Le Vieux Royaume des Hommes a connu bien des vicissitudes pendant ses millénaires d’existence. Depuis des siècles, le Wejlar est revenu à ses terres d’origine, borné par le Wejlenfjord au sud et par les Ered Krynner à l’est. Il est aussi tombé bas, très très bas, au point de frôler la disparition, n’intéressant plus personne, à la marge géographique et sociale de marche du monde.
LA FIN DES ROIS OLANIQUES
Faiblesse de la Couronne, forces des fiefs
Le problème historique du Wejlar est bien connu : la faiblesse de sa centralisation et de son appareil d’Etat. Dès Coron II, l’Empire Naëmbolt a su éviter cet écueil en s’inspirant de l’administration bien plus rigide qu’avaient développée le Kelnore ou le Vizan.
La rébellion d’un tenant de fief wejlan n’est en effet pas sanctionnable en tant que telle ; il peut refuser l’impôt au-delà du vingtième, l’ost au-delà des quarante jours l’an, ou encore opposer son veto à l’application sur ses terres d’un édit royal, et ainsi pratiquement contrecarrer toute action extraordinaire du pouvoir royal. A ce dernier, alors, de l’y contraindre par la force : c’est la guerre privée du roi, contre lequel le noble peut alors prendre les armes afin de se défendre, à moins que l’unanimité des autres membres du Conseil ne se prononce contre lui.
Cette sorte de droit à la rébellion nobiliaire explique une grande part la vulnérabilité historique du Wejlar face à l’étranger. Compte tenu du goût pour l »indépendance et de la diversité des intérêts des grandes maisons de Wejlar, il s’est avéré plutôt rare que tous ces intérêts coincident avec ceux de la Couronne en cas de crise extérieure. Or, en pareil cas, le roi a par définition autre chose à faire que de s’occuper à mater un noble récalcitrant. Moyennant quoi le roi n’obtint souvent qu’un soutien partiel, représentant parfois moins la moitié de son pays, à opposer à ses ennemis. Le Grand Wejlar ne fut pas un géant aux pieds d’argile mais un géant unijambiste.
La découverte de l’impôt monétaire a profondément changé la société wejlane au bénéfice des grands féodaux qui ont été les premiers à en tirer profit. Pendant des siècles les grandes maisons nobles de Wejlar se sont enrichies en percevant des taxes dont elles ne reversaient qu’une partie dérisoire à la Couronne, s’abritant derrière des coutumes locales ou l’absence de services fiscaux afin de frauder. L’affaiblissement corrélatif du pouvoir central, déjà peu développé, a mis le Wejlar entre les mains des plus puissantes de ces maisons qui dominaient le Conseil de la Noblesse et par lui la Couronne. Princes, Ducs ou Comtes de Barandor, Belano, Arthus, Meindes, Swanria, Reedence, Dariolan eurent tour à tour la mainmise sur l’Etat, traitant directement les questions de finance et d’équipement, négociant avec les Guildes et Cités, gouvernant de fait le pays et son roi. Le vrai maître du Wejlar était son Chancelier comme le vrai maître de la Couronne était le Chambellan de la Maison Royale. Beaucoup de ces maisons nobles possédaient des fiefs ou terres dans d’autres pays qu’elles avaient conservé lors du reflux du Wejlar. Ainsi la maison de Barandor par sa branche Merendor gouvernait-elle l’Ithylian ; la maison de Dariol possédait presque autant de terres en Isenheim qu’en Wejlar. Le domaine des Belano équivalait à la superficie de l’Evriand. La maison Meindes était souveraine en Southend. Celle de Ganarbe possédait des fiefs en Kohrland, celle de Reedence en Evriand, celle d’Arthus était duchesse de Maelner, celle de Ravenspur régna sur le Beliand, celle de Swanmere avait d’énormes intérêts à Zevjapuhr. Et il arrivait assez souvent qu’elles exploitent les ressources du Wejlar pour favoriser leursintérêts particuliers. Surtout, cette puissance des maisons nobles se répercutait sur le citoyen qui se pensait tout autant Wejlan que, par exemple, Swanmerian ou Reed. Mais certains de ces grands Chanceliers, Xhan puis Jaime IV Belano, Edward V puis Jonathan II Meindes, Ulfric VI Barandor, Galwarth de Reedence, furent aussi de grands serviteurs de l’Etat qui surent doter le pays de forteresses royales et d’un ost bien équipé et militairement très capable, qui veillèrent à protéger les ordres de chevalerie défenseurs des marches du nord-est, qui pensèrent à développer certains ouvrages d’arts et installations portuaires, qui s’attachèrent à investir sagement et à faire prospérer l’argent de la Couronne. C’est ce qui va permettre au pays de surmonter finalement la Great Evil Coalition, laquelle porte au Wejlar un coup qui aurait pu s’avérer sinon définitif.
