, de récupérer dans la seule salle fermée du complexe, protégée par une antichambre, où le dragon ne pouvait venir. Une récupération aurait facilité ce combat, évité le risque de mort définitive, et permis de prendre connaissance de certains éléments précédemment découverts.
Cependant le fun du D&D est aussi fait de ce genre d’absurdité débouchant au final sur la victoire. Bravo aux héros.
Et bienvenue à Larin Karr, le retour.
Compte tenu des disponibilités, je propose le 1 ou le 8 septembre pour dates de reprise avec des joueurs frais, bronzés et dispos.
A partir de la rentrée prochaine, j’aimerais beaucoup redevenir player dans une campagne de D&D ou d’un autre système. Cela me manque d’abord par les sensations, ensuite de pouvoir arriver à une session sans avoir dépensé le temps et l’énergie nécessaire à la préparer, enfin de pouvoir passer avec vous une soirée moins exigeante que ce que nécessite l’arbitrage.
S’agissant du D&D, il faut envisager que quelqu’un prenne au moins temporairement le relais de mon arbitrage en 2024. Je le confirmerai au retour des vacances qui auront peut-être un effet réparateur. Mais actuellement, je ne suis plus certain d’arbitrer au-delà de la campagne en cours, prévue pour se terminer au cours du 1er trimestre de l’an prochain ; je pense avoir besoin d’une période de latence en tant que DM.
Cela n’a rien à voir avec le bonheur de vous retrouver, que je souhaite absolument préserver ;
je sais aussi combien que le jeu de rôle est unique et irremplaçable notamment parce qu’il est « fait main » et imprévisible ; mais je ressens un phénomène d’usure qui s’est beaucoup accentué ces derniers temps, causé autant qu'illustré par la dégradation de l’arbitrage que je vais maintenant évoquer.
Ce groupe de personnages est devenu au cours de 2023 le plus difficile à arbitrer que j’aie connu depuis 1994.
Juste une double illustration parmi beaucoup d’autres : la consistance et la localisation exacte du piège du couloir d’entrée du fort Velkar ont été fournies lors de l’exploration initiale par Yama : un fil, 5 pieds avant l’entrée dans la montagne ; personne ne s’en est souvenu lors de la session suivante, une semaine plus tard.
D’autre part, même à admettre cet oubli, dès lors que vous saviez
- qu’il y avait un piège,
- et des adversaires en contrehaut en train de vous tirer dessus,
- et que Yama avait un wand pour détecter les pièges,
il était radicalement inopportun d’entreprendre de repérer manuellement ce piège sous la menace des tireurs.
Or le fait est que le résultat de cette double erreur a servi à engueuler l’arbitre et que même s’il n’y avait pas eu engueulade, c’eut été quand même été le méchant DM dans l’esprit de joueurs dont aucun ne m’a paru prêt à le soutenir.
Cela parce qu’il est désormais coutumier qu’en cours de jeu un joueur me demande de justifier l’échec d’une action de son personnage, qu’il me redemande des renseignements déjà fournis et qu’il aurait dû noter, que des joueurs s’adressent l’un à l’autre alors que leurs personnages ne sont pas en mesure de le faire, coutumier d’imputer aux règles ou à l’arbitrage ce qu’on a négligé de faire, d’entendre, d’étudier, de vérifier, coutumier encore que tel personnage parle ou agisse de manière absurde parce que son joueur n’a pas perçu ce qui se passait ou que je décrivais parce qu’il ne faisait pas attention ou qu’il regardait son téléphone portable.
Pourtant, l’adversité n’est pas trop dure : vous jouez six personnages dans une aventure prévue pour quatre de même niveau que les vôtres, créée par un designer réputé et que personne n’a jugée déséquilibrée dans les sites qui en parlent. Votre succès à la dernière session vient aussi d’une décision sur les effets d’un call divin qui redonne des Channel Energy à Anton. La balance arbitrale vous est depuis longtemps très et même trop favorable.
