UNE HISTOIRE DE L'EMPIRE NAEMBOLT

(première partie)


Empire Naëmbolt des Humains
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Maison de Naëmbolt

NIRAG Ier

Malgré les légendes, les chroniques, les œuvres d’art qui magnifient beaucoup d’anciens empereurs comme Coron III, Cyrus II, Namrodd Ier ou Coron VII, sans doute l’Empire n’a-t-il jamais connu de plus grand souverain que celui qui allait devenir Nirag le Grand.

Le fondateur de la IIIème dynastie Naëmbolt est un bâtard légitimé de Kermegg. Bien que diverses légendes aient desespérément tenté de lui bâtir une ascendance maternelle un peu plus prestigieuse, il semble bien que Nirag soit le fruit des premières expériences amoureuses du Comte de Naù, en l’occurrence avec la fille de sa gouvernante Elma Merillye.
A sa treizième année, le petit Nirag est officiellement reconnu bâtard par son père qui lui fait donner une éducation de chevalier. Auparavant, il a passé une existence de demi-sauvageon dans la forêt de Naù où, cependant, il s’est lié d’amitié avec des Druides et aussi avec un mystérieux Mage de la forêt, un certain Larraka, alors aventurier. Larraka, revenu de quelques campagnes, établit sa tour près de Naù et le jeune Nirag y fait office de page, d’apprenti et de compagnon.
Adoubé chevalier par son père, il est envoyé en service auprès de l’Ordre de Prias où il apprend toutes les techniques et stratégie de combat. Ahabsen, Grand Maître des chevaliers de Prias, remarque assez rapidement les surprenantes qualités du jeune homme qui s’est illustré dans toutes les escarmouches auxquelles il prend part et lui confie le commandement d’une Grand-Lance de Douze Chevaliers avec laquelle il s’illustre à maintes reprises. Dans ses lettres, à Kermegg, Ahabsen complimente tellement le jeune Nirag que son père décide de lui faire donner une éducation complémentaire. Pendant six ans, Nirag fréquente les Universités de Lightown, Evriand, Blumwald, Rwandel. C’est dans cette dernière, alors qu’il étudie la navigation, que le surprend le conflit Thûzz. Son père n’est pas loin et Kermegg le supplie en vain de le prendre à son service dans ses armées. Kermegg n’a que deux fils, Kearn et lui ; il confie Naù à Bruce et va tenter sa chance de devenir Empereur à Ilnaëmb.
Nirag est donc toujours à Rwandel lorsqu’il apprend la mort de son père, défenestré à Ilnaëmb. Le roi d’Eriendel lui ayant fait comprendre que sa présence est désormais peu désirable à Rwandel, Nirag se réfugie chez Larraka, tout près de son demi-frère Kearn resté à Naù. Il tente de dissuader Kearn de relever l’armée de son père mais ce dernier n’écoute pas ses conseils et repart à la guerre non sans lui avoir confié la garde du Duché de Naù. Kearn n’ira pas bien loin : les Thûzz l’écrasent quelques semaines plus tard et, plutôt que de se laisser faire prisonnier, le duc de Naù préfère se suicider. Cyrus pense que la voie est désormais tout à fait libre et s’apprête à revenir au printemps 5046 à Ilnaëmb avec un accord de paix.

Il ne reviendra jamais. Avec l’aide de Larraka et de sept compagnons de sa Grand-Lance des Chevaliers de Prias, Nirag s’introduit dans Blumwald. Il a choisi cette ville car elle coupe les arrières du dispositif Thûzz assiégeant Ilnaëmb. Les Thuzz se préparent à reprendre la ville mais Nirag les sait démoralisés, lassés par de trop longues campagnes. En revanche, lui-même a galvanisé la résistance des Walders. Il a appelé à la rescousses des montagnards des Barriers. Il a réuni autour de lui les restes de troupes de son père et de son demi-frère. Il a fait venir des chevaliers de Prias, des soldats du Heart, des mercenaires et aventuriers de toutes sortes et de tous poils qu’il réussit, avec ce charisme qui deviendra légendaire, à unir en une force disciplinée et unie. Et il n’attend pas le printemps.
Le 12 Taurus, Nirag, proclamé généralissime de l’Empire, réussit une sortie de Blumwald et met en déroute l’armée Thûzz qui l’assiégeait en attendant des renforts pour l’assaut du printemps. Dès le lendemain, sans même fêter sa victoire, il quitte avec toutes ses troupes la contrée et la cité de Blumwald, laissées sans défense, et disparaît dans la montagne. Il réapparaît une semaine plus tard près de Nârzad, ayant suivi une route dans l’Underworld, sans doute guidé en cela par Larraka et par des Naugs ralliés à lui. De Nârzad, il ‘monte’ sur Dilanovia qu’il prend sans coup férir le 28 Taurus, obtenant le ralliement des Stroelyns qui le reconnaissent pour chef provisoire de l’Empire. Il a désormais coupé en deux l’Empire et ainsi les forces Thûzz qui l’on envahi.

