1) LA PREMIERE CAMPAGNE 1979-81
La toute première campagne de D&D commence avec les deux donjons « officiels » alors disponibles, celui du basic pack D&D (dont je n’arrive pas à me souvenir du titre : in search of Adventure ?) et le B1, In search of the unknown, et entraîne simultanément la création de Derenworld. Face à l’absence quasi-totale de modules, c’est la seule campagne où les aventures créées par moi seront majoritaires en nombre comme en durée.
Principales aventures :
- In search of the Unknnown
Tyran Mezeler’s Dungeons
Emgen Campaign (les 7 points du Malheur)
Wejlar Campaign incl. Ibzol Tower, The Meindes Heritage, Castle Gund première version, Tomb of Grsk, Wejlara.
Okhpuhr Campaign : Castle Reyff, Watchers’ Tower, Dragons Cave, Finale.
D2-D3-Q1 : Vault of the Drows & Queen of the Demonweb Pits.
Ce groupe comporte enfin deux des plus célèbres NPC : Baladar, qui a détruit Lolth ce qui a posé trente ans de problèmes abyssaux au DM, et Sho Rembo, seul représentant encore en activité du groupe originel de D&D sur Derenworld qui réussira le Mezeler avant d’immédiatement quitter la profession d’aventurier pour celle d’artiste peintre qu’il exerce aujourd’hui à Ithyl.
2) LES SUIVANTS 1981-83
La seconde campagne réunit les mêmes joueurs avec une nouvelle génération de personnages. Mêlée en partie à la première campagne, elle entame sa carrière avec l’excellent bien qu’oublié Skulls of Scrapfaggot Green de Judges Guild complété de modules parus dans White Dwarf avant de se caractériser par la réussite de quatre aventures légendaires :
- Tegel Manor
Dark Tower
White Plume Mountain
Tomb of Horrors.
Cette seconde génération voit deux groupes de personnages émerger l’un autour d’Olivier et l’autre autour de Patrick. Dans le premier Efton Welmholder est sans doute le plus remarquable : il restera longtemps l’un des deux seuls « grands » personnages nains de Derenworld avec Destroyer O.T. et il faudra attendre près de 20 ans (en temps de la Terre) pour qu’un certain Myrvall les rejoigne. Renfrogné, peu bavard, efficace et sans fioritures, Efton reste un archétype indépassable du combattant nain, à la fois discret et solide et dont les qualités qui se révèlent dès Tegel Manor. D’une grande (et alors rare) modestie, il a terminé sa carrière en retournant dans les profondeurs souterraines où demeure son peuple, les Naugrims, sans rechercher le moindre honneur. Lorsque je pense à Efton aujourd’hui je le vois calme et souriant, simplement sûr de lui, un héros tranquille de qui on a envie d’être l’ami.
Bien différent, voire radicalement opposé, est Whitehorn Baelgen, célèbre mage issu de ce groupe. Au départ le moins doué des personnages, dans l’ombre de Greyshark Finn, d’Efton ou d’Anvlyn, entrant dans Dark Tower comme simple remplaçant, presque surnuméraire, il va se révéler à lui-même comme au monde dans cette aventure. Mage de profession mais héros religieux dans l’âme, il prendra petit à petit l’ascendance sur le groupe d’aventuriers au point que cela crée des dissensions (tout le monde n’est pas forcément zélateur de Mitra) et qu’il finisse par fonder sa propre compagnie. Le chef d’œuvre de Whitehorn demeure sans doute Tomb of Horrors où la réussite finale lui doit beaucoup. Devenu Héros de Mitra, Duc d’Arthus en Wejlar, il crée la Blue Rose Company, société d’aventuriers de haut niveau, où le rejoint Enke da Formal, NPC de cette génération, dont les débuts frisèrent souvent le ridicule avant qu’il devienne l’un des plus légendaires combattants de Derenworld. A part Melkria, aucun personnage n’a autant pesé politiquement que Whitehorn sur l’histoire de ce monde. Les exploits de la Blue Rose Combany libéreront Derenworld de quelques unes de ses plaies politiques et divines et encore aujourd’hui un pays lui doit quasiment tout. Whitehorn fut un croisé dans l’âme, fidèle à ses croyances et espérances, même s’il n’eut pas toujours l’habileté ou la souplesse nécessaires à les faire comprendre ou aboutir. Cependant, le tour de force de ce personnage demeure sa capacité à surmonter des dons naturels très quelconques pour de hisser aux plus hauts niveaux à tous égards. Aucun personnage n’a autant tiré la quintessence de lui-même que le Whitehorn Baelgen et il demeure un exemple de ce qu’on peut faire malgré la chance.
