Le Mage, d’AD&D à Pathfinder

10 décembre 2013 par Kazz → Non classé
Le magicien artilleur, celui qui décide du sort des combats par le dommage direct qu’il inflige aux adversaires, n’existe plus en PF. Sur les niveaux 1 à 4, entre PF et AD&D, la diminution de la puissance et de l’effet des sorts endommageant directement un adversaire est édifiante. Un ray doit réussir un touch attack + un ST sans parler d’une éventuelle résistance pour produire un effet qui sera rarement supérieur en dommage à celui d’un bon résultat de mêlée. La changement de durée et de niveau du Stinking Cloud, le quasi anéantissement du Lightning Bolt, le Acid Arrow qui nécessite un toHit : autant de signes qui vont tous dans le même sens. L’époque du MU qui changeait le cours des choses avec l’arsenal Fireball, Lightning Bolt, Ice Storm, Web, Magic Missile et Stinking Cloud est révolue dans PF.
Le jeu du Mage est donc différent. Pas forcément moins intéressant, ni forcément moins puissant au bout du compte, peut-être un peu plus difficile, et certainement plus stratégique.
Le Mage artilleur classique est ainsi devenu quelque chose que ceux qui n’ont connu que D&D3 et ses suites ne peuvent pas comprendre. On va l’évoquer ici, pour le souvenir.

 

En AD&D le Mage est la pire des classes pendant longtemps. Il progresse beaucoup plus lentement que les autres et il est très peu utile jusqu’au 5e niveau. Il a (très) peu de sorts, il est (très) fragile, il sert (très) peu en mêlée avec une table d’attaque cauchemardesque. Arrivé au 5e, il commence à pouvoir peser mais n’entre vraiment en scène qu’à compter des 7-8e niveaux. Au 7e niveau, un fireball cause en moyenne (7×6)/2 = 21 points de dommage. Les monstres en AD&D étant plus faibles en hp que ceux de DD3/PF, 21 points de dommage permettent souvent d’éradiquer 50% des points de vie d’un groupe de monstres. Bref, pour le combat, le MU devient valable.

Mais à partir du 11e niveau, le MU devient décisif. Un MU 12e niveau lançant en 3 rounds consécutifs cone of cold, lightning bolt, ice storm détruit à peu près tout sur son passage. Extrêmement peu d’adversaires standard du 12e niveau peuvent faire face à ce MU surtout s’il est hasted avec son groupe. Le même MU dispose aussi d’un slow qui peut affecter tout un groupe adverse et qui n’a pas de ST, du Geas (pas de ST non plus), du Hold Monster etc… En pratique, la palette habituelle d’attaque du MU 11+ artilleur est telle qu’il doit normalement pouvoir éradiquer au moins 4 gros encounters quasiment à lui seul. Surtout, l’énorme avantage du MU artilleur vient de sa rapidité d’effet : en un seul  round un bon sort offensif remplit le travail de plusieurs rounds de mêlée où les combattants engagés peuvent perdre des points de vie. La vocation d’artilleur provient donc autant du choix de son joueur que de la demande des combattants d’aide directe et efficiente à leurs tâches en mêlée.

Le MU Arch-Mage (niveau 18+) n’a pas d’équivalent. En situation de combat un contre un sans surprise, nulle autre classe de personnage, même supérieure de deux ou trois niveaux, n’a la moindre chance contre un MU correctement joué.

Cette courbe de progression du quasi-insignifiant au quasi-suprême correspond à un équilibrage du jeu. Grosso modo, jusqu’au 8e niveau, les fighters et voleurs font l’essentiel du boulot. Aux 9 et 10e niveaux une bascule s’opère entre les classes. A compter du 11e niveau, ce sont les spellcasters, et surtout le MU, qui sont décisifs. Cet équilibrage est fondé sur le concept que la magie peut être contrecarrée par des capacités matérielles conventionnelles jusqu’à un certain point mais qu’elle devient ensuite d’une puissance telle qu’elle surpasse toutes les autres forces. Ce concept provient lui-même des influences qu’ont subi Arneson et surtout Gygax, et en premier lieu de Vance (Terre mourante et Cugel Saga où la magie est aussi prégnante que fondamentale dans la définition du D&D)  et de Tolkien, chez qui la Magie à haut niveau, telles que l’incarnent dans le SdA Saruman, Sauron, ou encore Elrond, est suprême.

Ainsi, même si AD&D rend parfaitement possible le jeu d’un mage indirect, du type prôné par DD3/PF, direction que certains Wizards de DW exploreront d’ailleurs,  notamment Mae, la majorité des MU atteignant les 5-8e niveau ont cboisi un devenir d’artilleurs. Il faut avouer qu’après avoir galéré pendant plus d’un an de jeu à préserver ses rares malheureux points de vie générés sur un d4 mal protégés par une AC ridicule, après avoir passé des soirées à se rendre utile pendant les 3 rounds où on va lancer Sleep, Web et Identify, se retrouver enfin doté des deux bazookas Fireball et Ligthning Bolt apparaissait une récompense bien méritée ; enfin, on allait voir ce qu’on allait voir car le mage et la magie allaient révéler leur vraie puissance. Enfin les choix du Mage allaient conditionner le sort du groupe. Enfin, son joueur se sentait dépositaire de l’aventure. Et cette sensation était justifiée. Désormais, dans plusieurs combats, le rôle des fighters ne consisterait plus qu’en un ramassage des débris des sorts du Mage. Mais pas seulement : faut-il qu’on récupère ? Rope Trick. Déséquilibrer la tactique adverse ? Dimension Door, Rock to Mud. Un gros méchant résistant ? Haste, Slow, Reverse Gravity. Une exploration avancée ? Invisibility, Wraithform, Polymorph. Retraite d’urgence ? Teleport. Situation difficile ? Wall of Stone. Manque quelque chose ? Limited Wish. Vers le 12e niveau, non seulement la mêlée mais toute situation de jeu implique la compétence du Mage.