Cyrus jette alors le masque ; il groupe autour de sa personne les forces orientales de l’Empire et se joint aux armes de Thûzzland. Une grande armée thûzzo-impériale se concentre près d’Anequere avec puor objectif d’écraser Nirag le rebelle, de mettre sur le trône Cyrus III et d’en finir avec la guerre une bonne fois pour toutes.
Mais c’est méconnaître Nirag dal Naù que de croire qu’il va se laisser entraîner à affronter en rase campagne de forces dix fois supérieures aux siennes. Avant que les Thûzz ne l’atteignent, il quitte Dilanovia, remonte la Nevaïn, embarque son armée à Gelkard et traverse en quelques jours la Mer de Kelnore, débarque à Pellanore et fait mouvement sur Ilnaëmb depuis le nord pendant que les Thûzz sont encore à le chercher en Middle Empire, non sans se faire harceler par les Stroelyns sur leurs arrières.

C’est alors qu’intervient une tragédie qui va grandement faciliter les desseins de Nirag. Cyrus III décide d’aller va au-devant des Stroelyns pour parlementer avec eux et se faire reconnaître empereur. L’affaire n’a jamais été clairement élucidée. Toujours est-il que des créatures mort-vivantes attaquent le camp où se déroulent les pourparlers et tuent indistinctement tous les participants. Parmi eux, Cyrus.
Les Thûzz sont consternés. Résultat de mois de négociations, tous leurs plans de solution pacifique s’écroulent. Au même moment, Nirag arrive devant les murs d’Ilnaëmb, Las de la guerre, Merin XIV propose un arrangement diplomatique. De plus, les Thûzz ont déjà pillé tout ce qu’il y avait à piller en Empire. Et surtout, bien des nains sont mécontents en Thûzzland , car le pays n’a pas vocation à se transformer en puissance occupante de l’Empire et hors Thûzzland, où l’on commence à ressentir les effets d’un certain racisme anti-nain, ce qui n’est sans doute pas étranger à l’aide qu’a reçue Nirag des Naugs de Narzâd. Avec eux, les rois de Convad et de Norhazad font directement pression sur Merin pour mettre un terme à ce conflit. Paradoxalement, c’est Avros, le Vizan et Zevjapuhr, des Etats humains, qui poussent le Thûzzland à continuer le combat et lui promettent des renforts dans le cours de l’année ou offrent même de se substituer à lui. Autant de signes clairs pour un Merin qui n’est pas tombé de la dernière pluie.
Mais Nirag ne l’est pas non plus. Il a compris que si le Thûzz discute avec lui, c’est que celui-ci n’est plus en position de force. Nirag obtient pour lui-même des conditions bien plus avantageuses que celles concédées à Cyrus. L’Empire est évacué, les indemnités de guerre réduites, le tribut limité à dix ans, et surtout aucune amputation territoriale majeure n’est prévue. Certes les troupes Thûzz resteront sur le sol impérial pour garantir le paiement des indemnités de guerre. Mais pour le reste, c’est inespéré.