Le DM est aussi l’obstacle contre les personnages des autres joueurs. Mais l’arbitre s’oppose par principe aux personnages, pas aux joueurs. Cette seconde et secondaire opposition ne peut être admise que par exception si l’on veut que le jeu de rôle demeure agréable et fonctionnel.
Certes il arrive qu’un joueur soit en désaccord avec l’arbitrage et il peut arriver qu’il le soit à raison. Qu’on conteste avec de sérieux arguments un fait ayant conduit à l’incapacité ou la mort d’un personnage peut se comprendre ; mais se scandaliser parce qu’on se prend trois flèches ou qu’on a mal énoncé un dimension door ?
De telles contestations, pour le joueur, c’est juste un ou quelques moments dans une session. Mais songez que l’arbitre, lui, reçoit tous les désaccords, petits ou grands, de détail ou d’importance, de tous les joueurs à toutes les sessions. Pour celui qui vous écrit ici, depuis 1994, ça fait largement plus de 300 parties. Cela oblige à chaque fois à s’interroger : suis-je sûr de ne pas me tromper, ai-je bien dit ceci, précisé cela, suis-je cohérent, que disent les règles et les ai-je respectées ?
Or je n’ai pas affronté autant de contestations en cours de jeu (et seulement en cours de jeu) depuis longtemps et surtout je n’en ai jamais affronté autant qui soit si peu fondées, qui proviennent aussi souvent d’une erreur flagrante du joueur et qui soient, ces derniers temps, aussi violentes. Bien que la manifestation soit très variable selon les joueurs, il semble devenu une pratique parfaitement admise que d’élever une récrimination, parfois vénielle mais parfois importante, dès lors que, collectivement ou individuellement, quelque chose ne se passe pas comme souhaité.
Qu’il soit clair que je n’en accuse personne sinon moi-même : je suis forcément le premier responsable d’une dégradation du jeu dont en tant qu’arbitre j’ai la charge.
Le phénomène touche pratiquement tous les aspects du jeu : gestion du temps, de l’espace, du mouvement, en et hors combat, effets ou conditions de sorts ou des capacités des personnages, puissance des monstres, respect des règles, de la cohérence, déroulement événementiel, rapport simulation / réalisme, éléments du scénario.... Je ne veux pas faire mon gémissant mais que croyez-vous que va penser l’arbitre quand il entend des joueurs dire dans Styes qu’on en a rien à foutre de cette intrigue et de cette ville puis dans Scuttlecove qu’on n’a qu’à rentrer avec Islaran parce que cette histoire de ne nous regarde pas ? Il en reste que finalement, lorsque les joueurs ont l’air contents après coup, l’arbitre de son côté plutôt l’impression d’avoir évité une mauvaise aventure que d’en avoir fourni une bonne. De même, pratiquement à chaque session, un ou plusieurs joueurs dont le personnage a oublié d’observer quelque chose préfèrera reprocher au DM de ne pas la lui avoir décrite spontanément. Alors pour vous dire l’effet que ça finit par faire, lorsqu’à l’avant-dernière session j’ai précisé que la largeur du chemin de ronde faisait moins de 10 pieds, je m’attendais sincèrement à ce qu’un joueur me reproche de ne pas en avoir informé Yama qui ne l’avait pourtant pas observé lors de son exploration préalable et j’attendais ensuite le « parce que tu comprends, si tu nous l’avais dit, on aurait fait autrement ».
« Tu ne nous / m’as pas dit ...», « je n’ai pas compris / ne savais pas que », « non mais en fait je voulais dire que » sont autant de locutions devenues parmi d’autres communes à tous les joueurs à toutes les sessions, y compris lorsqu’elles sont fausses ou déguisent l’inattention ou la négligence de celui qui la prononce. Ca n’a rien à voir avec les personnes que vous êtes et j’espère que vous le comprendrez ; vous connaissez certainement des tennismen ou rugbymen adorables dans la vie à qui il arrive de ne pas très bien se comporter sur un terrain ou de ne pas assez de concentrer sur la partie.
