Quinze (meilleures ?) aventures classiques de D&D

16 juin 2014 par Kazz → Non classé
Cette liste a été établie à partir de celle des 30 parue en novembre 2004 dans le n°116 de Dungeon Magazine selon un jury comprenant notamment Ed Greenwood, Bruce Cordell, and Monte Cook. Jury réuni par WotC qui n’a retenu qu’une seule oeuvre hors de leur catalogue…. Comme je me suis trouvé en profond désaccord avec leur ordre de préférence et même avec l’inclusion de certaines aventures j’ai fini par décider d’en établir une à partir de cette nomenclature (et ainsi suivi leur choix d’agréger les séries : GDQ, U1-3, A1-4 etc…).
Ces aventures sont toutes des classiques des D&D originel et AD&D 1e et 2e édition qui ont été publiés au siècle dernier sauf une conçue au XXe siècle mais dont je dispose seulement de la date de réédition (2001) après sa conversion en D&D 3e édition. Pareille liste est évidemment subjective, incomplète, contestable ; c’est le principe même de la chose. Mais enfin, après 30 et quelques années, on dispose aussi d’un certain recul pas inutile, même si certains modules qui auraient sans doute mérité une mention ne sont pas suffisamment présents dans mon souvenir.


1. Tomb of Horrors (S1), Gary Gygax, 1978
Faut-il le présenter ? L’archétype de la parfaite aventure linéaire. Le moment de grâce absolue de Gygax. Une perfection de parcours, d’intrigue, de pièges. Si un module est génial, c’est celui-là. Une référence qui va à mon avis au-delà du seul D&D et du seul jeu de rôle. Espérons qu’Hollywood ne s’en empare jamais.

 

 

2. Dark Tower, Paul Jaquays, 1980
L’intrigue à la fois simple et riche, la complexité et la variété des possibilités offertes aux joueurs, et l’énoncé de ses seules composantes (mais pas de spoilers ici) suffit à en faire le premier vrai chef d’œuvre du donj’ souterrain. A l’époque, aucun module n’approche ni même n’ambitionne une gestion de l’espace laissant aussi libres les personnages de leur aventure tout en collant étroitement, conditionnant même, le parcours, et le tout sans jamais en avoir l’air. Aucun module de cette taille n’offre une histoire aussi souple, s’adaptant parfaitement au développement ou à la réduction selon le gré des joueurs et le déroulement de l’aventure. Intrinsèquement Thracia pourrait apparaître meilleur, parce que ne recourant pas à la « closed box ». Mais l’équilibre, la profondeur, l’efficacité de Dark Tower demeurent inégalables. Ce n’est pas seulement un module à jouer ou vivre, c’est une vraie leçon de design. Que n’a-t-on étudié Jaquays au lieu de vendre du sous-Hickman !

3. Ravenloft, Tracy Hickman, 1983
Au moment de sa création, un coup de tonnerre : l’irruption de l’horreur gothique en D&D, non plus limitée aux seuls monstres mais base d’un contexte global qui en tire le meilleur parti. Alors il y a bien entendu des défauts : la closed box, le focus mono-maniaque sur une imitation quasi servile de Dracula, un équilibrage qui laisse parfois à désirer. Mais, et c’est le propre des chefs d’œuvres, ces défauts, pour une fois, concourent à la réussite du résultat au lieu de lui nuire. Tout est excusable quand il s’agit de produire une merveille, et c’est bien une merveille qu’ici on obtient. Une intrigue détaillée aux petits oignons, un parcours extrêmement difficile par sa subtilité et ses exigences, le bonheur des cartes isométriques : décidément tout concourt à faire de ce module, l’un des plus difficiles jamais publiés pour AD&D, un chef d’œuvre insurpassable.