Cela étant, Nirag n’a aucun argent et les caisses de l’Etat Naëmbolt sont absolument vides. Nirag décide que cela n’a aucune importance : ses alliés nains paieront pour lui. Ses alliés nains ?
En fait, les Naugs. L’effort de guerre Thûzz a quelque peu détourné ce peuple de ses activités traditionnelles. Les Naugs l’ont très bien compris et se sont la plupart du temps substitués aux Thûzz dans leurs commerces et métiers traditionnels ; certes, c’tait juste le temps de la guerre, presque pour rendre services mais enfin voilà, si les Thûzz se sont enrichis en pillant le Naëmbolt, les Naugs ont quant à eux fait d’assez bonnes affaires à leur place… En fait, de tellement bonnes affaires que les caisses de Naugs sont pleines. Par surcroît, quelques expéditions en Underdark, sur des régions traditionnellement réservées aux Thûzz se sont révélées fort fructueuses. Bref, Atmoïn de Narzâd, roi-délégué des Naugs, prêtera tout ce qu’on veut à Nirag qui va escompter son crédit auprès des banques d’Evriand. Pourquoi d’Evriand ? Parce que les autres puissances financières traditionnelles, c’est à dire Zevjapuhr et Avros, sont furieuses. L’une et l’autre alliées des Thûzz ont l’impression de s’être fait berner alors qu’elles revendiquent respectivement le Sablern et l’Eriendel pour prix de leur appui et s’apprêtent d’ailleurs à les envahir.

Nirag apparaît donc soutenu par des nains, ses ennemis d’hier, par des fonds Evrianders, Etat tradionnellement elvophile, par des réescomptes de fonds effectués jusqu’à Portown qui apporte au Naëmbolt un soutien commercial et surtout maritime… un sorte de monde à l'envers... Bref, c’est une alliance mondiale de par son étendue qui se trouve de fait ainsi constituée. Et c’est sur cette construction internationale que Nirag dal Naù recrute et finance une armée reconstituée qu’il équipe d’armes fournies principalement par les nains. Dès l’été 5046 il peut ainsi lancer l’équivalent de trois légions contre un corps expéditionnaire Avrossian qui a débarqué en Eriendel et qu’il contraint à reprendre la mer. Mais surtout, dès la fin de l’année, il a levé et équipé cinq légions qui réoccupent une partie du Sablern après de durs combats contre les mercenaires de Zevjapuhr. Cependant, tout a une fin, et notamment le crédit des Naugs. Dans l’hiver 5046, Zevjapuhr refait son armée, reçoit l’appui du Vizan : une guerre de grande ampleur contre l’ouest de l’Empire se prépare.

Mais la tentative de Zevjapuhr de devenir une grande puissance politique via la conquête du Sablern va tourner court. Des chamailleries avec les Vizaners l’amènent à attaquer en ordre dispersé. De son côté, Nirag a réussi à convaincre le nouveau roi de Marn, le jeune et inexpérimenté Throdrik Ier, de s’allier à lui. Nirag manoeuvre pour coincer le long du fleuve Undine les Zevjans qui, bloqués sur leurs arrières par les Marners, se retrouvent encerclés et proprement anéantis lors de la bataille de Simoët, le 30 Taurus 5047. Nirag libère Isablis dix jours plus tard. Poursuivant sur sa lancée, il atteint Djebaïr, gardée par une armée vizaner au début Gemini 5047. La ville tombe le 14, après guère plus d’une semaine de siège. Nirag laisse alors Throdrik se ruer vers Zevjapuhr, préférant pour sa part se tourner vers Anhabad, c’est à dire entrer en Vizan tout en sollicitant l’appui des Derans : je vous offre la moitié du Vizan, c’est une occasion unique de vous venger du pillage de Dere, de redevenir le Grand Royaume des Elfes explique-t-il au Haut Roi des Elfes qui, en matière de rêves et promesses, en a vu d’autres et, peu convaincu, refuse poliment. Il n’est pourtant pas impossible qu’une occasion historique ait été manquée à cet instant car le Vizan demanda peu après l’armistice, ce qui semble indiquer une faible confiance en ses capacités militaires d’alors.

Nirag rejoignit Throdrik devant Zevjapuhr, retranchée à l’abri de sa triple enceinte, et amplement ravitaillée par mer. Les Zevjans ne pensaient pas craindre grand-chose de l'armée assiégeante et attendaient en toute confiance qu'Imperiaux et Marners se lassent les premiers. Seulement, le 29 Leo, on signala à l’Amirauté Zevjane que des voiles de navires de guerre inconnus croisaient dans la baie. Secrète alliée de Nirag, Portown avait amené toute sa flotte au large de Zevjapuhr. Les vaisseaux zevjans prirent aussitôt la mer mais les Portownians refusèrent le combat, se bornant à arraisonner les navires marchands et à des escarmouches avec les escortes zevjanes. Ce jeu au chat à la souris perdura tout le reste de l’année 5047. Même si le blocus n’était pas hermétiquement étanche, le ravitaillement de la Cité de Zevjapuhr n’en demeurait pas moins très insuffisant. Le jour de l’an 5048, une révolution éclata à la Legatie, renversant le Bey Simra Edermidj et réinstaurant la République. Les mercenaires commencèrent aussitôt à s’inquiéter pour leur paye. Des factions se formèrent au sein de la garde. Nirag jugea que la confusion rendait propice le moment. Un assaut emporta la ville avant même que le nouveau gouvernement ait pu se réunir.