Mais, dans le jeu, le résultat devient difficile à soutenir de ce côté des shields. En tout cas je crains que pour moi ça ne commence à faire un peu trop. Il est d’ailleurs révélateur qu’un TPK de ce groupe ne me pose plus aucun problème de conscience.
Sans doute qu’à force et depuis le temps je sous-performe en tant que DM, que les difficultés que je rencontre en sont la conséquence, et qu’il est temps pour moi de prendre du recul et me remettre en question. Bien que je m’efforce de préparer au mieux chaque aventure (plus de 6 heures pour Velkar et son cheminement...), il me paraît plausible d’avoir manqué de vigilance sur d’autres aspects et péché par laxisme ou en ne sanctionnant pas joueurs ou personnages et en laissant ainsi les pratiques se dégrader. En tout cas, il est certain que j’ai ma part dans cette dégradation.
En Pathfinder ou DD5, avec HeroLab, la mécanique des règles et l’implacable wargamisation des figurines, j’aurais mille fois moins d’énergie à dépenser car ces systèmes et leurs assistances sont conçus pour réduire autant les charges que la responsabilité de l’arbitre. Les joueurs ont les petites cases devant eux et le DM est là pour vérifier que ça colle ou pas avec les règles et si oui entrer le résultat sur sa tablette. Les éventuelles réclamations ne peuvent porter que sur le système et son interprétation, pas sur l’arbitre lui-même à moins qu’il ne contrevienne au système.
En AD&D, l'omnipotence du DM incontestable fondée sur l’extrême légèreté des règles résoud encore plus aisément les choses.
J'ai tenté avec la 2bis de proposer aux joueurs ce que je crois le meilleur des deux mondes : la souplesse d'AD&D, les potentialités de la 3e et suivantes. Mais j'ai assurément sous-estimé un inconvénient majeur de cette proposition : elle laisse le DM sans la protection supérieure de ces systèmes.
Par surcroît, bien arbitrer en 2bis est extrêmement fatigant, beaucoup plus qu’en AD&D et même, à mon avis, qu’en Pathfinder (sauf si on n’a pas HeroLab mais le cas devient rare…), de sorte que faire face aux contestations des joueurs épuise d’autant plus les ressources de l’arbitre.
Enfin, j’ai trop longtemps confortablement pensé qu’une élévation du niveau de jeu des joueurs, passagèrement médiocres ou confrontés à des difficultés trop diverses, allait y remédier et faire du même coup disparaître la plupart des récriminations. Je ne me suis pas assez interrogé sur les causes et effets de la dégradation de l’arbitrage avant ces deux derniers mois. Je dois certes assumer les conséquences de ces erreurs mais leur résultat ne doit plus nuire au jeu, ne serait-ce pour ne pas achever de décourager l'arbitre.
Plus encore en D&D qu’en sport, l’arbitre est un élément du jeu, comme en sport le vent ou la pluie. Il peut se tromper tout autant qu’un coup de vent ou une touffe d’herbe peut dévier un ballon au dernier moment. Jouer implique de l’admettre et de participer avec et en fonction de la connaissance et de l’acceptation de cette contrainte. Cette condition est pour moi déterminante de ma fonction d’arbitre en jeu de rôle : si elle n’existe pas, alors le DM que je suis ne peut continuer d’en être un.
Comme n’importe lequel des joueurs j’essaie d’animer et de participer le mieux que je puis à une aventure collective. Je ne joue pas pour devoir combattre les attaques contre mon arbitrage dans le jeu. Et je ne fais pas non plus partie des arbitres qui, sachant qu’ils ont raison, se contrefichent par principe de ce que pensent ou ressentent les joueurs. En outre, s’il m’est souvent arrivé en tant que player de défendre le DM lorsqu’une contestation d’un autre joueur me paraissait injuste je n’ai, sauf erreur ou crise de paranoïa, pas l’impression que cela se produise de la part de ceux que j’ai l’honneur d’arbitrer en ce moment.