Cependant, l’une des plus importantes conséquences de la G.E.C. en Wejlar consiste en l’extinction de la Maison de Strongheim, dernière descendante des rois Olaniques qui pouvaient tracer leur ascendance jusqu’à Olan Ier : les deux héritiers mâles du dernier roi Johan XIII meurent au combat contre des monstres, ne laissant à leur père que leur jeune sœur Hermionne. Celle-ci, au moment où elle devrait hériter du trône, s’abandonne à une crise d’adolescence carabinée où elle déteste son père, sa mère et la Cour tout entière, trouvant tellement plus intéressant et exotique un beau prince à la peau mate rencontré à l’Opéra de Cryge-Haven où il oublie l’ennui du Beliand comme elle celui du Wejlar. Pour cette jeune fille, le Wejlar c’est les orcs et la mort de ses frères, c’est un père étouffant d’aigreur et une mère glaciale comme les neiges de son pays, c’est servir de transmetteur dynastique et pondre des bébés au profit d’un grand guerrier roux qui manie une hache ensanglantée.
Le choix d’Hermionne d’épouser un vizaner ouvre une longue crise dynastique dont profiteront des nobles, des usurpateurs, et surtout un systèmes étranger : le protectorat Vizaner imposé pendant plus d’un demi-siècle au royaume gouverné depuis la nouvelle capitale de Vizinov, construite de toutes pièces à cet effet.
La crise de 4911
La dynastie Olanique sombrait dans des chamailleries incessantes dégénérant en autant de mini-guerres civiles bien avant que Johan XIII, dernier roi de la maison de Strongheim, ne meure sans savoir sa fille de quinze ans a secrètement épousé à l’étranger le Prince Vizaner dont elle est tombée amoureuse. Le roi est à sa mort très déconsidéré et affaibli, ayant joué vainement les Cassandre tout au long de son règne pour finir en ayant perdu Ganarbe et le nord-est du pays aux mains des monstres de la G.E.C.
Edmar de Clev, fier guerrier et seul général wejlan à avoir vaincu le chef ennemi Parhuskol et ainsi arrêté les envahisseurs venus de Ganarbe, était un lointain cousin du défunt monarque. Il se déclare roi en 4911 après avoir plus ou moins subtilisé le Sceptre toute en prétendant à la main, qu’il croit encore libre, de sa princesse Hermionne. Son rival est Rimrë de Dariol qui détient la Ceinture que lui a remise l’épouse du défunt monarque et se proclame avec la bénédiction de celle-ci descendant de la Maison de Strongheim. Le tout nouveau mari d’Hermionne Strongheim, le Prince-Sheikh Epoumandre Shotoka, possède la Couronne qu’a réussi à lui conserver son épouse folle amoureuse. Epoumandre a la sagesse de ne pas se proclamer roi et d’attendre tranquillement que les deux autres prétendants, qui le méprisent trop pour s’en prendre à lui en premier, achèvent de s’entretuer, pendant que débarque à Portown par petits groupes une imposante armée Vizaner.