En trois ans, non seulement le territoire de l'Empire avait été quasi-intégralement été libéré, mais encore s'était-il accru de cet inestimable joyau qu'était Zevjapuhr. Pour la première fois de son histoire, l'Empire accédait à une mer autre qu'orientale. Pour la première fois également, il réunissait trois des plus grandes villes du monde: Zevjapuhr, Ilnaemb, Orfajaz.
Néanmoins, comme bien souvent dans son histoire, l'Empire était à reconstruire, de fond en comble. Nirag restait dal Naù, et nullement empereur. D'ailleurs, la question dynastique se posait ouvertement, les droits du généralissime à la couronne n'étant admis par personne. Un bâtard sur le trône d'Ilnaëmb ? A qui ferait-on avaler cela ?

Nirag étant un stratège, il imagina donc une nouvelle stratégie. L'un de ses plus proches compagnons s'appelait Er-Lion de Goldhelm, descendant d'une petite mais fort ancienne maison noble de l'Empire dont la religion était traditionnellement Ukkoiste, Athénianne ou Tyrienne. N'échappant pas à la règle, Er-Lion était de surcroît Paladin; or, Nirag remarqua que si le comté de Goldhelm n'était peut-être pas particulièrement mieux ou moins bien administré qu'un autre, tous en revanche y manifestaient une confiance de fer en leur suzerain. Ce fut de cette constatation que partit l'idée de Nirag: situer son action sur le terrain éthique. Il s'en remit aux Paladins, leur confia la mission de reconstruire, par leur exemple, la moralité de l'Empire, et de décider sur toutes les terres, en lieu et place de l'administration en lambeaux, les personnes dignes de confiance. C'était une démarche transversale, ne s'appuyant sur aucun des corps ou ordres établis, nobles, guildes, cités, peuple; les Paladins, par l'exemple qu'ils allaient prêcher, par la confiance qu'ils allaient inpirer, par l'irréprochable probité de leurs desseins, convaincraient le peuple de l'Empire qu'une nouvelle ère de justice commençait. En bref, les Paladins d'Empire allaient être ses missionnaires.
Eh bien cela marcha. Si ce Nirag avait la confiance des Paladins, comment ne pas avoir confiance en lui ? Tous eurent confiance, du noble au marchand, du mage au paysan, du prêtre au brigand. Une intense vague de confiance souleva le pays, confiance en Nirag, confiance dans le destin de l'Empire, confiance en soi-même.
Non sans habileté, il choisit pour épouse Eliana de Vries, descendante directe d'Irwin IX par les femmes, et également fille d'un des plus riches marchands d'Ilnaëmb : les enfants qu'il aura d'Eliana auront davantage l'air légitimes aux yeux des nobles les plus puristes en matière dynastique. Et, de tels nobles, il y en a grand nombre, tels ceux de la branche de Colstone qui ne s'était pas éteinte avec la mort de Cyrus, bien que ce dernier laissât trois filles. Ainsi une Ariana de Colstone, fille aînée de Cyrus, obtint-elle contre son allégeance de relever un nom qui n'allait pas rester lettre morte pour les petits-enfants du Grand Nirag.


Rien ne caractérise plus le génie de Nirag Ier que sa polyvalence. Acharné à la guerre, à la diplomatie, aux affaires de la Cour, il l’est tout autant à la tête de l’Etat. Il tient à la fois de l’illustre Coron III Conqueror pour la conquête et d’un Namrodd Ier ou d’un Irwin VI pour l’édification de l’Etat.

Comme si souvent dans l’histoire de l’Empire, le pays est à rebâtir et il faut y consacrer un règne et Nirag Ier est bien décidé à un consacrer le sien.
Pour cela, ayant beaucoup étudié l’histoire en général et celle de l’Empire en particulier, Nirag va s’appuyer sur toutes les recettes qui ont fait la fortune de ses prédécesseurs. Nirag n’invente rien qui ne soit déjà là en termes d’appareils ou de doctrine : Gouvernorats, Questures, Corps de Paladins, Légions, Lois écrites, systèmes représentatifs, parlementaristes, articulations féodales, tout cela existe déjà. Il appartient seulement de les remettre en ordre et si possible dans le bon ordre.