On pourrait sans doute considérer que j’ai eu tort de ne pas sanctionner en cours de jeu les comportements que j'ai indiqués. Considérer aussi que je n'ai pas alerté sur ce sujet, ce qui est vrai, peut-être par une forme de déni personnel. Mais j’ai recommencé à arbitrer il y a bien longtemps sur le principe fondamental que les décisions du DM ne seraient pas contestées parce que pour moi, l’arbitre ne doit pas s’opposer aux autres joueurs et réciproquement. D'où, je pense, cette sorte de déni de ma part jusqu'à ces dernières semaines. D'où, aussi, que la mécanique de la sanction ne sert à rien au fond car elle ne répare pas le fait que contester l’arbitrage détruit la raison qui me fait participer au jeu en tant que DM.
Encore une fois, je n’éprouve aucun ressentiment ; je différencie complètement les personnes, les joueurs, et les personnages, le en jeu et le hors jeu. Mon bonheur de vous retrouver est totalement inchangé, ce n'est que de ma fonction d'arbitre qu'il est question. Et je comprends parfaitement qu’on puisse s’agacer, se tromper, avoir un moment d’énervement, à quoi le cours du jeu lui-même incite. Je n’ai non plus aucun problème sur le principe d’être contesté en tant qu’arbitre sur une erreur que j'aurais réellement commise. Mais j’incline désormais à croire que si vous redirigiez vers les vrais responsables le quart des reproches ou interrogations que vous préférez adresser au DM, vos personnages en seraient à se battre entre eux…
Cependant, c’est en l’occurrence plutôt le DM qui est (a)battu. Contester le DM revient le plus souvent à taper sur un téléphone portable ou un écran parce qu'on n'est pas content de ce qu'il affiche, sauf que le DM n'est pas un appareil même si lui aussi s'use. Au final, je ressens l’impression d’une destruction de mon envie d’arbitrer en D&D. Elle ne date d’ailleurs pas d’hier : je me souviens en effet que lorsque j’ai achevé de composer le cahier de l’actuelle campagne, j’ai alors pensé qu’il était bien possible que ce soit ma dernière. J’ai aussi failli arrêter la partie lors de la dernière session, cela ne m’est jamais arrivé depuis 1989. Autant de signes convergents comme le fait de ne pas partager la joie du groupe mais de me trouver seulement plutôt content d’avoir achevé une mission. Sincèrement le goût y est encore, mais affadi. Ce n’est pas un hasard qu’aucun nouveau sujet d’article du blog ne me soit venu en 2023 (ceux parus ont été esquissés en 2022).
Je veux bien sûr terminer l’actuelle campagne en m’efforçant de l’arbitrer au mieux. Mais à cet effet, il est nécessaire que les joueurs comprennent que si le résultat des actions de leurs personnages ne correspondent pas à leurs attentes ou leurs paraissent absurdes, la cause de loin la plus probable vient de ce que ces actions ont été mal décrites par les joueurs ou qu’ils n’ont pas prêté l’attention suffisante à ce qu’énonce le DM bien plutôt que l’inverse. Vous joueriez beaucoup mieux si vous notez ce qui se passe sur une feuille de papier plutôt que de regarder un téléphone portable ou de discuter d’autre chose pendant que votre personnage n’est pas actif.
Je demande surtout qu’il n’y ait plus aucune contestation sur l’arbitrage jusqu’à la fin de l’actuelle campagne, afin de permettre son bon déroulement, même si le résultat vous semble injuste, sauf si cette contestation est sérieusement fondée et concerne les conditions d’un décès définitif d’un ou plusieurs personnages à l’exclusion de toute autre situation. Je vous le demande d’autant plus que ma manière d’arbitrer va certainement devoir être modifiée. Car si l’état actuel du déroulement des parties ne change pas, il est certain que je n’aurai plus le goût ni l’envie de continuer d’assurer la fonction de DM.
Héroïque certainement et les dés étaient avec vous. Les deux vainqueurs du dragon ont fait honneur à leurs classes de paladin et de monk. C’est à ajouter à l’histoire des affrontements déséquilibrés que surmontent une poignée de courageux prêts au sacrifice. Il y avait du Norrin à la Chaussée des Géants dans Fenghir et Chiang-Maï à fort Velkar.
