En deux conclaves tenus cet automne, les Druides de Baër et de Gorlech ont confirmé l’impossibilité de remédier à court terme aux maladies qui touchent la plupart des semences de céréales et qu’ils attribuent à la sécheresse les ayant affaibli. L’impact sur la faune est sensible, réduisant aussi les ressources de chasse et pêche, ce qui a amplifié l’effet des mauvaises récoltes de 5223 ayant succédé à celles de 5222.
En deux ans, le prix du blé à l’export a augmenté de 50% sur les marchés de Haaker ou Mirba tandis que celui du riz au départ d’Orfajaz bondissait de 70%. De nombreux pays ou fiefs n’ont ainsi plus les moyens de combler leurs déficits agricoles sur les marchés ce qui entraîne des famines et des morts.
Certains s’en sortent par le choix de privilégier les marchés intérieurs, tels le R.C. Evriand, le Lowenland, ou le Farxel. D’autres bénéficient de ressources ou accords extérieure : Avros, Wejlar, Zevjapuhr, Thûzzland. Mais ailleurs, les contrées ou entités riches utilisent leur puissance financière pour acquérir récoltes et marchandises , faisant la fortune des propriétaires et négociants des zones exportatrices qui traitent parfois au détriment de leur propre population ; c’est ce qui se passe notamment en Empire, en Vizan, en Tangut ou en Grat Anarchy, ensemble représentant l’énorme majorité des territoires continentaux.
Or la famine a fait des ravages cet hiver en Kohrland, en Valoner, en Tarentine, en Whitewall et Silverdon, en Vizan et probablement en Ohkhpuhr aussi. Partout des crève-la-faim forment des bandes qui pillent pour survivre. Des bateaux ont été pris d’assaut en Vizan à leur retour de pêche. Les entrepôts ont été pillés à Tarantis, des châteaux ont été mis à sac près de Strakhlia, des bandits partis de Mulgorge arraisonnent les barges sur l’Undine pour se nourrir à même les sacs de vivres. L’hiver a été terrible à Dilanovia où l’on a mangé les chats et les rats ; en Dilane, les victimes directes ou indirectes se comptent par centaines ou milliers.
Cette situation a entraîné une réaction des clergés d’Issek of the Jug et de Diancecht qui ont décidé d’utiliser leurs privilèges au sein des Lazarets d’Ilnaëmb et Newerton pour y offrir gratuitement de la nourriture aux pauvres. Or il est apparu que pour faire face à l’ampleur des demandes ; les clercs avaient dû employer à cet effet des ressources magiques, ce qui constitue un crime contre l’Etat puisque les sorts ne peuvent servir que sur des bases individuelles et en aucun cas à produire durablement des effets de masse ayant des conséquences politiques ou économiques sous peine de mettre en péril les fondements des sociétés où ils agissent ; il est donc manifeste que ces clergés se sont rendus coupables de sédition théologique, infraction dont même les exemptions accordées aux Lazaret impériaux et le patronage de la personne de l’Impératrice ne sauraient les protéger. Pourtant, l’Impératrice Dandria a refusé d’agir en répression, ce qui a provoqué la colère de son époux et aussi celle du Parlement. Les clergés séditieux ont ainsi été condamnés par la Canon Court à la quasi unanimité mais S.M.I. Dandria a persisté dans son inébranlable refus de permettre que le jugement soit exécuté dans les Lazarets devant lesquels des centaines de personnes font en permanence la queue, donnant même des instructions pour aménager deux Lazarets supplémentaires et provisoires à Juma et Strakhlia. Le Conseil Impérial, mené par le Prince Consort John-Daniel, en présence de représentants des clergés de Ptah, Tyr, et Hermès s’est alors réuni pour débattre soit d’un décret de contrainte permettant d’outrepasser le veto de l’impératrice, soit d’une destitution du statut des Lazarets qui reviendrait au même en évitant de froisser plus encore la monarque.
A quoi une double réaction s’est aussitôt organisée, d’une part au soutien des clergés dissidents d’Issek et Diancecht, d’autre part au soutien de la personne de l’Impératrice.
Dans les premiers, le clergé d’Isis a rassemblé une coalition particulièrement hétéroclite puisqu’on y trouve les clergés de Heimdall, de Gruumsh, de Bes, de Frigga, de Berronar, ou de Yondalla qui tous ont accordé leur complet soutien aux dissidents, certains menaçant même de faire comme eux si on continuait de les importuner. Menace aussitôt condamnée par les clergés de Râ, Ukko, Poséido, Hadès, outre Ptah, Tyr, et Hermès : du lourd. C’est donc une véritable scission en deux camps cléricaux qui s’est mise en place.