L’invention de Nirag est ailleurs : dans l’exemple et dans la personnalisation du pouvoir. Renouant avec les valeurs traditionnelles qui justifient le rôle du seigneur et/ou du suzerain, Nirag va dans chaque région d’Empire porter son regard et sa personne. Il prêche l’exemple et prend par lui-même des décisions allant du plus petit détail aux plus grandes affaires. Jouant d’un charisme exceptionnel, il rameute, ravive les énergies, suscite partout les adhésions, les enthousiasmes, la confiance. Voilà sans doute le maître mot du milieu du règne de Nirag : la confiance. Avec lui, l’Empire est un pays qui retrouve sa confiance.
Au plan personnel, Nirag est, outre un infatigable voyageur, un ascète ; et donc sa cour avec lui. Il ne s’entoure que de serviteurs zélés et acharnés au travail, de compagnons de lutte, de guerriers, mages, clercs et administrateurs renouant avec la tradition des grands serviteurs de l’Etat, choisis indépendamment de leur naissance et sur leurs mérites. Un noble de premier rang n’a droit de venir à la Cour que pendant les quatre sessions annuelles, sinon il doit rester sur ses terres pour les administrer, et Nirag reçoit régulièrement des rapport de la Questure sur l’efficacité de cette administration. Et de fait, les nobles de cette époque, ceux qui font ou relèvent les grands noms de la nobless impériale d’aujourd’hui, les Terrel, Oakfen, Arwen, Eaglehunt et autre Chalkenmoon se sont piqués au jeu ; chacun essaie non seulement de servir l’Empereur mais même de surpasser le voisin à l’échelon local.
Ce n’est pas le faste mais l’efficacité qui priment à la Cour de Nirag. Le roi se consacre peu à ses enfants, quasiment jamais à la chasse, au théâtre ou à d’autres plaisirs, et exceptionnellement aux apparats et diverses solennités. Le nouveau protocole de la Cour établi sous son règne est avant tout conçu pour dégager l’Empereur des contraintes " mondaines " et lui laisser autant de marge de liberté que possible.

Les grandes oeuvres de Nirag se comptent par centaines : constructions routières, drainages, aménagement de voies navigables, reconstructions et embellissements de cités, innombrables démarches favorisant l’art, l’artisanat, le commerce, l’industrie, la manufacture, l’enseignement, la recherche, rétablissement et complément des systèmes légaux, encadrement administratif du pays, rééquipement et réallocation des légions et de l’armée…
L’une des spécificités les plus marquantes de cet empereur est sans doute l’attention qu’il porte aux établissements d’enseignement, probablement influencé en cela par ses séjours Zevjans. C’est sous son règne qu’Enlight (ou Lightown) croît pour devenir devient la cité des Etudiants qu’on connaît aujourd’hui, chargée de former des talents dans les plus diverses disciplines. L’Université d’Enlight, la Paladiner School, le Haut Collège Impérial, l’Université des Mages d’Ilnaëmb, la Faculté de Droit de Blumwald, le Collège Druidique de Gorlech, Le Collège Suprême des Bardes de Magna Alumnae, l’Université Formuori d’Erguña, la Rivermen School de Corontown, la Theologianne d’Isablis, l’Institution des Pagodes et l’Ecole Navale d’Orfajaz, les Ecoles de Beaux Arts et d’Ingénierie Générale de Rwandel, l’Université Commerciale d’Empire de Northeart, l’Ecole des Cadres Militaires de Broke et de nombreux autres établissements sont l’objet de ses soins particuliers.