Quelques aient été ses vicissitudes internes ou externes, ce groupe est aussi, avec la première génération, l’inventeur des routines fondamentales de l’aventure. Ce qui était encore tâtonnement dans la première génération devient avec eux essai, rationalisation, expérience, choix. Le dispositif tactique, les places et rôles respectifs des spellcasters et frappeurs, les axiomes fondamentaux sur la cohésion du groupe, ses procédures, ses schémas-types de combat ou d’exploration, et toute une foultitude de trucs et recettes sont élaborés sous l’égide d’Efton, Greyshark, Anvlyn et Whitehorn.
3) LA CAVE HISTORIQUE 1981-83
Le troisième groupe d’aventuriers est aussi le premier réunissant des joueurs dits de « la Cave », du nom de l’endroit où l’on se réunissait ensemble, et dont certains dont encore aujourd’hui le noyau qui anime Derenworld : Olivier Barberousse, Guillaume Pouvesle, Thierry Natiez, Vincent Catarina, Martial Mazars, Dominique Lefevre, Thierry Benavides, puis Bertrand Pouvesle et François Petit puis Laurent Kandel et Thierry Mottet, pour ce que je puis me souvenir de l’ordre d’entrée en scène, et avec mes excuses à ceux que j’oublie. Auxquels s’ajoutent les anciens : Olivier Lisnard et Patrick Zeff.
Dire ici ce que fut la cave « originelle », celle des séances à Montrouge, excéderait largement le cadre d’un bref récapitulatif des campagnes jouées sur Derenworld. Trois remarques personnelles s’imposent cependant.
- le manque de modules, déjà gênant, devient alors insurmontable. Il est par exemple impossible de ne pas rejouer des aventures déjà jouées avec le groupe initial, parce qu’il n’existe ni dans le commerce ni dans les revues ni dans mon temps disponible pour créer de quoi alimenter un rythme de jeu d’une fois par semaine.
- c’est ma première expérience d’une campagne réunissant beaucoup, et parfois trop de joueurs (toujours au moins 5, souvent 7). Cela a entraîné un taux élevé de mortalité parmi les personnages avec des joueurs qui dont les animosités personnelles supplantaient parfois celles prévues par l’aventure, et un taux également élevé d’arbitraire de l’arbitre afin de ne pas trop encombrer le jeu de ralentissements et contestations inutiles.
- l’humanité de la bande de potes, venant d’horizons très différents sur bien des aspects, mais réunis par la même passion a été pour moi une grande leçon de vie. Je dois au D&D et à ceux de la Cave une part importante de moi-même, ou plutôt du meilleur de moi-même. Peu de choses dans ma vie m’auront autant enrichi et rendu aussi durablement et profondément heureux.
Ce groupe est le premier à se nommer en tant que société d’aventuriers, je crois un peu sur le tard, the Hawk Society, le nom apparaissant aussi en opposition à leur grands rivaux de la Blue Rose Company. Melkria, Destroyer, Tuff et Avenger en sont les principaux personnages même si l’ont pourrait citer de nombreux autres comme Finhad, Mascor ou Fafnyr. Mais ces quatre personnages sont tous des personnalités exceptionnelles dont deux sont encore en activité plus de trente ans après leur création.