D’autre part, l’Impératrice a trouvé d’importants soutiens en la personne de plusieurs grandes maisons nobles : Goldhelm, Arwen, Chanteveille, Naembolt-Naù, Oakfens, dans l’ordre des Paladins d’Empire, notamment le Paladin Dil, et encore dans la majorité de l’administration locale d’Empire, gouvernorat, questure et enquesture, sans parler des habitants d’une capitale qui semble particulièrement la vénérer. A Ilnaëmb même, le « petit peuple de Kensend », les étudiants, les habitants du Rillian et de Stonefall, et la plupart de la milice ont pris son parti en défilant dans les rues, faisant le tour de l’Ailendil et menaçant d’envahir les hôtels des corporations ou les temples des clergés d’Hermès et de Râ.
Dans le même temps, le roi Karl-Maria de Marn, qui a ouvert sa table personnelle à tout son peuple, a proposé aux clergés de Diancecht et Issek d’être hébergés à sa cour tout le temps que durera la famine en échange d’un dispensaire Isseko-Diancechtistes. Le maire Iax, Izz’k Borando, a ouvert aux mêmes fins un local à ces clergés malgré la vive hostilité des autres organisations cléricales mais l’appui de celles de Gruum’sh et de Silvanus. Le Chevalier Arlbad, Paladin Dil à Dilanovia, le gouverneur-maire d’Anequere Svannto Knight Heursé, le gouverneur de Gaïko Alcidius Shimana, ont suivi le mouvement en prenant des mesures identiques, avec le soutien de clergés alliés à ceux d’Issek et Diancecht.
Pour Bojanski Pielledu servant de Silvanus, qui est l’un des grands Druides de Gorlech ayant mené le Conclave de cet automne, l’initiative de du clergé d’Issek est à approuver ; il estime en effet que vu l’état des récoltes et des semences, il faudra plusieurs années avant de retrouver une production normale sur le continent, et qu’on ne va pas laisser la moitié du monde mourir de faim pendant ce temps.
Ces réactions ont permis la victoire de Dandria Naëmbolt et des Lazarets. Il est désormais toléré qu’en cas de défaut de ressources, les clergés d’Issek et Diancecht puissent continuer à fournir aux miséreux de la nourriture invoquée par sortilèges. Cette solution ne prévaut pas partout, tant s’en faut. En Vizan, en Tangut, dans un gros quart nord-est du continent, la famine exercera encore longtemps ses ravages, avertit S.A. Raymur, le nouveau vice-roi d’Eriendel, très remonté contre son suzerain l’Empire. On parle de même de milliers de morts dans l’intérieur des terres du Vizan en particulier aux nord, centre et nord-ouest du pays. Le Kohrland est au bord de la guerre avec le Miribar dont la riche agriculture d’élevage lui permet de pallier sans difficulté les petits déficits de pêche ou céréaliers. Dans le sens inverse, le duc de Havener a décidé de voler au secours de Karl-Maria de Marn en lui ouvrant les entrepôts de Cryge-Haven quitte à se réapprovisionner en Mirbaïc. Au sud-ouest l’Isenheim hésite à s’allier à Mulgorge et l’Okhpuhr pour s’en prendre aux richesses zevjanes. Le riche Farxel, plutôt épargné, a pris des allures de gros gâteau auquel beaucoup aimeraient bien goûter. Le non moins riche Evriand soutient alimentairement le Wejlar formant ainsi un bloc à part au nord-ouest du continent. Mais les ferments de dissension ont rarement été aussi élevés en l’absence de tout élément surnaturel de type Lich-King. Surtout, ils apparaissent atteindre atteindre jusqu’à la tête de l’Empire-au-centre-du-monde. L’attitude de S.M.I. Dandria au sujet des Lazarets est une étape sur le chemin d’une opposition désormais quasi-ouverte avec son propre mari, provoquant une scission au sein de l’appareil d’Etat et entre les nobles de haut rang. Elle a l’appui personnel des rois de Marn et de Dere, et semble vouloir modifier sensiblement la politique de son pays, mais pourra difficilement y parvenir sans une révolution, fusse-t-elle de Palais. Dans le même temps, la moitié du continent, Tangut inclus, est désormais en situation de tension, de pauvreté, de famine.
Selon Aramir Bashawri, expert politique de l’Academia, « quand il y a beaucoup de bois de plus en plus sec et beaucoup de vent alors vaut mieux faire gaffe où que tu poses ton cigare ».