Sans doute ce courant de rénovation de l’Empire n’aurait-il pas été aussi sensible dans l’influence de Zevjapuhr, nouveau joyau de la Couronne Naëmbolt. On croyait pourtant que Zevjapuhr allait subir la férule impériale mais c’est en réalité le contraire qui advient. La longue tradition d’intellectualisme, de commerce et de mécénat artistique qui caractérise Zevjapuhr va envahir l’Empire et modeler profondément les consciences des élites impériales jusqu’à la personne de l’Empereur.
Ainsi déferle sur Ilnaëmb puis sur le reste de l’Empire une mode Zevjane qui tournera à l’engouement, voire au fanatisme. Pendant plus d’un siècle, n’est chic, n’est valable, n’est intelligent que ce qui vient de Zevjapuhr ou s’en inspire. Le renouveau du commerce, le développement des arts et de la pensée, l’orientation d’un gouvernement libéral, légaliste et respectueux des droits individuels, l’accent sur la représentation politique et le contrôle des finances de l’Etat, le souci des élites de renouer avec des missions éthiques et utiles à la collectivité, tout cela vient du courant Zevjan qui se manifeste d’abord dans la capitale.
A l’instar de la personne de l’Empereur, ce courant va aussi faire écho dans les maisons nobles qui vont contribuer à la gloire de l’Empire. La maison d’Agle s’illustre dans des guerres contre les puissances diaboliques. La maison d’Eaglehunt monte des expéditions contre les cultes chtulhoïdes en Empire. La maison d’Oakfen s’attaque aux survivances des Evil Citadels. La maison de Goldhelm s’en prend aux Drows. Les maisons d’Arwen et de Montaygue nettoient les Barriers Orientales et les Monts de Gaïko. La Maison de Colstone met fin aux raids des barbares Berviks sur les côtes orientales. Les maisons de Terrel, de Johstarre, d’Arveïn, de Chanteveille fournissent à l’Etat des cadres militaires et civils qui assurent la paix et la sécurité en Empire.
En agissant ainsi, les maisons nobles d’Empire reconquièrent une légitimité de terrain qui leur faisait défaut depuis des décennies et rompent avec l’atmosphère de Cour où elles passaient le plus clair de leur temps. Une sorte d’équilibrage tripartite des pouvoirs locaux, entre le seigneur, les députés et l’administration impériale se dessine puis se met en place, avec des particularités régionales. Le seigneur redevient un lien entre la Couronne et les pouvoirs locaux et non plus un adversaire des uns et/ou des autres. Ce renouveau du pouvoir local en Empire, équilibrant le pouvoir de la Couronne, est un élément majeur de la seconde moitié du règne de Nirag Ier qui donne à l’Empire son visage actuel. Nirag est en effet convaincu que le grand effondrement de l’Empire devant les Thûzz, ainsi d’ailleurs que la plupart des catastrophes de l’histoire impériale, sont dus à une centralisation excessive, entraînant faiblesse, insuffisance et irresponsabilité des pouvoirs locaux. La doctrine de Nirag repose donc sur l’encadrement local par Administration Impériale (Questure et Gouvernorat) d’une part, les Légions d’autre part et sur le contrôle du Parlementarisme des Nobles et des Gens. En effet, la représentation au Parlement Impérial des Nobles et des Gens permet d’éviter les tentations sécesionnistes ou de les faire éclore en discours et disputes dans des Chambres qui sont là pour ça plutôt que de les laisser se traduire en révoltes locales. C’est entre habileté et éthique que Nirag, fortement influencé par les pensées Zevjanes, charpente son Etat Naëmbolt d’une manière qui va résister à jusqu’à aujourd’hui.