Tuff, clerc, tacticien, et surtout redoutable technicien, est l’un des premiers personnages à avoir compris à la fois la nécessité défensive d’un groupe et l’importance de sa cohérence. Ce n’est pourtant pas un grand « socialisant » : plutôt renfermé, conservateur dans l’âme, lâchant quelques remarques précises comme ses sortilèges, mais toujours disponible et présent pour assurer la survie du groupe. Tuff a personnifié le cleric défensif, rôle beaucoup trop méconnu lorsqu’il l’exerçait et dont il a élaboré et maîtrisé parfaitement la technique. Sans doute pas le plus brillant des personnages, mais certainement pas non plus le moins nécessaire, Tuff conservait une distance par rapport aux événements qui lui conférait une clairvoyance tactique dépassant de loin la fonction de simple soignant et que ses compagnons avaient parfois bien du mal à comprendre. Négliger le rôle pourtant primordial exercé par un Tuff sera longtemps l’une des tares de la plupart des groupes de D&D et je serai bien souvent obligé de « prendre le clerc en NPC » pour assurer cette fonction. Ainsi, par sa façon de réfléchir en fonction de la globalité de la situation et avec le souci de préserver toujours la sécurité finale du groupe, Tuff a inspiré des NPC comme Dunethor, Fonecli ou Orbal, ou encore mon propre personnage d’Inis.
Melkria, ex-Renégate de Sirith-Ungol, ex-Duchesse Impériale de Lainz Keshamar, Reine d’Evriand, Arch-Mage, Heroïne de Straasha, Maître-Voleur etc etc… la fameuse Melkria est une authentique légende vivante, sans doute le plus célèbre personnage-joueur de Derenworld, dotée d’une histoire devenue si longue qu’il serait impossible de la raconter sans écrire un roman. Il s’agit probablement du personnage le plus polyvalent, celui qui réunit le plus de facettes, le plus complet qui aie jamais existé sur Derenworld. Multiclassée mage-voleur dès l’origine, elle a évolué en excellant systématiquement dans ces deux talents, c’est à dire aussi bien le sortilège que le combat en mêlée. Mais elle s’est montrée capable d’absolument tout sur tous les autres aspects du D&D, qu’il s’agisse de diriger un fief ou un pays, de s’occuper d’écoles de magie, d’intrigues avec les puissances politiques ou divines, ou de dialoguer avec le premier badaud qui passe. Melkria ne souffre d’aucune faiblesse, il n’est aucun compartiment de l’aventure qui échappe à ses compétences, aucune forme de puissance qu’elle ne puisse exercer, aucun talent où elle ne peut exceller. Le trait le plus marquant de son caractère est à cette image : quelques soient les victoires – mais aussi les défaites – qu’elles a connu, les consécrations, les honneurs, elle est restée toujours elle-même, ni faussement humble, ni inutilement arrogante. Leader-née, Melkria a certes voulu et obtenu, mais elle a surtout toujours su garder au final la tête froide avec un certain côté félin, cette souplesse physique autant qu’intellectuelle nécessaire à toujours pouvoir retomber sur ses pattes. Elle a aussi cette simplicité d’action et de mœurs qui est souvent la marque des purs héros. Mais Melkria, le plus ancien personnage joueur en activité sur Derenworld, incarne surtout un rêve de joueur devenu réalité, un achèvement façonné par plus trente ans d’aventures et d’expériences, définissant en elle-même tout ce que tout joueur de jeu de rôle peut espérer de meilleur et même d’unique.
Destroyer. Destroyer Olgo Thaerin an Khazad Krynn, porteur de Mordacier et de la Mind of Balance. Et pourtant, ce n’est pas son vrai nom. Destroyer est un surnom qui est devenu son nom. L’orgueilleux, le coléreux, le redoutable Destroyer, véritable machine de combat dès les 7 points du Malheur, bien avant qu’il obtienne la Mind of Balance dans Dark Tower. Peu de personnages auront été autant détesté, admiré, jalousé, haï, entouré que ce combattant nain auquel l’alignement neutre correspondait si bien. Arrogant jusqu’à la provocatton, courageux jusqu’au téméraire, indomptable jusqu’au déraisonnable, Roi sans royaume, à la fois seul et entouré, détestable et charmeur, fidèle et salaud, ses querelles sont presque aussi nombreuses que ses exploits. Son surnom n’était pas usurpé : c’était avant tout un destructeur, de ses ennemis et notamment des monstres, mais aussi, parfois, de ses propres constructions, de ses propres amitiés. Cependant il pouvait aussi se montrer extraordinaire de précision, d’intuition, ou de déduction. Destroyer le flamboyant a vécu l’excès et dans l’excès jusqu’à ce qu’à force d’aller trop loin, un jour... Il demeure un immense aventurier, une légende pieusement enterrée dans sa tombe d’Olgeria, sans doute le plus fulgurant des guerriers nains de l’histoire de Derenworld.