Bien qu’il soit toujours difficile d’obtenir des nouvelles fiables du Vizan, il semble désormais acquis qu’une énième révolution de Palais a cet hiver installé sur le trône de Jade la personne d’Ymre Tsashano. Ce jeune noble aurait fait récemment fortune dans les affaires maritimes mais son comportement sobre, voire ascétique, n’a rien de celui d’un marchand fortuné et détonne même dans une cour aussi splendide que celle de Vizan. D’invérifiables rumeurs indique que le jeune Ymre aurait beaucoup étudié à Zevjapuhr. Le nouveau monarque s’est fait remarquer par une ascension aussi fulgurante que sanglante ayant conduit à l’élimination physique du tiers des courtisans de la capitale au cours de ce que les Tresans appellent la Révolution des Arènes, Ymre ayant fait exécuter ses ennemis par des gladiateurs des arènes de Tresa.
Surtout, celui qui ambitionne de devenir un nouveau Mûrsul a jeté à bas les institutions califales pour proclamer à sa place le Grand Royaume de Vizan. Il a fait le serment de maintenir intactes les traditions cultuelles, ainsi que les privilèges des mages mais pour le reste apparaît bien décidé à reprendre en main un appareil d’Etat fort dégradé, à réformer le pays et en particulier son organisation territoriale, et à refaire du Vizan une puissance de premier plan. Les appuis de Ymre sont inconnus mais il semble qu’il compte en particulier sur le support des Red Monks, de la Marine, de grandes maisons nobles orientées vers le commerce, et du Green Emperor.
Les premières réformes de Ymre ont porté sur la réfection des routes, la mise en chantier de nouveaux navires, et surtout la mise sous tutelle d’une partie des productions agricoles qui font la fortune des grands nobles fonciers, ce qui donne lieu à une véritable guerre entre le nouveau roi et divers Bashaws du centre du pays d’autant que la plupart des Sheikhs, Rajahs ou Bashaws n’ont pas reconnu Ymre pour leur monarque. L’issue de ces conflits s’avère donc très incertaine car les caisses de l’Etat sont archi-vides et le pays est même lourdement endetté auprès de banques de Zevjapuhr et d’Avros.
Aux toutes dernières nouvelles il semblerait que le nouveau grand roi ait réussi à rallier à lui tout l’ouest du Vizan, notamment le Soshan et Anhabad, ainsi que les marches orientales et la Vallée des Trois Ecoles ; de ce fait, ses adversaires se concentrent dans le centre du pays, position stratégique dont ils ne parviennent pas à tirer avantage car dépourvus de coordination et fort dispersés. La Marine, fidèle à Ymre, bloque les côtes et en particulier Zahrpuhr, coupant les rebelles de tout accès extérieur, dans ce qui ressemble un peu à un siège du centre par la périphérie. Les augures de 5223 apparaissent donc plutôt favorables à l’entreprise de reconquête de son propre pays menée par Ymre Ier.
Les risques inflationnistes continuent d’inquiéter le Congrès de l’I.T.G. réuni en session annuelle à Evriand City. Le Congrès a constaté que des poches de richesse : l’Ilnaëmber , le Sablern, le Zevjan, le Soshan, le Sunmarch, le sud du Ritterland, ou encore Avros continuent de créer un appel à la hausse des prix désormais accru par une tension extrême sur les denrées agricoles.
Pour combattre ces risques, L’I.T.G. a décidé de monter son taux de référence du réescompte à 18%, ce qui met de facto en faillite des pays comme l’Isenheim, Marn, le Kohrland, ou le Vizan. Financièrement, le Wejlar ne tiendrait pas sans le soutien du R.C. Evriand. D’autres ont cessé d’exister en tant qu’entité : Arkandahr ou Bervikelt qui ressemblent davantage à des continuations de la Great Anarchy qu’à des pays civilisés ou administrés, mais le renchérissement du crédit étrangle ce qui, dans le commerce de ces contrées, les reliaient encore à la civilisation.
Au cours d’une cérémonie de commémoration de l’Ohar’s Scroll à Dere, le Haut Roi Carinlad a publiquement fustigé l’hypnose des humains par les richesses matérielles. Il y a deux mondes qui s’ignorent : celui des argentiers, et celui des subsistants, a-t-il déclaré. « On se croirait au Paradis selon Asmodeus : hommes, est-ce donc cela que vous avez fait de vos empires ? »
Wejlar et Evriand semblent avoir réussi à établir des liaison maritimes permanentes avec le Beliand au départ de Ley Harbor et Blackrum, brisant ainsi le monopole de facto de Portown et Uviell. Certes, les quatre cinquièmes du commerce avec ce pays d’outre mer continuent de passer par la cité libre. Néanmoins, cette nouvelle est peut-être à rapprocher d’une certaine activité diplomatique portownianne observée ces derniers temps, avec la visite de l’ambassadeur Sir Starfen Cräkehill en Miribar, Kohrland, Southend, Zevjapuhr, Okhpuhr et Soshan.
L’Almanach Oghmaïch : Selimnel Frëa, Hera Jazan serv. Oghma, Aldebert Fouineau