A propos de nostalgie en D&D

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kazz
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A propos de nostalgie en D&D

Message par kazz » 01 oct. 2005, 00:50

Ce que recouvre le mot nostalgie, pour les plus anciens joueurs de D&D, peut expliquer une certaine réticence à la 3e édition. Cela ne relève pas tant de la comparaison des systèmes de règles, celui de la 3e étant incontestablement meilleur à maints égards, que de leur impact sur certains aspects du jeu de rôle qui sont souvent ignorés.

Le système de règles n'est certes pas fondamental en lui-même dès lors qu'il y a adaptation concordante des joueurs et du DM. La troisième édition de D&D, devenue 3.5 aussi pour faire rentrer un peu plus d'argent, apporte un certain nombre de clarifications, de simplifications, mais à l'inverse complexifie certaines séquences au détriment du rythme. Le jeu en 3.5 est donc plus lent et plus précis que le jeu en 1e/2e. L'imprécision alourdissant la tâche de l'arbitre et sa responsabilité, la 1e/2e a donc 'favorisé' le mauvais arbitrage dans la mesure où l'arbitre y est peu contraint et assez libre de faire toutes les conneries qu'il veut. C'est aussi sans doute pourquoi les 'bons' arbitres furent en fin de compte une rareté sous ce système.
Désormais, en 3e ed, pour à peu près tout on peut désormais lancer un dé et dire voilà, c'est le dé; mais la dynamique du jeu y perd. Cependant, si on n'a connu que ça, on ne s'en rend effectivement pas compte. Il faut, comme le Spek et moi, avoir été formé par les américains de Californie ou du Wisconsin, ceux de l'époque TSR de Lake Geneva, pour comprendre ce qu'était alors le concept du jeu de rôle, qui n'est plus le même aujourd'hui, d'où, je pense, la nostalgie d'Olivier. Jouer un module comme Tegel Manor comme nous l'avons joué, ce qui avait particulièrement ravi Didier, est absolument impossible en 3e ed. Mais ça, la plupart des joueurs actuels ne peuvent pas le comprendre parce qu'ils ne peuvent pas le savoir. Les règles se sont interposées dans la situation de double aventure, celle des personnages et celle des joueurs, et la construction d'histoire qui en résulte. Mais ce qu'il en reste, grâce au concept même du jeu de rôle, est sans doute amplement suffisant. Toutefois, pour qui a connu "l'ancienne manière", c'est devenu autre chose.