Avenger, ou l’étrange paladin. L’histoire d’Avenger est une lente et difficile extirpation de lui-même, une longue tentative d’arriver jusqu’à sa condition de héros pour lequel il n’est pas né. Avenger fait initialement partie de cette majorité de personnages marqués par un destin, c’est à dire le signe de la tragédie, et par une certaine malchance, ou plutôt par cette absence de chance qui facilite pourtant tellement l’émergence d’un grand personnage. La malchance d’Avenger était si certaine que dans un groupe il semblait presque incarner une garantie, comme s’il attirait à lui seul un mauvais sort dont les autres échapperaient du même coup. Sauf qu’un jour, dans Thanatoa, c’est à tout le groupe que s’étendit la malchance d’Avenger… Il en revint car s’il semblait fâché avec sa bonne étoile, il ne l’était pas avec ses anges gardiens, ou avec ceux de ses compagnons. C’est sur le tard qu’il finit par sortir du lot et accomplir ses propres exploits, parfois loin de Derenworld. Mais sur Derenword, Avenger est indissociable d’une collectivité, un peu comme Tuff. Il a ce côté sacrificiel et courageux qui caractérise les véritables Paladins et fait de lui l’un de ces personnages-ciments, indéfectibles et vaillants, sans lesquels il n’y jamais de réussite ni collective ni individuelle. Toujours actif, traînant encore ce vague à l’âme qui ne l’a jamais quitté, Avenger demeure un personnage atypique et nuancé tant à l’égard des autres que de sa propre condition et d’une certaine manière, malgré tant d’années, pyschologiquement l’un des plus intéressants, et certainement l’un des plus mystérieux vétérans de Derenworld.
Parmi les principales aventures menées par cette génération figurent :
- Les Sept points du Malheur
Dark Tower
Starstone
La Main d’Arioch
Temple of Nyarlatothep
Lichdom dont l’échec signe la dispersion définitive de la Hawk Society en tant que groupe d’aventuriers.
4) LES EFFICACES 1983-84
Le quatrième groupe, joué par les seuls Béatrice et Olivier, épisodiquement accompagnés d’autres joueurs au cas par cas ou pour certaines aventures, débute dans Horror on the Hill avant de connaître une suite d’aventures Judges Guild (la grande époque de cet éditeur…) et de terminer leur carrière par deux campagnes personnellement créées pour eux. Ce groupe se caractérisait par une entente parfaite et une incroyable facilité et de jeu et de victoire. C’est le groupe marqué de la chance et de la réussite. Leur fluidité tactique et stratégique n’a été égalée que par les Harwinders et le XIXth Siver Circle, parfois bien des années plus tard. Dans plus de la moitié des aventures qu’ils ont réussi parfois comme aisément, d’autres groupes se sont cassés les dents. Ce groupe s’est également spécialisé dans le recrutement et l’animation de NPCs henchmen ou hirelings. Il me posera un véritable problème d’arbitrage dans la mesure où, sans qu’on se rende le moins du monde compte, il a posé un standard exceptionnel de qualité de jeu tactique, né de l’interaction de personnes qui se connaissaient et s’harmonisaient parfaitement.
Il a pourtant totalement sombré dans l’oubli avec le départ des deux principaux joueurs qui l’animaient. Seul en survit le NPC Destur Ainefund, qui vit aujourd’hui dans Fort Hawk près de Gelkard en Empire, et les nombreux henchmen qu’ils recrutèrent et que rencontrent parfois des personnages actuels totalement ignorant de leur vécu.