Cette pensée ouvre la porte à un certain repliement de l’Empire sur lui-même. Le Naembolt contrôle un Etat si vaste qu’il est autosuffisant dans la plupart des domaines. Le commerce intérieur à l’Empire suffit à lui apporter richesse et exotisme. La paix règne aux frontière et les quinze légions découragent quiconque ou presque de toute pensée agressive. La majorité des Etats de Derenworld sont des satellites économiques ou politiques de l’Empire : Farxel, Arkandahr, Marn, la Condéfération, et même les Thûzz, ex-ennemis d’hier. Est-ce pour autant qu’on peut parler de pax imperia ?
Dans une certaine mesure, oui. Ce qui se passe, dans le premier quart du LIIème siècle, c’est autant la sujétion de Derenworld à l’Empire que l’affirmation d’une puissance à jamais incontournable. Sous quelque aspect que ce soit, on ne peut plus penser le monde sans l’Empire Naëmbolt. Tout ce qui se décide, où que ce soit, ne peut produire d’effets d’ampleur sans l’assentiment de l’Empire.
Mais il y a des limites. Le première est l’autre géant de Derenworld : le Vizan. La prise de contrôle par ce pays du Wejlar et du Beliand, ses influences en Okhpuhr et en Tangut pourraient à terme en faire une superpuissance capable de rivaliser avec le Naëmbolt. La seconde limite tient aux deux seuls autres Etats de Derenworld qui demeurent indépendants du Vizan et de l’Empire : le Lowenland et surtout la République Maritime d’Avros. S’il est vrai que le Lowenland se préocuppe peu de ce qui se passe hors de ses frontières, la République, elle, n’a de cesse de s’opposer aux Géants, qu’ils soient Vizan ou Empire, où qu’elle puisse agir. Abritée au bout du Tangut, la reine des mers de Derenworld fera tout pour empêcher le Vizan de s’étendre sur la terre et l’Empire sur les mers. Si elle s’oppose ouvertement au Vizan, via nombre d’escarmouches navales, en Empire elle relaie et finance tous les mécontentements, abrite des théoriciens anti-Naëmbolts, entretient les rancoeurs elfiques et naugrims… bref, elle mène une guérilla intérieure contre l’Empire qui, pour être méconnue de la plupart, n’en est pas moins très exactement perçue par Nirag Ier. Et les manœuvres avrossianes sont l’autre raison principale qui a amené l’Empereur à apporter tout son soin à la reconstitution de tous les échelons de son Etat.
Il n’est pas un coin d’Empire où Nirag ne se sera montré en personne, et plutôt trois fois qu’une. A partir de 5098 la cour tient régulièrement session foraine en hiver à Zevjapuhr, Orfajaz, Anequere, en été à Naù, Dilanovia, Corontown. L’empereur surveille personnellement les travaux de drainage de la marche d’Urfalls ou de reconstruction du port de Gelkard aussi bien qu’il assiste aux vendanges en bas-Undine ou à l’exposition biennale des tapis de Juma. Il tient lui-même les audiences de Justice Suprême, la présidence des Chambres du Parlement et du Conseil de Gouvernement. En une journée il peut rencontrer aussi bien le Grand Druide de Gorlech que les étudiants en droit de Blumwald ou écouter une servante venue pour une supplique. Il incarne, selon le mot de Vernius Aguilera , " un Empereur Professionnel ". Il est probablement l’inventeur du monarque en tant que professionnel, aussi bien dans la technicité que dans le dévouement à ce qui n’était pas vraiment, avant lui, un métier.
L’extraordinaire puissance de travail de Nirag Ier se double d’une longévité exceptionnelle. Il règne soixante dix-neuf ans et c’est le seul empereur qui mourra largement centenaire, puisqu’âgé de cent trois ans. On dira qu’il avait contrait les Dieux eux-mêmes pour le laisser vivre aussi longtemps.


Le deux taurus VM-XXIV Nirag s’est senti un peu fatigué et a interrompu la session de visa des premiers décrets de l’année. Il emporte les textes pour les lire pendant qu’il se repose dans sa chambre. On l’y allonge et on fait chercher l’Impératrice. Son premier Valet propose de lui chercher de l’eau au moment où l’Empereur s’affaisse sur côté gauche, avec à la main l’édit décidant du financement de l’extension du port de Gorlech. L’Arch-Mage Larraka, mandé en urgence, et la Healer Freïme de Diancecht constatent l’infarctus et confirment le décès par cause naturelle de l’Empereur.

Les funérailles du plus grand monarque du monde de l'époque verront un événement exceptionnel : le Haut Roi Carinlad de Dere en personne y assistera, au côté de S.M. Merin XIV de Thûzzland : pour la première fois depuis des siècles les plus puissants souverains des elfes et de nains, ceux qui avaient le plus incarné la rivalité entre ces deux races, étaient côte à côte. Avec eux, les rois, souverains ou chefs de gouvernement des deux Farxels, d’Eriendel, d’Arkandahr, de Marn, d’Evriand, de la Confédération, de Prias, de Naugrim, de Norhâzad, d’Ariandor, de Bakor.