Une fois que les deux rivaux légitimes se sont réciproquement affaiblis, il passe brutalement à l’action : tandis qu’une armée d’orcs et autres monstres s’empare de Clev, il prend Dariol d’assaut, confie le Duché de Dariolan à une branche cadette, la famille Remshel, en échange du Sceptre, qu’il laisse d’ailleurs à leur garde. Toutefois, il a la déconvenue d’apprendre à Dariol que le Conseil de Wejlar a entretemps proclamé roi Edmar de Clev. A titre hélas posthume car on apprendra plus tard qu’à ce même moment Edmar a déjà été servi à dîner aux trolls qui occupent les ruines de son castel.
Ainsi désavoué, Epoumandre n’a d’autre choix que de se proclamer à Dariol Vice-Roi de Wejlar au nom du Roi des Rois de Vizan Nekarion Shotoka avant d’affronter aussitôt une vaste rébellion menée par Cradmar de Clev et Joss de Juliand, respectivement demi-frère et cousin du dernier roi (encore aujourd’hui la Maison de Juliand s’estime la véritable héritière du trône). C’est le début d’une longue suite de guerres intestines menées pour la plus grande joie des orcs qui remercient ironiquement les humains de faire le travail à leur place. Ce n’est qu’en 5020 que le vice-Roi Bradzhô Shotoka finit par imposer le nouveau pouvoir après avoir dû décapiter pratiquement le tiers des maisons nobles du Conseil de Wejlar. Bradzhô a la sagesse de s’appuyer sur quelques alliés et grands survivants : Dariol, Krynn, Chemnarg, Goodfield, et surtout Kalderland, pour créer une sorte d’union sacrée contre la Great Anarchy qui contrôle alors toujours près de la moitié du pays. Même s’il ne réussit pas à reprendre Ganarbe ni même Clev, Bradzhô montre ainsi que l’armée vizaner ne sert pas qu’à vaincre les nobles wejlans mais qu’elle peut aussi protéger le pays.
CRISES ET NOUVEAUX REGIMES
La période Vizaner
Cette soumission politique au Vizan va durer approximativement un siècle et demie. Bien que honni par l’énorme majorité de la population le bilan des vice-rois de Vizinov comporte pourtant des points positifs. Négligeant délibérément l’ouest et nord du pays, le protectorat vizaner a tablé sur un développement du sud, centré autour de l’Inwejle, qui devait constituer un noyau capable dans un second temps d’entraîner le reste du pays. A cet effet, l’Inwejle fut doté d’une infrastructure qui n’a rien à envier et s’avérait parfois même en avance sur celles de ses voisins. Cette politique reposait sur un axe Dariol – Vizinov – Lastbridge compensant le chapelet de bourgs et cités qui longent le Wejlenfjord en regardant traditionnellement au sud et dont le commerce bénéficiait plutôt aux voisins de l’Evriand et de la Confédération qu’au reste reste du Wejlar. Des trois villes composant ce nouvel axe, deux : Vizinov et Lastbridge, dépendent directement de la Couronne. Cette innovation de cités échappant à l’autorité nobiliaire et le choix de s’appuyer principalement sur la maison de Dariolan entraîna des conflits incessants avec les autres maisons nobles aussi inquiètes du surgissement d’un pouvoir centralisé qu’indignées par la préférence qu’il accordait à l’une d’entre elles.