Ce groupe, qui ne connut jamais l’échec, et ne subit qu’une seule perte en la personne du NPC Albra Toleno, a successivement réussi les aventures ou campagnes suivantes :
- Horror on the Hill
Thracia
Book of Treasure Maps
Ravenloft
Badabaskor
Frontier Forts of Kelnore
Against the Giants & Descent in the Depths on Earth
Hell on Earth
Orb of the Might
5) LE TEMPS DES DISSOCIATIONS 1984-88
La seconde génération de la Cave est celle de l’époque des dissociations. Plusieurs campagnes seront menées par des personnages se croisant ou passant d’un groupe à l’autre. L’entrée de Bertrand Pouvesle et Thierry Motet a rendu nécessaire la réduction du nombre de joueurs par aventure afin d’éviter les cacophonies. Le nombre de joueurs sera alors limité à 5. Seront notamment joués par cette génération la série TSR des UK (When a Star Falls, All That Glitters...), Rahasia, Tower of Indomitable Circumstance, Thracia, Wilchidar’s Well et surtout Ravenloft, Tharizdun-Tsojcanth (WG4/S4) et Castle Gund 2e version.
Une multiplicité de personnages apparaît ou se révèle dans cette génération, parmi lesquels Silviand de Wigenhaven, Dûnethor, Denebola, Miles O' the White, Victor Anderil de Shant, Milgork, Elmyr de Quemeria, Cush, Shtah Arockson, Maldë, Kenwill Allnzar dit "le Baron", Kandar, Elren Deel de Dilanovia , Olaïnor le Pragmatique, Hexandria. C’est aussi la période du « fighters’ power » : les trois quarts de ceux qui atteignent les hauts niveaux ne sont pas des spellcasters et aucun des personnages-joueurs n’est cleric. Parmi eux, comment ne pas mentionner la « montagne » Shtah, véritable absorbeur de points de vie, monstre de solidité et de fiabilité. Shtah est un roc, une assurance-vie, une certitude si forte que tout se passera bien qu’elle pourrait presque avoir l’effet inverse en cas d’ennui imprévu. Il n’a pratiquement jamais connu l’échec et pose l’archétype du barbare indéboulonnable, la muraille à l’ombre de laquelle on ne craint pas d’avancer, car Shtah avance, sans rien qui puisse sembler l’arrêter, à moins qu’il ne lance son Hammer of Thunderbolts, l’arme la plus puissante qui soit, et dont il suffit de dire qu’il la manie avec aisance. Le Mage Kenwill Allnzar pensait que Shtah équivalait à lui seul à une ligne de guerriers et rien ne permet d’imaginer qu’il aie changé d’avis. Shtah terminera sa carrière loin de Derenworld en réussissant (évidemment) Bloodstone Campaign mais il rejoint encore parfois Melkria pour d’épisodiques aventures.
Bien différent est son grand ami le Paladin-Lord Elmyr de Quemeria, qui complétait avec lui une première ligne au potentiel défensif exceptionnel. Comme il arrive parfois, Elmyr nourrissait une vocation complémentaire assez différente de sa qualité principale de combattant paladin et issue d’un extraordinaire entregent : une capacité inouïe à se faire des amis partout et de tous. N’eut-il été Paladin, il aurait fait le plus fabuleux diplomate de Derenworld. Arrivant inconnu dans une ville, une semaine plus tard, toutes les portes s’ouvraient à lui, personne d’important n’ignorait son existence, il était apprécié et recherché de tous. Cela sans jamais la moindre entorse aux rigoureux préceptes du paladinat. Rarement Paladin aura su aussi bien allier conviction et vie sociale. Mais sur le terrain, Elmyr était d’abord un véritable combattant, sans peur et sans reproche et sans crainte du sacrifice, toujours prêt à donner sa vie pour un groupe qu’il contribuait à unifier et pacifier. Elmyr reste un personnage d’une grande beauté, extérieure comme intérieure, de beaucoup plus fiable que son joueur dont les absences répétées finirent avoir raison de son propre personnage.
La place et le temps manquent pour évoquer la pétillante Denebola, le rusé Milgork, l’irascible Olaïnor, le tranquille Dûnethor, l’aimable Silviand ou le persévérant Elren. Toutefois un mot doit être dit sur Cush, qui fut un grand et triste moine.