On ne peut pas comprendre le concept de base du D&D tel qu'il fut dans les années 70-80 si on n'a pas à l'esprit que le D&D d'origine est une dématérialisation d'un wargame. Son idée de génie est précisément de faire abstraction autant que possible des supports au profit d'une histoire, d'une aventure. Les créateurs de ce jeu, la première équipe historique de TSR, Gygax, Arneson, Ward, Kuntz, Sutherland et tous les autres, et plus encore les gars de Judges Guild, voulaient qu'on puisse y jouer avec des dés, du papier, un crayon, et les règles de base et surtout, surtout rien d'autre. Aux joueurs d'ajouter ce qu'ils veulent si ça leur chante. Et ça a duré comme ça des années. Et puis à un moment, dans Dragon Magazine, peu après la parution de l'Unearthed Arcana si mon souvenir est exact, est apparu le terme "official" au sujet d'apports ou de compléments de règles. Il a d'ailleurs fallu que Gygax écrive lui-même une précision sur ce qu'il fallait entendre par officiel ou pas. Ca c'était le début de la fin, que consacrera la 2e édition dans son pire, avec ses kits grotesques, ses modules ultra-linéaires, ses manuels du complete n'importe quoi. .
Mais auparavant, et pour un temps encore, une session de D&D était une construction commune au moins autant qu'un déroulement de scénario. Le talent du DM y avait une extrême importance car les encounters n'étaient que très brièvement décrits par le module et c'était volontaire : il fallait d'abord laisser la place à ce que la situation du moment dicterait plutôt qu'imposer coûte que coûte un déroulement préétabli. Tous les arbitres alors tiraient au moins autant de la situation du moment que de l'écrit préalable les événements qu'ils décrivaient aux joueurs. Il se passait ainsi quelque chose "entre" les joueurs, DM y compris, qui s'émancipait en grande partie des règles et même des jets de dés. Ces règles n'étaient qu'un support et combien de fois Gygax a-t-il dit ou écrit : si elles ne vous conviennent pas, changez-les ! Ce qu'il était d'ailleurs le premier à faire le cas échéant.
C'est que la finalité du jeu était alors axée sur non point la simulation mais sur l'aventure; sur l'histoire en train de s'élaborer et de se dérouler. Comme aucune histoire ne peut a priori convenir à tout le monde, le meilleur moyen de la rendre plaisante est encore de laisser les joueurs l'inventer et surtout de ne pas mettre en travers de sa route un corpus de règles derrière lesquelles s'abriter. C'est comme de regarder un bon film : vous n'êtes pas en train de vous demander si le réalisateur aurait mieux fait de placer sa caméra ailleurs ou si le maquillage de tel acteur n'est pas un peu trop accentué : vous vous laissez d'abord envahir par l'histoire, porter par son rythme, vous croyez en les personnages, et ce qui vous importe est de savoir ce qui va arriver ensuite. Telle était la ligne du jeu de rôle de type D&D des premiers temps. La fluidité, l'intensité, la vitesse des parties n'avait rien de comparable à ce qu'il en est maintenant. L'idéal vers lequel tendait tout bon arbitre était de ne pas ouvrir un manuel, de lire le moins possible et de s'adresser le plus souvent aux joueurs en "temps réel" et non en suivant des segments similaires à des tours de wargame.
Il fut ainsi une époque ou chaque joueur avait 15 secondes montre en main pour dire ce qu'il faisait, sauf si l'action justifiait qu'on l'écoute plus longtemps, et ce sans avoir droit à aucun manuel mais seulement sa feuille de personnage. Pourquoi cette règle ? Parce qu'elle force la personne du joueur à devenir personnage. Elle inverse le rapport joueur-personnage. Lorsqu'il s'agit de savoir si Littlebill Grossépée peut faire un roll à +7 de tel skill, cela éloigne le joueur de la vérité profonde de ce personnage qui est en réalité, "sa" réalité, par exemple dans un couloir où un troll essaie de le buter, et où il n'a pas trente secondes pour se demander si le skill qu'il doit tenter s'appelle Eviter (+7) ou Sauter (+5) en ajustant avec les différences de taille et l'âge du capitaine. Le joueur dit, le DM répond, et ça se passe, ou le DM dit, le joueur répond et ça se passe? et c'est tout. Ca va très vite. Et si c'est bien fait, cela aboutit beaucoup plus vite à un résultat équivalent à trente lectures de pages remplis de tables, de blocs de statistiques, et de cas de figure. Et cela porte une réalité beaucoup plus forte.