Mais absurde aussi car Anton réclamait, avec bien plus de sagesse, de récupérer dans la seule salle fermée du complexe, protégée par une antichambre, où le dragon ne pouvait venir. Une récupération aurait facilité ce combat, évité le risque de mort définitive, et permis de prendre connaissance de certains éléments précédemment découverts.
Cependant le fun du D&D est aussi fait de ce genre d’absurdité débouchant au final sur la victoire. Bravo aux héros.
Et bienvenue à Larin Karr, le retour.
Compte tenu des disponibilités, je propose le 1 ou le 8 septembre pour dates de reprise avec des joueurs frais, bronzés et dispos.
*
Cette période d’interruption paraît opportune pour qu’en tant qu’arbitre et joueur, je vous fasse part avec suffisamment d’avance deux souhaits et quelques explications. Je commence par les souhaits.A partir de la rentrée prochaine, j’aimerais beaucoup redevenir player dans une campagne de D&D ou d’un autre système. Cela me manque d’abord par les sensations, ensuite de pouvoir arriver à une session sans avoir dépensé le temps et l’énergie nécessaire à la préparer, enfin de pouvoir passer avec vous une soirée moins exigeante que ce que nécessite l’arbitrage.
S’agissant du D&D, il faut envisager que quelqu’un prenne au moins temporairement le relais de mon arbitrage en 2024. Je le confirmerai au retour des vacances qui auront peut-être un effet réparateur. Mais actuellement, je ne suis plus certain d’arbitrer au-delà de la campagne en cours, prévue pour se terminer au cours du 1er trimestre de l’an prochain ; je pense avoir besoin d’une période de latence en tant que DM.
Cela n’a rien à voir avec le bonheur de vous retrouver, que je souhaite absolument préserver ;
je sais aussi combien que le jeu de rôle est unique et irremplaçable notamment parce qu’il est « fait main » et imprévisible ; mais je ressens un phénomène d’usure qui s’est beaucoup accentué ces derniers temps, causé autant qu'illustré par la dégradation de l’arbitrage que je vais maintenant évoquer.
Ce groupe de personnages est devenu au cours de 2023 le plus difficile à arbitrer que j’aie connu depuis 1994.
Juste une double illustration parmi beaucoup d’autres : la consistance et la localisation exacte du piège du couloir d’entrée du fort Velkar ont été fournies lors de l’exploration initiale par Yama : un fil, 5 pieds avant l’entrée dans la montagne ; personne ne s’en est souvenu lors de la session suivante, une semaine plus tard.
D’autre part, même à admettre cet oubli, dès lors que vous saviez
- qu’il y avait un piège,
- et des adversaires en contrehaut en train de vous tirer dessus,
- et que Yama avait un wand pour détecter les pièges,
il était radicalement inopportun d’entreprendre de repérer manuellement ce piège sous la menace des tireurs.
Or le fait est que le résultat de cette double erreur a servi à engueuler l’arbitre et que même s’il n’y avait pas eu engueulade, c’eut été quand même été le méchant DM dans l’esprit de joueurs dont aucun ne m’a paru prêt à le soutenir.
Cela parce qu’il est désormais coutumier qu’en cours de jeu un joueur me demande de justifier l’échec d’une action de son personnage, qu’il me redemande des renseignements déjà fournis et qu’il aurait dû noter, que des joueurs s’adressent l’un à l’autre alors que leurs personnages ne sont pas en mesure de le faire, coutumier d’imputer aux règles ou à l’arbitrage ce qu’on a négligé de faire, d’entendre, d’étudier, de vérifier, coutumier encore que tel personnage parle ou agisse de manière absurde parce que son joueur n’a pas perçu ce qui se passait ou que je décrivais parce qu’il ne faisait pas attention ou qu’il regardait son téléphone portable.