Cette inquiétude trouva un premier relais dans une population chauffée par une réaction xénophobe et un choc culturel envers ces sudistes aux moeurs étranges qui détenaient le pouvoir. Qu’est ce que cet autocrate exigeant une obéissance aveugle et absolue sans même droit à la moindre parole divergente tout en se promenant en sandales de cuir et robes de soie ? Qu’est-ce que ces coutumes de se pomponner – parfumer – maquiller à l’aide d’huiles, onguents et fragances étrangères en absorbant des plats si épicés qu’on se sait plus ce qu’on mange quand ça n’arrache pas carrément la gueule. Qu’est-ce que ces roturiers sans autre légitimité qu’une armée d’esclaves qui prennent de haut les ancestrales maisons de Wejlar tout en ouvrant leurs bras à des chanteurs et des bardes, qui imposent silence aux antiques barons et preux chevaliers pour mieux écouter des savants et lettrés surgissant d’on ne sait où, qui ne croient ni en Ukko ni en Silvanus ni en Hadès mais en ces principes dont personne n’a jamais vu la moindre manifestation, qui tiennent le sortilège en plus haute estime que l’épée. Qu’est-ce que ces coutumes négligées, ces libertés enfreintes, ces privilèges bafoués par des parvenus qui font de l’argent avec du vent et des écrits à propos tout et n’importe quoi ? Que cette administration nouvelle, omniprésente, tatillonne et corrompue ? Que ce palais dépourvu de la moindre fortification mais garni d’ouvertures, de plantes, des salles et de chauffages ? Que ces prévôts qui parlent peu mais calculent tout, ces ministres qui préfèrent le carrosse à l’armure, ce souverain plein de vices et même pas roi ?
Un second relais fut suscité par la violence du vice roi et de son administration à l’encontre des récalcitrants de toutes origines. Accoutumés à un pouvoir central fort et incontesté, les vizaners ne prirent jamais la mesure de l’importance des prérogatives locales et libertés ancestrales des wejlans. Les règnes des vice-rois sont jalonnés de jacqueries et rébellions de toute sorte, partout et incessantes, appelant autant de répressions sanglantes. Des maisons illustres, dont l’origine remonte aux plus anciens temps de l’humanité, telles Belano, Barandor, Berents ou Arthus se retrouvèrent littéralement éradiquées et leurs terres et possessions confisquées. Malgré d’incontestables réussites en termes d’infrastructure et de prospérité commerciale, et bien qu’ayant doté le pays d’un embryon d’administration moderne et compétente, le pouvoir vizaner ne parvint jamais à dissiper une méfiance réciproque qui mettait en pratique les deux tiers du pays hors de son contrôle. L’exemple des attributs royaux illustre bien le fossé prévalant alors entre le pays et son gouvernement. Bien que dépourvu de deux d’entre eux : le sceptre et la ceinture, aucun vice-roi ne s’est jamais soucié de les réunir, n’y voyant qu’inutiles superstitions locales auxquelles sacrifier aurait remis en cause la légimité du nouveau pouvoir, tandis que le peuple et les nobles y voyaient au contraire la preuve de l’illégitimité de ce même pouvoir, preuve d’autant plus irréfutable qu’elle demeurait constante.
Les nouveaux rois
C’est la conquête de ces attributs par un aventurier en conjugaison avec une révolte des derniers nobles qui chasse en 5167 les vizaners du pays. La bataille de Bucklry, cinquante ans plus tôt, a d’abord privé le Vizan de sa force de frappe offensive, avant de le priver de sa volonté offensive ; il ne se consacrera plus qu’à ses traditionnelles guerres contre le Farxel, abandonnant ses possessions lointaines à leur sort. Privé de l’assistance du trône de jade, le Vice-Roi de Wejlar devient un épouvantail qui ne fait plus peur à grand-monde et dont le pouvoir vermoulu finit par se limiter à la seule cité de Vizinov, laissant son pays de facto administré par les féodaux. Le dernier Vice-Roi, Vashiram Pradhel, s’enfuit sans tambour ni trompette, mais aussi sans effusion de sang, tandis qu’approche de Vizinov un seigneur de guerre qui porte la Couronne, le Sceptre et la Ceinture.