Aux pieds des murailles d’Ilnaëmb qu’il avait fait reconstruire le peuple de l’Empire entier semblait s’être massé. Sur toute la longueur la muraille avait été voilée de noir et il n’y avait personne aux créneaux. Le catafalque fera douze fois le tour de la cité de façon que chacun ait pu s’en approcher pour le voir. A la nuit tombante, le cortège rentra dans Ilnaëmb par la porte d’Orient, passant entre tous les jeunes gens des Ecoles et Universités de l’Empire, puis remonta le Grand Pont désert jusqu’à la Cité Intérieure avec derrière lui la foule qui se pressait car pour la première fois, conformément aux dernières volontés de l’Empereur, on lui en ouvrait les portes. Suivi par le peuple de l’Empire, le cortège passa devant chacun des Grands Temples de la Cité Intérieure où chaque Grand Prêtre l’attendait sur le parvis pour le bénir. Enfin, il s’arrêta devant la longue façade du Palais où tous les nobles et dignitaires de l’Empire, les serviteurs du Palais, des amis de l’Empereur, la garde personnelle de Nirag Ier, ses vieux compagnons, des soldats, des clercs, des gens de service, des artisans, des artistes, des mages, des professeurs émérites, tous mélangés, de toutes races, immobiles, alignés sur plusieurs rangées, formaient comme des pans de muraille de chair devant la maison de l’Empereur.
Il était près de minuit. Les douze chevaux noirs menés par ses fils Nirag II et Coron et suivis de ses six petit-fils et huit petites-filles étaient arrêtés devant eux, sur la Place du Parvis. Venant de derrière, toute la foule d’Ilnaëmb et de l’Empire rejoignirent ceux qui se tenaient devant le Palais pour former un vaste cercle dont le cercueil était le centre. De grands feux et d’immenses mâts porte-torches éclairaient la scène. Personne ne disait mot et l’on n’entendait que les crépitements des brasiers et les hululements des hiboux qui nichent dans les toits des hautes tours de l’enceinte intérieure.

La Grand’Porte qui ne sert que pour les naissances, les mariages, les avènements et les morts des Empereurs Naëmbolts était ouverte. Entre ses deux battants de bronze décorés de panneaux aux armes de l’Empire parurent quatre silhouettes : Larraka, Compagnon de Nirag et Mage de l’Empire, Eliana Naëmbolt, Impératrice désormais Douairière, le Grand Prêtre Antoine Fonclaire d’Osiris, Exécuteur des Cérémonies Funèbres, et la Prêtresse Venediane servante d’Athéna, confidente et guide du défunt empereur.
Au plus haut de la tour de la Clepsydre, le veilleur attendait lui aussi. Quand il fut minuit, il commença de frapper douze fois le grand bourdon des Deuils.
Au douzième coup, douze jeunes gens l’Empire, six filles et six garçons venus de douze provinces de l’Empire, ôtèrent le cercueil du charroi et le portèrent sur leurs épaules pendant que Valiandim, le Maître Barde de la Cour, jouait le Treizième Chant du Cantique des Rois, le Chant du Renouveau. Ils disparurent à l’intérieur du Palais d’où l’on entendait le chant repris par toute la foule sur le parvis et dans toute la Cité d’Ilnaëmb. Ensuite, conformément aux volontés de Nirag, on fit servir à volonté sur de grandes tables devant le Palais Impérial des galettes au miel, des crêpes fourrées, du lait, de l’eau et des fruits car le Grand Deuil interdit de manger de la viande et de boire de l’alcool pendant six jours.
Sous le Palais, les douze jeunes gens passèrent devant les rois et les ambassadeurs assemblés dans la Salle des Grandes Audiences. Là, deux rois représentant des ennemis les plus acharnés de l’Empire autant qu’ennemis eux-mêmes, Carinlad Minyatar Derë prononça la prière des morts des elfes Sindars, puis et Merin Thuzz’n’Tar etThroïm N’zer Shedad Narzâdum, roi des Naugrim et ami de Nirag, celle des nains.
Puis les douze jeunes gens reprirent le cercueil et le portèrent dans la Salle de l’Aigle, au milieu de toute la famille Naëmbolt assemblée. De là il fut mené par ses descendants dans la Crypte des Empereurs, sous l’Ailendil, où le Grand Prêtre d’Osiris et l’Arch-Mage Larraka veillèrent à ce qu’il repose à jamais en paix, au centre de son pays.


CHRONOLOGIE DES EMPEREURS NAEMBOLT : MAISON DE NAÚ

(changement de ligne = filiation, changement de colonne = cadet ou dynastie)

NIRAG I
(5045-5124)
 
 
 
   
NERAEL I
(5124-5125)
 
NIRAG II
(5125-5129)
   
 
 
 
KERMEGG II
(5129-5167)
   
 
   
NIRAG III
 
(5167-5206)
 
 
DANDRIA I
(5206- )   
 
 
 

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