4. The Caverns of Thracia, Paul Jaquays, 1979
Le second chef d’œuvre de Jaquays, second parce que l’intrigue est moins élaborée que celle de Dark Tower et les dernières étapes moins soignées. De même, l’équilibre local est lui aussi légèrement moins bon. Il ne faut pas oublier que c’est le premier « gros » donj de Jaquays, et aussi l’un des tous premiers de cette taille jamais publiés. Néanmoins, l’architecture spatiale de Thracia est encore plus impressionnante que celle de Dark Tower, et cette fois sans closed box. Surtout, Thracia présente toute l’étendue de la créativité de Jaquays, mélangeant inspiration personnelle et transposition avec une harmonie ridiculisant les imitateurs d’Egypte ou de Grèce qui ont ensuite tant sévi dans tant d’aventures de jeux de rôles. Quand on lit ou surtout relit cette aventure avec trente ans de recul, il est stupéfiant de réaliser qu’on n’a rarement sinon jamais fait mieux depuis en matière de contexte souterrain. Certes, des jolies histoires, des intrigues complexes et super-léchées, il y en a eu ensuite. Mais c’est une chose d’inventer une histoire et c’en est une toute autre que de favoriser l’invention d’une histoire par d’autres. Aucune aventure ne table autant que Thracia sur la liberté des joueurs non pour dérouler un scénario connu d’avance mais pour élaborer en commun ce qui va se passer. Créativité, liberté, dangers multiples… Thracia est un emblème de ce que Grognardia appelle l’âge d’or du D&D.

5. The Keep on the Borderlands (B2), Gary Gygax, 1979
Sans doute la plus juste, la plus équilibrée, la plus riche, la plus idéalement conçue des aventures de premier niveau de joueurs et de personnages, même encore aujourd’hui, alors que l’une des plus anciennes. Tous les débutants arbitres ou joueurs doivent un jour ou l’autre passer par le Keep de Papa Gygax, ici à son zénith de designer. KoB est une aventure qui reste, qui fait souvenir alors même qu’on a franchi 10 niveaux supplémentaires. Si l’on devait jouer de sa vie qu’une seule aventure de D&D, ce serait sans doute celle-là. Et que le même Saint-Gygax ait écrit Tomb of Horrors et cet idéal de set-up initiatique dit vraiment tout de ses fabuleuses capacités scénaristiques.
Cette aventure a eu une sorte de bis repetita avec le Horror on the Hill (B5) de Doug Niles, presque aussi bon. Les deux offrent un set-up idéal pour lancer une campagne.

6. White Plume Mountain (S2), Lawrence Schick, 1979
Tout a été dit sur ce module archi-connu, qui a même eu l’honneur d’un « Return to » plutôt passable. C’est LA réalisation de Schick, qui n’a apparemment jamais publié d’autre aventure. L’invention du triple mono-parcours, une intrigue minimale, une architecture générale basique de chez basique, alors quoi ? Comment ce module est-il devenu mythique ? Parce que ça marche. C’est ultra-simple et parfaitement réalisé ; surtout c’est ça, juste ça et tout ça qu’on veut, au fond, à la base, en AD&D. La quête, l’énigme, l’affrontement, la solution, la carotte. Et ça, White Plume le fait parfaitement. Si Saint-Exupéry a raison en écrivant « Il semble que la perfection soit atteinte, non quand il n’y a plus rien à ajouter mais quand il n’y a plus rien à retrancher » alors White Plume Mountain atteint la perfection d’un module AD&D.