Pourtant, l’adversité n’est pas trop dure : vous jouez six personnages dans une aventure prévue pour quatre de même niveau que les vôtres, créée par un designer réputé et que personne n’a jugée déséquilibrée dans les sites qui en parlent. Votre succès à la dernière session vient aussi d’une décision sur les effets d’un call divin qui redonne des Channel Energy à Anton. La balance arbitrale vous est depuis longtemps très et même trop favorable.
Le DM est aussi l’obstacle contre les personnages des autres joueurs. Mais l’arbitre s’oppose par principe aux personnages, pas aux joueurs. Cette seconde et secondaire opposition ne peut être admise que par exception si l’on veut que le jeu de rôle demeure agréable et fonctionnel.
Certes il arrive qu’un joueur soit en désaccord avec l’arbitrage et il peut arriver qu’il le soit à raison. Qu’on conteste avec de sérieux arguments un fait ayant conduit à l’incapacité ou la mort d’un personnage peut se comprendre ; mais se scandaliser parce qu’on se prend trois flèches ou qu’on a mal énoncé un dimension door ?
De telles contestations, pour le joueur, c’est juste un ou quelques moments dans une session. Mais songez que l’arbitre, lui, reçoit tous les désaccords, petits ou grands, de détail ou d’importance, de tous les joueurs à toutes les sessions. Pour celui qui vous écrit ici, depuis 1994, ça fait largement plus de 300 parties. Cela oblige à chaque fois à s’interroger : suis-je sûr de ne pas me tromper, ai-je bien dit ceci, précisé cela, suis-je cohérent, que disent les règles et les ai-je respectées ?
Or je n’ai pas affronté autant de contestations en cours de jeu (et seulement en cours de jeu) depuis longtemps et surtout je n’en ai jamais affronté autant qui soit si peu fondées, qui proviennent aussi souvent d’une erreur flagrante du joueur et qui soient, ces derniers temps, aussi violentes. Bien que la manifestation soit très variable selon les joueurs, il semble devenu une pratique parfaitement admise que d’élever une récrimination, parfois vénielle mais parfois importante, dès lors que, collectivement ou individuellement, quelque chose ne se passe pas comme souhaité.
Qu’il soit clair que je n’en accuse personne sinon moi-même : je suis forcément le premier responsable d’une dégradation du jeu dont en tant qu’arbitre j’ai la charge.
Le phénomène touche pratiquement tous les aspects du jeu : gestion du temps, de l’espace, du mouvement, en et hors combat, effets ou conditions de sorts ou des capacités des personnages, puissance des monstres, respect des règles, de la cohérence, déroulement événementiel, rapport simulation / réalisme, éléments du scénario.... Je ne veux pas faire mon gémissant mais que croyez-vous que va penser l’arbitre quand il entend des joueurs dire dans Styes qu’on en a rien à foutre de cette intrigue et de cette ville puis dans Scuttlecove qu’on n’a qu’à rentrer avec Islaran parce que cette histoire de ne nous regarde pas ? Il en reste que finalement, lorsque les joueurs ont l’air contents après coup, l’arbitre de son côté plutôt l’impression d’avoir évité une mauvaise aventure que d’en avoir fourni une bonne. De même, pratiquement à chaque session, un ou plusieurs joueurs dont le personnage a oublié d’observer quelque chose préfèrera reprocher au DM de ne pas la lui avoir décrite spontanément. Alors pour vous dire l’effet que ça finit par faire, lorsqu’à l’avant-dernière session j’ai précisé que la largeur du chemin de ronde faisait moins de 10 pieds, je m’attendais sincèrement à ce qu’un joueur me reproche de ne pas en avoir informé Yama qui ne l’avait pourtant pas observé lors de son exploration préalable et j’attendais ensuite le « parce que tu comprends, si tu nous l’avais dit, on aurait fait autrement ».
« Tu ne nous / m’as pas dit ...», « je n’ai pas compris / ne savais pas que », « non mais en fait je voulais dire que » sont autant de locutions devenues parmi d’autres communes à tous les joueurs à toutes les sessions, y compris lorsqu’elles sont fausses ou déguisent l’inattention ou la négligence de celui qui la prononce. Ca n’a rien à voir avec les personnes que vous êtes et j’espère que vous le comprendrez ; vous connaissez certainement des tennismen ou rugbymen adorables dans la vie à qui il arrive de ne pas très bien se comporter sur un terrain ou de ne pas assez de concentrer sur la partie.