Je vous parle certes d'un temps que le moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Et sans doute même les moins de trente. Bien évidemment, je conçois tout l'apport des nouvelles règles en termes de mécanique de jeu. Mais justement: ce n'est qu'une mécanique. Or le concept même du jeu de rôle, à son origine, est l'émancipation des mécaniques pour tendre vers une aventure humaine, une narration collective, un événement. Et à cet égard, je suis convaincu que ces nouvelles règles n'apportent ni ne retirent quoi que ce soit à la faculté et la facilité de roleplay. Les plus basiques règles de D&D, celles de 76, n'ont jamais empêché la création de personnages subtils ou haut en couleurs et qu'en tout cas on "voyait" aussi bien autant sinon mieux que les actuels surchargés de statistiques. Tenser, Elminster ou Robilar furent tous créés avant l'Unearthed Arcana de la 1e édition ; ils n'ont pas eu besoin de skills pour devenir ce qu'ils furent.
Il est cependant devenu quasiment impossible de jouer au D&D tel qu'il se pratiquait. Cela a donné des états de joueurs, des tensions, des intensités, qui ne sont plus aujourd'hui que très rares. On vibre, tremble, se réjouit pour son personnage, mais on est de moins en moins en lui, non dans sa peau mais sa peau elle-même. Cela est favorisé par le détour intellectuel qui consiste à manipuler des statistiques au lieu d'énoncer ce que moi, personnage, je dis et fais au DM qui me répond instantanément et me décrit les conséquences avec une rapidité la plus voisine possible de ce qu'il en serait si j'étais réellement le personnage. Voilà pourquoi encore privilégier les tables a peu de joueurs, 3 ou 4, parce que l'immédiateté et donc l'intensité et donc la vérité y gagnent bien plus que si je ne peux parler que toutes les quinze minutes parce qu'il faut que j'attende que les autres aient eu leur tour, et que le DM ait vérifié une douzaines de fois dans ses livres.
L'expérience consistant à devenir en réalité son personnage, à ne pas être autre chose pendant toute la durée de la session, et à se comporter autant que possible exactement comme lui, semble aujourd'hui quasiment relever du domaine du grandeur nature, lequel est pourtant une énorme régression lui aussi du véritable jeu de rôle puisqu'il s'appuie sur un decorum. Mais même à l'époque, je n'ai pas dû rencontrer plus d'une dizaine de joueurs auxquels ce système convenait réellement. C'est que contrairement à ce qu'on pense peut-être, ce n'est pas facile de devenir un personnage, alors qu'il est bien plus aisé d'en contrôler un. C'est pourquoi les éditeurs ont largement favorisé les systèmes axés sur ce contrôle. Sans doute en cela avaient-ils raison et sans doute beaucoup de joueurs qui n'eussent sinon point pratiqué le jeu de rôle y sont ainsi venus. Cependant, du point de vue de ce que ce jeu peut humainement apporter, c'est un amoindrissement.
Il n'y a d'ailleurs à mon avis aucune situation qui était impossible dans les règles antérieures que les nouvelles auraient rendu possible. Rien n'était impossible dans les règles antérieures puisque tout ce qui n'y était pas prévu reposait sur l'arbitraire, eh oui, de l'arbitre. Alors, en effet, avec un arbitre médiocre, et dieu sait que les raisons de l'être ne manquaient pas, ça se passait mal. Mais des jets de dés, ce n'est pas forcément mieux. Les dés ne tiennent aucun compte de ce qui est bon pour l'histoire en train de se dérouler. Les dés vont eux aussi donner des résultats absurdes, iniques, ou inappropriés à la situation. Ils en réalité sont un pis-aller. On ne devrait y recourir qu'en dernier ressort.
Moyennant quoi, le système de jeu s'appelle désormais "dé vingt".
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Melkria
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c'est ça

Message par Melkria » 01 oct. 2005, 18:55

En fait, c'est exactement ce que je pense. Je pourrai éventuèlement pinailler sur une ou deux virgules mais c'est exactement mon sentiment...
Nostratus
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Mouais

Message par Nostratus » 11 oct. 2005, 13:52

Je commencerais en paraphrasant une citation: "La psychologie des foules montre à quel point les lois et les institutions exercent peu d?action sur leur nature impulsive et combien elles sont incapables d?avoir des opinions quelconques en dehors de celles qui leur sont suggérées."

Je pense aujourd'hui à peu près la même chose des règles d'un jeu vis-à-vis des joueurs, et en regardant notre passé de joueurs je pense que l'expérience me donne raison. De même que les institutions ne valent que ce que nous en faisons, les règles ne valent que ce que nous en jouons.

Je passerais sur le coté un peu idéalisé des débuts du jeu que fait ce cher Kazz, et je garde d'ailleurs quelques mauvais souvenirs de certaines parties de ThalmuD & D, thalmud qui du fait de la clarté des règles en 3.5 a largement tendance à disparaître aujourd'hui, au grand désespoir de certains.