Pourtant, il y a/eut très peu de très grands sorciers players sur DW, c’est-à-dire aptes à lancer un sort du 9e niveau. Le dernier en date est Mae. Avant il y eut Melkria, Kennan, Whitehorn. Ni Meslow ni Mascor, ni Renzell, ni Silviane, ni Veznatschai ni Laetharin, et d’autres, qui obtinrent comme eux le titre de Wizard (level 11), n’ont atteint le niveau d’Arch-Mage. De 1979 jusqu’à 2013. C’est dire la difficulté de la tâche. 375000 xp  de coûts de progression finaux quand les autres n’ont besoin que de 200 ou 250000… Et Whitehorn, au 18e niveau, avait 35 points de vie, et une Armor Class de 0, ce qui correspond à 20 en PF. En tenant compte de la difficulté de progression de la table XP de MU, un Mage 18e AD&D a les points d’expérience équivalents à un 21e PF. Survivre aux encounters qu’on rencontre à ce niveau avec une si faible capacité défensive tout en sachant que le sort de l’aventure repose principalement sur vos épaules est extrêmement ardu.

 

PF a profondément modifié cette situation. Le mage n’est plus en situation d’influer directement sur le combat en soustrayant des points de vie à l’adversaire, à quoi il épuise sinon ses sorts en des tentatives aussi aléatoires qu’un hit de fighter en mêlée et guère plus profitables. En revanche, il répond au constat suivant, tiré d’une observation fort pertinente lue sur un site de PF à propos de cette classe : un monstre à 1hp est aussi offensivement dangereux que le même monstre à 100 hp. La fonction du Mage n’est ainsi plus de substituer les frappeurs mais d’incapaciter les monstres d’une autre manière que la soustraction de points de vie, de les rendre moins dangereux, de rendre le groupe moins vulnérable à leurs attaques, ou de mettre le groupe en situation meilleure afin de mener ses propres attaques, ou encore de renforcer celles-ci. En ce sens, il tend à se rapprocher du rôle collectif habituellement dévolu au cleric dans AD&D. Le Mage agit certes directement sur les événements mais indirectement sur la mêlée, depuis un domaine différent mais désormais complémentaire de l’action du clerc, impliquant une vision stratégique et centrale du combat mais aussi de l’ensemble de l’aventure. D’une autre côté, échange de la perte de sa puissance offensive directe, le Mage est débarrassé de sa lenteur spécifique en progression d’XP, s’avère un peu moins fragile défensivement, et est favorisé grâce à son intelligence dans l’accumulation de points de skills.

La logique est celle d’un équilibrage constant, atténuant les différences interclasses et inter-niveaux qui prévalent en AD&D. Le thief et le mage, qui ont en AD&D une courbe d’intérêt inverse, sont les les plus affectés par cette approche. A titre personnel, je comprends et approuve cette logique. Je pense qu’il est globalement, je dis bien globalement, c’est à dire tous niveaux compris, plus amusant et gratifiant de jouer un mage ou un voleur en PF qu’en AD&D. Et bien sûr un clerc. Et aussi un fighter. Et encore aussi un paladin. Je suis nettement plus réservé sur l’évolution du monk et du ranger, mais ça fait quand même beaucoup.

Toutefois, je dois à la vérité d’avouer une certaine nostalgie des grands mages artilleurs décisifs que j’ai eu la chance d’arbitrer ou jouer. Leur évidente suprématie dans les hauts niveaux n’était pas contestée par les autres joueurs car ceux-ci savaient qu’elle venait en contrepartie d’un long passage par le purgatoire des bas niveaux et d’une survivance à des fragilités défensives sans équivalent chez les autres classes. Or la sensation de puissance, aux hauts niveaux, était extraordinaire. Le tonnerre du fireball remplit la salle et il n’y a plus un seul des 6 trolls qui reste debout. Le disintegrate qui réussit sur la lich. La mise en Haste de tout le groupe qui hache menu des géants. Le lightning bolt qui rebondit et vire tout un rang d’adversaires. Le nettoyage complet de salles, les groupes de monstres tout entiers décimés, le big bad boss anéanti, tout cela en un round, d’un geste. Renforcé, au 18e niveau, du Wish ou du Time Stop, avec le Clone, le Reverse Gravity, le Maze, le Teleport, le Delayed Fireball, le Limited Wish, conférant cette impression de pouvoir tout vaincre, que rien ne peut résister. Les quatre Arch Mages player que j’ai cités plus haut ont tous, j’en suis sûr, procuré à un moment ou un autre cette exaltation à leurs joueurs. Alors de ces souvenirs je ne peux m’empêcher de souhaiter, peut-être par bête nostalgie, qu’il se passe quelque chose de semblable pour les joueurs de hauts mages de Pathfinder.

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