Monte ainsi sur le trône Zeffen, le roi-aventurier, qui ne règne toutefois que huit ans avant d’être assassiné avec sa famille et la plupart de ses proches dans des conditions demeurées mystérieuses, non loin de Wejlara, l’antique capitale qu’il projetait de faire renaître. Le règne de Zeffen Ier est étrange. Il distribue des fiefs à ses amis et partisans, il fait bénéficier le pays de sa fabuleuse richesse personnelle, il a la légimité des Attributs, du charisme et de la volonté, et pourtant il n’est pas aimé. Il veut bien faire mais il n’est pas entouré de grands ministres et n’a aucune connaissance du métier de roi. Les nobles ne le contestent pas mais lui battent froid. En réalité, rien ne change pendant la plus grande partie de son règne. Les nobles continuent d’administrer leurs fiefs et Zeffen fait l’apprentissage sur le domaine royal de ses capacités de monarque. C’est paradoxalement alors qu’il est enfin prêt, et lance sa grande ambition pour redévelopper le nord du pays, qu’il est brutalement et mystérieusement assassiné hors de Wejlara, alors qu’il se préparait à inspecter le Berents.
Suit une période de chaos, où les Attributs Royaux sont volés puis dispersés jusqu’à être retrouvés et réunis par un comte d’Empire, lointain cousin de la famille Naëmbolt, ayant décidé de quitter sa résidence en Walder pour s’occuper des neiges wejlanes. L’actuel roi Rhunring monte sur le trône par ce qui ressemble plutôt à un coup de force qu’à une accession légitime. On lui prête le soutien d’aventuriers étrangers, de mages vizaners ; on voit en lui la main du Naëmbolt, l’ombre du Shotoka…. Rhunring est donc immédiatement contesté au sein des familles nobles survivantes dont la plupart appellent à l’élection d’un nouveau roi ; on lui reproche une origine étrangère aggravée par le fait qu’il n’a pas par lui-même conquis les attributs royaux. D’emblée, le règne s’annonce mal car totalement impuissant face aux seigneurs de Wejlar coalisés contre lui.
Paradoxalement, la chance de Rhunring fut le malheur du monde : les Lich-Kings. Afin de survivre, le Wejlar dut faire face à l’ennemi et s’unifier sous la bannière du roi, même nouveau, même bizarre, même étranger, même soutenu financièrement par le Naëmbolt. Grâce à quoi le Wejlar réussit à bloquer à la double menace de la Great Anarchy et des Lich Kings tout en conservant l’essentiel de son territoire. Cet incontestable succès militaire scella la légitimité du roi Rhunring dans le peuple, notamment les milieux bourgeois, ainsi qu’au plan international. Après quelques années, la Couronne obtint le soutien de suffisamment de maisons : Krynn, Reedence, Swanmere, Goodfield, Kalderland, Arthus, Barandor, Meindes, pour enfin réunir le Conseil des Nobles de Wejlar sans y être minoritaire.
Rhunring est l’un des grands vainqueurs de l’effondrement des Lich-Kings. Il a eu l’intelligence de nouer une étroite alliance avec l’Evriand, pressentant que ce pays deviendrait sous l’impulsion de sa Reine Melkria une puissance nouvelle. Il conserve une alliance défensive avec le Lowenland et une alliance implicite avec l’Empire. Il a gardé d’excellentes relations personnelles avec le Roi Karl-Maria de Marn, en souvenir du temps où ils étaient à la tête des seuls deux Etats résistant activement aux Lich-Kings. La reconquête de Ganarbe, opérée grâce à la Reine Melkria d’Evriand, a catapulté son prestige en Wejlar à un niveau inouï, l’érigeant en figure historique vivante. Il a impulsé une politique maritime dont les ports de Lastbridge et Blackrum bénéficient, collaboré à une intensification du commerce avec l’Evriand qui porte ses fruits, investit dans le développement économique du nord notamment bois, fourrures, minéraux, huiles, goudron, graisses, cires. Ce règne qui s’annonçait si mal serait-il un grand règne ?