Pour ma part la simplicité des règles en 3.5 me permet de me débarrasser de beaucoup de contingences que l'on traînait dans les éditions précédentes peut être au détriment de l'imagination du point de vue de Kazz, moi je dirais que l'imagination se transforme parfois en arbitraire selon l'humeur du DM, de la tête du joueur et de l'état de fatigue des deux. Pour ma part elle permet justement à l'imagination de se focaliser sur l'aventure et le RPG.

En conclusion je ne porte pas sur le passé un regard de nostalgie mais de souvenirs heureux et je regarde l'avenir avec envie et confiance dans le RPG.
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Melkria
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se méfier des citations

Message par Melkria » 11 oct. 2005, 17:27

Je ne pense pas que toutes les citations soient vraies pas plus que toutes les règles équivalentes pourvues qu'elles fussent bien utilisées. :oops:

Ainsi, pour rester dans le registre du jdr, je n'ai jamais aimé jrtm, ni chevalry and sorcelery en raison de leur trop grande complexité liée à un souci de simulation fine, au détriment à mon sens du fun et de la jouabilité :o

De même, si le contexte (univers, groupe et DM) est faforable, il ya de grandes chances que la partie soit réussie. Mais cela ne suffit toujours et des règles chiantes peuvent gâcher le plaisir. :cry:

Alors, bien sur, chacun recherchant des choses différentes dans le jdr, l'appréciation de la qualité des règles et du contexte varie considérablement selon les joueurs. :mrgreen:

Pour ma part, je garde des souvenirs extraordinaire de nos parties d'antan parce qu'elles m'ont fair rêver même si elles ne furent pas exempte de prises de tête talmudiques ou autres (arbitraire DM-ique, joueurs caractériels et/ou puants, pétages de plomb et règlement de compte, etc) :boxer:

Depuis, comme pour le premier shoot, je recherche le même kif et le retrouve plus facilement dans un environnement similaire (règles, références, univers.....) :P

D'autre part, je n'ai jamais été ni wargammer, ni simulationniste. Par conséquent, la finesse de la simulation ou de la résolution par les règle, voire du réalisme m'a toujours laissé indifférent (et nous en discutâmes passionément à une époque, isn't it ?) :roll:

Enfin, j'ai peu de temps et pas du tout l'envie d'apprendre un nouveau corpus de règles (surtout avec la multiplication des bouquins spécial minimaxeurs, catégorie de joueur que j'adore... :feuer:
Nostratus
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Message par Nostratus » 12 oct. 2005, 12:08

Je crois pourtant que c'est bien l'utilisation des règles qui font d'un jeu de rôle ce qu'il est. Je cite pour exemple les règles de combat de AD et D 1ère édition que tu chéris tant étaient complexes, qui s'y retrouvait entre les speed factor et les initiatives individuelles surtout lorsqu'un haste était balancé par là dessus. En fait la plupart des maîtres de jeu, ainsi que le rappelait ce cher Kazz se sont contenter de piocher dans les règles ce qui leur plaisait. Rien n'empéchait d'ailleurs de faire pareilavec chivalry and co.

Là où je te rejoins c'est qu'il est vrai que c'est plus ce que lle maître et es joueurs font des règles qui peut rendre une partie chiante. Il m'arrive de plus en plus souvent de refuser le thalmudage en cours de partie. Je note la question et prend une décision forcément arbitraire, pour donner la réponse à la partie suivante. Sans cela effectivement c'est très vite fait de pourrir une partie et franchemement j'ai vu des parties pourries par le Thalmud aussi souvent à ADD 1ére qu'à Warhammer qu'en 3.5.

Le seul jeu qui ait échappé à cette règle est l'appel de Cthulu, système hyper simple et très bien rédigé.

Pour ma part si j'avoue avoir eu des tendances simulationnistes à une époque, j'ai largement fait marche arrière essayant avant tout de privilégier le plaisir de tous au détriment sans doute d'un certain réalisme.

Quand à l'apprentissage des règles, d'accord avec toi, mais bon faut pas en faire un drame non plus.
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