7. Rappan Athuk, Bill Webb, 2001
Le mega donj’ par excellence, lui et nul autre. Car Bill Webb a réussi là où tant d’autres, dont les plus grands : Kuntz, Gygax, Greenwood, ont échoué. Je veux bien que Castle Greyhawk existe mais ça fait plus de 30 ans qu’on en attend la preuve. C’est bien joli de vendre Undermountain mais encore faut-il le peupler, lui donner une intrigue qui tienne la route sur 15 niveaux, et une histoire à comprendre sans devoir se taper une dizaine de bouquins complémentaires. Et ça devient fatiguant d’entendre Kuntz évoquer tous les cinq-six ans les 16 ou 18 niveaux de Castle Maure / El Raja quand il n’a jamais été capable d’en publier la moitié d’achevée.
Webb, lui, il l’a fait, son méga donj. Et si bien fait qu’on dirait parfois du Jaquays. La richesse de Rappan Athuk est véritablement stupéfiante, inégalée, tellement énorme que le designer jette en pâture des matériaux avec lesquels d’autres feraient dix modules complets. Rappan Athuk, c’est mille aventures possibles, mille histoires à développer. Ce module est si vaste, si riche, si ouvert, qu’il est quasiment impossible à jouer exhaustivement. Alors peu importe que ça ne se raccorde pas toujours parfaitement, que l’entrelac des sous-histoires puisse parfois déboussoler ou égarer. Rappan Athuk c’est le pur D&D façon Judges Guild porté à son plus haut. Timides et timorés, passez votre chemin ; vrais arbitres, venez avec votre Stradivarius, la partition le vaut.

8. Return to the Tomb of Horrors, Bruce Cordell, 1998
Bruce Cordell a réussi un défi en forme d’hommage à la meilleure aventure écrite par l’un des deux créateurs du jeu de rôle ; c’est déjà un exploit en soi. Mais il a surtout produit une campagne à la fois fidèle à l’esprit Gygaxien sans jamais le caricaturer et d’une richesse très remarquable du développement et du matériau. Reste, comme souvent chez Cordell, quelques erreurs qu’il faut corriger sous peine de ruiner le module. Mais faire sentir, du début à la fin, le parfum de Tomb of Horrors, et cette manière…. ben fallait le faire ! Gygax (qui l’a applaudie) n’aurait sans doute pas mieux réussi pareille entreprise. Car en réparant  le caractère isolé et exceptionnel de l’aventure de Gygax, Cordell lui donne une nouvelle dimension. Ce n’est pas tant Return to ToH que ToH reloaded & expanded. Un vrai exploit de design.

9. Against the Giants / Queen of Spiders (GDQ), Gary Gygax & Donald Sutherland, 1977-86 L’aventure fondatrice, créatrice, définissant toutes les autres. Vous vouliez savoir à quoi ça ressemble une grande expédition souterraine : ben voilà, jouez et admirez. Il y a des défauts, des manques, des temps faibles mais la croisade gygaxienne contre géants et drows, fourmillante de trouvailles, reste LA base de toutes les aventures de tous les jeux de rôle, sur table ou sur ordinateur, qui la suivent. Elle demeure aussi un magnifique challenge tactique, d’intrigue, décisionnel. En ce sens, elle est, authentiquement, géniale.
Le problème, c’est le Q de GDQ. Le final de cette vaste suite est rempli de fautes, voire d’anti-design. Or c’est le final d’une suite qui s’étend sur pas moins de six modules(dont un D1/D2 somme toute un peu plus faible que le reste mais ça passe). On sait que Gygax brade le bébé en le refilant à Sutherland qui n’a jamais rien designé de sa vie pour mieux ne pas se consacrer à ToEE  puisque c’est Mentzer qui s’y colle. Résultat, deux aventures un peu gâchées sur les bords, mais seulement sur les bords. Car on n’a pas vraiment joué à D&D si l’on n’a pas « fait » G1,2,3 D1, D2 et D3, l’incroyable D3 qui donnait tant à espérer du final.

10. When a Star Falls (UK4), Graeme Morris, 1984
Je n’arriverai jamais à comprendre comment ce module a pu passer à ce point inaperçu. A mon sens, il possède l’une des plus belles intrigues jamais réalisées pour AD&D, aussi efficace que poétique. L’équilibrage des difficultés est parfait, la diversité parfaite, le parcours parfait… Joueurs et arbitre ont adoré. Décidément je ne comprends pas : when a star falls est une perle tombée dans un oubli très injuste.