Membre des White Monks, Cush est le premier pesonnage joueur à atteindre les niveaux les plus élevés de sa classe. Il forme avec Shtah et Elmyr un trio à toute épreuve et réussira avec eux des aventures aussi légendaires que le Château du Mezeler, les Cavernes de Tsojcanth, ou Castle Gund. Inspiré, réfléchi, profond, Cush incarne une perfection de Monk d’alignement bon. La confiance qu’on peut placer en lui est telle qu’il deviendra le chef de la garde de la personne de l’Empereur. C’est là que pour une raison qui n’appartient qu’à lui, Cush met fin à son existence. Son corps sera incinéré avec une grande tristesse par les White Monks. Encore aujourd’hui, il demeure la définition de ce que doit être un Master Monk.
La mort de Cush coincide avec la période ou la dissociation devient dispersion puis dissension. Laquelle culminera avec les trahisons de Laeliana dans Ravenloft puis de Maldë dans Castle Gund, et avec une débâcle finale dans le Queen of the Demonweb Pits qui interdit encore aujourd’hui de savoir qui a pris la place de Lolth.
Les personnages de cette génération ont formé plusieurs sociétés distinctes, parfois durables, mais souvent éparses, un peu à leur image. Les affinités dépassaient rarement le tandem et plus rarement encore le trio. S’il y a de belles réussites, comme Wigenhaven, When a star falls, Thracia ou le S4, c’est aussi l’époque des échecs collectifs dans des aventures comme le Mezeler, Ravenloft, ou Tomb of Horrors, où les défaillances individuelles enrayent les dynamiques d’ensemble. Des survivants certains rejoindront d’autres groupes, certains arrêteront leur carrière, et il ne reste parmi eux d’aventurier véritablement actif sur Derenworld que cette damnée tête de mule d’Olaïnor, aussi increvable que couturé de cicatrices, qui attend quelque part en Lowenland sa prochaine opportunité d’en découdre encore et toujours pour la plus grande gloire de Thor.
6) LES HARWINDERS 1989 - 90
Harwind est la dernière des grandes aventures que j’aurai créées. A cette occasion, la Cave tente de se réunir et d’oublier ses dissensions pour accomplir un long parcours de ce qu’on appellerait aujourd’hui dungeon crawling. Les joueurs du groupe des Harwinders sont Olivier Barberousse, Thierry Motet, Thierry Natiez, Bertrand Pouvesle et Patrick Zeff. Ce groupe parvient à surmonter des oppositions internes manifestées par des personnages aux antipodes les uns des autres pour retrouver une unité qui lui permet de réussir l’exceptionnel final de Harwind. Nirag Naëmbolt of Naù, Silvianne, Boris du Pendu, Alistair Mc Lelland, Mae Purdey, Taka, Skull, Skinos.
Cette unité se maintient par la suite dans la seconde aventure du groupe, qui doit les conduire à la fameuse suite D3-Q1. Les Harwinders représentent un groupe uni et soudé, une génération qui a la volonté de réussir collectivement à l’inverse des succès plus individuels ou dispersés des générations précédentes. Or ils échouent, collectivement, dès le début de Vault of the Drows. C’est l’une des trois seules fois où un groupe de haut niveau est intégralement anéanti et la seule où il était absolument impossible à l’arbitre de l’éviter. Malgré un sauvetage a posteriori réussi par certains vétérans de Derenworld le groupe ne renaîtra pas. Ce traumatisme signe, en réalité, la fin d’une période entière de D&D. Ce que les Harwinders auraient dû accomplir est un temps mené par une composition d’anciens issus de générations précédentes et éparses, réunis presque artificiellement pour l’occasion, mais quelque chose s’est brisé entre joueurs comme entre les joueurs et l’arbitre. Il y au trop de disparus, de rivalités, de dispersions, parmi les personnes comme parmi les personnages. Cette fois c’est moi qui jette l’éponge. Pendant 5 ans, je cesse de jouer au D&D.
(à suivre) - (edit 9/9/2011 : suite postée infra)
Voir aussi : Sociétés d'Aventuriers de Derenworld