Mais, dans le jeu, le résultat devient difficile à soutenir de ce côté des shields. En tout cas je crains que pour moi ça ne commence à faire un peu trop. Il est d’ailleurs révélateur qu’un TPK de ce groupe ne me pose plus aucun problème de conscience.
Sans doute qu’à force et depuis le temps je sous-performe en tant que DM, que les difficultés que je rencontre en sont la conséquence, et qu’il est temps pour moi de prendre du recul et me remettre en question. Bien que je m’efforce de préparer au mieux chaque aventure (plus de 6 heures pour Velkar et son cheminement...), il me paraît plausible d’avoir manqué de vigilance sur d’autres aspects et péché par laxisme ou en ne sanctionnant pas joueurs ou personnages et en laissant ainsi les pratiques se dégrader. En tout cas, il est certain que j’ai ma part dans cette dégradation.
En Pathfinder ou DD5, avec HeroLab, la mécanique des règles et l’implacable wargamisation des figurines, j’aurais mille fois moins d’énergie à dépenser car ces systèmes et leurs assistances sont conçus pour réduire autant les charges que la responsabilité de l’arbitre. Les joueurs ont les petites cases devant eux et le DM est là pour vérifier que ça colle ou pas avec les règles et si oui entrer le résultat sur sa tablette. Les éventuelles réclamations ne peuvent porter que sur le système et son interprétation, pas sur l’arbitre lui-même à moins qu’il ne contrevienne au système.
En AD&D, l'omnipotence du DM incontestable fondée sur l’extrême légèreté des règles résoud encore plus aisément les choses.
J'ai tenté avec la 2bis de proposer aux joueurs ce que je crois le meilleur des deux mondes : la souplesse d'AD&D, les potentialités de la 3e et suivantes. Mais j'ai assurément sous-estimé un inconvénient majeur de cette proposition : elle laisse le DM sans la protection supérieure de ces systèmes.
Par surcroît, bien arbitrer en 2bis est extrêmement fatigant, beaucoup plus qu’en AD&D et même, à mon avis, qu’en Pathfinder (sauf si on n’a pas HeroLab mais le cas devient rare…), de sorte que faire face aux contestations des joueurs épuise d’autant plus les ressources de l’arbitre.
Enfin, j’ai trop longtemps confortablement pensé qu’une élévation du niveau de jeu des joueurs, passagèrement médiocres ou confrontés à des difficultés trop diverses, allait y remédier et faire du même coup disparaître la plupart des récriminations. Je ne me suis pas assez interrogé sur les causes et effets de la dégradation de l’arbitrage avant ces deux derniers mois. Je dois certes assumer les conséquences de ces erreurs mais leur résultat ne doit plus nuire au jeu, ne serait-ce pour ne pas achever de décourager l'arbitre.
Plus encore en D&D qu’en sport, l’arbitre est un élément du jeu, comme en sport le vent ou la pluie. Il peut se tromper tout autant qu’un coup de vent ou une touffe d’herbe peut dévier un ballon au dernier moment. Jouer implique de l’admettre et de participer avec et en fonction de la connaissance et de l’acceptation de cette contrainte. Cette condition est pour moi déterminante de ma fonction d’arbitre en jeu de rôle : si elle n’existe pas, alors le DM que je suis ne peut continuer d’en être un.
Comme n’importe lequel des joueurs j’essaie d’animer et de participer le mieux que je puis à une aventure collective. Je ne joue pas pour devoir combattre les attaques contre mon arbitrage dans le jeu. Et je ne fais pas non plus partie des arbitres qui, sachant qu’ils ont raison, se contrefichent par principe de ce que pensent ou ressentent les joueurs. En outre, s’il m’est souvent arrivé en tant que player de défendre le DM lorsqu’une contestation d’un autre joueur me paraissait injuste je n’ai, sauf erreur ou crise de paranoïa, pas l’impression que cela se produise de la part de ceux que j’ai l’honneur d’arbitrer en ce moment.