 

11. Castle Amber (X2), Tom Moldvay, 1981
Une aventure semi-délirante, pleine d’humour au second degré, émaillé de superbes trouvailles : un vrai petit bijou de Tom Moldvay. Ce module nécessite de bien s’accorder à son set-up, il faut le « sentir » autant que l’apprendre et comprendre pour bien le faire jouer. L’aventure repose sur un mélange surréaliste extrêmement bien dosé avec des difficultés de très haut niveau, d’où un rythme qui représente un challenge d’autant plus redoutable qu’il n’en a pas l’air. Enfin, le côté frenchy du set-up offre un petit plus bien marrant. Bref un joyau, unanimement salué dès sa parution, qui offre de sacrés bons moments.

12 Tegel Manor, Bob Bledsaw, 1977
J’évoque ici la version de 1977, l’originale. Je ne sais pas comment l’aventure a éventuellement été complétée par la suite. De Tegel Manor, James Maliszewski écrit qu’il l’apprécie en antidote à la tendance post Hickman (et j’ajouterais hickmanienne) de réduire l’aventure à un véhicule d’une « histoire ». Je partage son avis. Tegel Manor, c’est aussi la plus belle carte de l’histoire du jeu de rôle. Et Tegel Manor, c’est 240 salles dont la quasi totalité sont décrites en l’équivalent d’une ligne en Times 12 papier A4.
Tegel Manor est une mine de richesses dont la profusion ne se compare qu’à Rappan Athuk ou Dark Tower. Dans son état originel, c’est une aventure pré-gygaxienne, une des seules qui existent, qui donne la mesure d’avec quoi et comment se jouait le jeu de rôle médiéval fantastique originel. Elle donne aussi la mesure du rôle majeur de l’arbitre, de la liberté laissée aux joueurs, de la place fondamentale laissée à la créativité et à l’improvisation des joueurs, DM y compris. On peut faire de ce module la meilleure aventure jamais jouée en D&D ou un ramassis d’emmerdes aussi incohérent que lassant. Le Tegel Manor de 1977, c’est le plus gros diamant brut de l’histoire du jeu de rôle.

13. The Sinister Secret of Saltmarsh (U1-3), Dave J. Browne & Don Turnbull, 1981-83
La série des U est une petite merveille que tout DM devrait avoir joué ou arbitré. C’est simple, juste, efficace, équilibré… comme pour Jaquays, une vraie leçon de design. Reste, parfois, le style « british » du D&D de cette époque, c’est à dire un peu parcimonieux, mais qui a parfaitement vieilli d’autant qu’il préfigurait l’évolution des règles. Peu d’aventures d’AD&D me semblent aussi idéalement destinées à une adaptation par exemple en Pathfinder…

14. The Book of Treasure Maps I, Paul Jaquays, 1980
Cinq petits modules de Jaquays de qualité variable, mais dont deux : Lone Tower et Tombe d’Aethering, valent vraiment le détour. Lone Tower, en particulier, sublime et méconnue, possède une poésie sous-jacente rarement rencontrée par ailleurs. Par la suite, ce type de matériau sera pillé, exploité, parfois imité jusqu’à la servilité dans les pages de Dragon ou Dungeon Magazine. Il faut toujours préférer les originaux.

15. The Temple of Elemental Evil (T1-4), Gary Gygax & Franck Mentzer, 1985
Il est aussi difficile d’inclure T1-4 que de ne pas l’inclure dans une telle liste. Hommlet est une démonstration supplémentaire de la capacité gygaxienne à sa perfection. Ce T1, à lui seul, pourrait figurer dans le top 10. Mais la suite n’est pas du même niveau, même si l’idée fondamentale demeure excellente et le parcours souterrain remarquablement pensé. Il y a quelque chose d’à jamais inachevé dans ToEE, ce que Mentzer jamais su ou pu remplacer.

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