Le Wejlar sous le règne de Rhunring
La société wejlane continue cependant de reposer sur l’ancien socle de la haute féodalité. Tout homme libre dépend d’un fief ou d’une ville libre, ou de la Couronne, qui lui doit protection, secours et justice, en échange de quoi il est redevable de corvées. Cette situation varie cependant considérablement selon les fiefs et provinces. La Couronne, les villes libres, et certains fiefs : notamment Swanmere, Dariolan, Reedence, ont remplacé la corvée par l’impôt monétaire, éventuellement payable en jours de corvée. A l’inverse, d’autres fiefs ignorent jusqu’à la notion d’impôt : Danth, Clev, Ravenspur, Kalderland. Certains mélangent les deux systèmes : Barandor, Todd, Meindes, Arthus. Néanmoins, l’ensemble de la société, depuis les rois Zeffen et Rhunring, tend à se “moderniser” à devenir semblable en moeurs et organisation à ce qui prévaut en Evriand ou Heart impérial.
A cet égard le roi Rhunring, se souvenant avoir dans sa jeunesse suivi les cours de la prestigieuse Faculté de Droit de Blumwald, a mis à profit une faille du système légal protégeant les prérogatives des nobles. Le roi wejlan a en effet de tout temps eu droit incontesté de Haute Justice, y compris contre tout seigneurs autres que ceux de Danth, Krynn, Chemnarg et Goodfield. Cela permet concrètement à tout sujet de Wejlar d’en appeler au roi contre une décision de son seigneur, le monarque statuant alors en sa Cour. Cette éventualité était rarement utilisée avant Rhunring, tout simplement parce que le voyage jusqu’à la Cour était généralement long, coûteux, et hors de proportion avec les enjeux d’un litige, même si certains rois se déplaçaient de temps en temps afin de rendre la justice dans telle contrée du Royaume. Rhunring fit en sorte que dès qu’un noble s’oppose à l’un de ses édits, l’un des sujets du fief de ce noble réclame l’application de ce même édit dans un procès qu’il perdra inévitablement devant son seigneur. Le sujet en question en appelle alors au roi, qui, tout aussi inévitablement, inverse la décision du noble en sa faveur. Ainsi, ce n’est pas l’édit royal prend force de loi dans le territoire du noble récalcitrant par l’intermédiaire d’une décision de justice autorisant de facto quiconque s’en prévaloir, ce qui revient en pratique au même qu’un application forcée. Pour cela, Rhunring dut prendre sur les fonds secrets de la Couronne de quoi soutenir une cohorte d’avocats tous disposés à plaider quasi gratuitement pour le plaignant contre toute décision de noble opposée aux édits royaux.
D’autre part, Rhunring prêche par l’exemple. Les libertés politiques, sociales, commerciales de Vizinov et de Lastbridge, les deux principales cités du domaine royal, sont quasiment celles de Mirba, la plus libérale des villes de l’ouest. Plus généralement, il a su incorporer l’appareil étatique hérité des vizaners à la tradition wejlane, procédant parfois par petit pas en convainquant un noble après l’autre, parfois à coups d’édits autoritaires.
Enfin, il en impose. Ce n’est certes pas un homme de tournois, d’épée, de tambours et trompettes, mais d’une intelligence, d’une culture, d’une habileté politique exceptionnelles, à la fois audacieux et prudent, doué d’un véritable charisme, profondément soucieux de son devoir de roi et incroyablement confiant en son destin. Ce qui lui a gagné, au fil des ans, un noyau de nobles d’une fidélité absolue sur lesquels il peut appuyer son gouvernement : le Roi de Krynnland, les Ducs de Barandor et de Reedence, les Comtes d’Arthus, de Swanria, de Goodfield, les Barons Todd, de Swanmere, de Clev. Il s’appuie aussi sur la bourgeoisie qui lui est reconnaissante de sa protection et aujourd’hui sur son prestige exceptionnel dans le peuple. Son étroite alliance avec l’Evriand cimente un nord-ouest du continent qui peut se targuer de représenter ainsi la quatrième des puissances de Derenworld. Il apparaît comme l’un des plus compétents monarques de Derenworld, celui qui a été capable de refaire du vieux pays des hommes un état respecté avec lequel il faut compter.