On pourrait sans doute considérer que j’ai eu tort de ne pas sanctionner en cours de jeu les comportements que j'ai indiqués. Considérer aussi que je n'ai pas alerté sur ce sujet, ce qui est vrai, peut-être par une forme de déni personnel. Mais j’ai recommencé à arbitrer il y a bien longtemps sur le principe fondamental que les décisions du DM ne seraient pas contestées parce que pour moi, l’arbitre ne doit pas s’opposer aux autres joueurs et réciproquement. D'où, je pense, cette sorte de déni de ma part jusqu'à ces dernières semaines. D'où, aussi, que la mécanique de la sanction ne sert à rien au fond car elle ne répare pas le fait que contester l’arbitrage détruit la raison qui me fait participer au jeu en tant que DM.
Encore une fois, je n’éprouve aucun ressentiment ; je différencie complètement les personnes, les joueurs, et les personnages, le en jeu et le hors jeu. Mon bonheur de vous retrouver est totalement inchangé, ce n'est que de ma fonction d'arbitre qu'il est question. Et je comprends parfaitement qu’on puisse s’agacer, se tromper, avoir un moment d’énervement, à quoi le cours du jeu lui-même incite. Je n’ai non plus aucun problème sur le principe d’être contesté en tant qu’arbitre sur une erreur que j'aurais réellement commise. Mais j’incline désormais à croire que si vous redirigiez vers les vrais responsables le quart des reproches ou interrogations que vous préférez adresser au DM, vos personnages en seraient à se battre entre eux…
Cependant, c’est en l’occurrence plutôt le DM qui est (a)battu. Contester le DM revient le plus souvent à taper sur un téléphone portable ou un écran parce qu'on n'est pas content de ce qu'il affiche, sauf que le DM n'est pas un appareil même si lui aussi s'use. Au final, je ressens l’impression d’une destruction de mon envie d’arbitrer en D&D. Elle ne date d’ailleurs pas d’hier : je me souviens en effet que lorsque j’ai achevé de composer le cahier de l’actuelle campagne, j’ai alors pensé qu’il était bien possible que ce soit ma dernière. J’ai aussi failli arrêter la partie lors de la dernière session, cela ne m’est jamais arrivé depuis 1989. Autant de signes convergents comme le fait de ne pas partager la joie du groupe mais de me trouver seulement plutôt content d’avoir achevé une mission. Sincèrement le goût y est encore, mais affadi. Ce n’est pas un hasard qu’aucun nouveau sujet d’article du blog ne me soit venu en 2023 (ceux parus ont été esquissés en 2022).
Je veux bien sûr terminer l’actuelle campagne en m’efforçant de l’arbitrer au mieux. Mais à cet effet, il est nécessaire que les joueurs comprennent que si le résultat des actions de leurs personnages ne correspondent pas à leurs attentes ou leurs paraissent absurdes, la cause de loin la plus probable vient de ce que ces actions ont été mal décrites par les joueurs ou qu’ils n’ont pas prêté l’attention suffisante à ce qu’énonce le DM bien plutôt que l’inverse. Vous joueriez beaucoup mieux si vous notez ce qui se passe sur une feuille de papier plutôt que de regarder un téléphone portable ou de discuter d’autre chose pendant que votre personnage n’est pas actif.
Je demande surtout qu’il n’y ait plus aucune contestation sur l’arbitrage jusqu’à la fin de l’actuelle campagne, afin de permettre son bon déroulement, même si le résultat vous semble injuste, sauf si cette contestation est sérieusement fondée et concerne les conditions d’un décès définitif d’un ou plusieurs personnages à l’exclusion de toute autre situation. Je vous le demande d’autant plus que ma manière d’arbitrer va certainement devoir être modifiée. Car si l’état actuel du déroulement des parties ne change pas, il est certain que je n’aurai plus le goût ni l’envie de continuer d’assurer la fonction de DM.