Les Enfers – I : origines

29 novembre 2021 par Kazz → Cultes

Au contraire de la plupart des autres matériaux de Derenworld, les Enfers sont l’objet d’une littérature ancienne et fournie : de la Bible aux ouvrages de la 3e édition en passant par Dante, Platon, le Talmud, les mythes mésopotamiens ou les articles du Dragon Magazine, le concept d’un lieu souterrain où séjournent les morts dans des souffrances plus ou moins atroces a été abondamment alimenté et parfois détaillé.
Cela a beaucoup complexifié l’écriture d’une histoire-description des Enfers applicable à la cosmogonie de Derenworld. En effet, ces matériaux étaient parfois contraires ou incohérents entre eux ou envers les éléments particuliers de cette cosmogonie. A la vision satanique ou luciférienne de l’enfer selon la civilisation chrétienne s’opposent les versions grecques et mésopotamiennes qui lui sont antérieures mais aussi l’architecture “gygaxienne” apparue dans les années 1970 avec les monstres qu’elle instaure.

Il était ainsi devenu important de dissiper les méconnaissances ou malentendus que ces conceptions juxtaposées ou superposées pouvaient parfois entraîner dans la compréhension qu’ont les joueurs des Enfers. Il a donc fallu démêler ces divers éléments et rectifier plusieurs des matériaux parus pour D&D afin de parvenir à cette présentation spécifique à Derenworld, depuis sa Genèse jusqu’au temps présent, des fameux Enfers.

La complexité des Enfers et les notions auxquelles ils réfèrent dans la cosmogonie de Derenworld nécessitent dans un premier temps un certain nombre de rappels et de précisions, certaines d’utilité générale, pour bien comprendre l’histoire et les processus de leur création. C’est l’objet du premier de ces articles que voici.
Le deuxième portera sur la description des Enfers et l’évolution de leur histoire.


Satanael roi des Enfers (détail), Palais Oglevern, Nederia, Empire.

I – Prolégomènes

Définition

Les Enfers réfèrent au plan extérieur de ce nom, composé de neuf cercles (ailleurs appelés “strates” ou “layers”) ; il est toujours employé au plurier.  Le mot “enfer” au singulier signifie un état d’une personne ou d’une situation (par exemple : “il vit un enfer”).

Hiérarchie des Diables

LEAST
16 – Lemure
15 – Nupperibo
14 – Spined (Spinagon)

LESSER
13 – Bearded (Barbazu)
12 – Imp
11 – Steel Devil (Bueroza), Erinyes
10 – Chain Devil (Kyton, Orthon)
9 – Harvester Devil (Falugon), Torturer/Pain Devil
8 – Styx : outer (Amnizu)

GREATER
7 – Bone (Osyluth)
6 – Barbed (Hamatula)
5 – Ice (Gelugon), Styx : inner (Xerfilstyx)
4 – Horned (Malebranche, Cornugon), Assassin Devil (Dogai)
3 – Paeliryon
2 – Pit Fiend
1 – Grand Diables Uniques ou titrés : Viscount – Count – Duke – Archduke – Prince.

Le titre de Prince des Enfers est réservé à Asmodeus et sa famille, à Astaroth et à Baalzebul. Le titre d’Archi-Prince est parfois employé pour distinguer Asmodeus,
Le pseudo-titre de Seigneur des Enfers est une appellation désignant le gouverneur d’un cercle. Ce dernier possède toujours un titre personnel qui peut aller de Vicomte à Archiduc.

Les Abishais, Hellcats et autres Hellhounds ne sont pas des diables mais des créatures vivantes des Enfers. A la différence des diables qui n’ont besoin d’aucun nutriment, ils ont besoin de boire et manger.

Quelques éléments importants des temps de la Genèse 

Ptah, également appelé Shu ou Khepri, est le créateur de l’univers dans sa forme actuelle en liant le maître fou du Temps : Kronos, par le langage, y sacrifiant sa compagne Mnemosysyne, puis organisant l’espace-temps avec l’aide des ses alliés titans. Ces dernières s’accouplèrent ou se sacrifièrent pour engendrer et devenir la matière de l’univers.

Ptah prit Rhea qui est la seule femme (ou selon certaines versions la fille) de Kronos et qui avait alors engendré les animaux en s’unissant avec le titan Ocean et avec elle il engendra Zeus, Hadès et Poséido.
Puis il prit Tefnut, titane avec qui il engendra Râ. Ce dernier s’unit avec Nout, une autre libre Titane, probablement sœur de Tefnut, avec laquelle il engendra la lignée d’Egypte Céleste des dieux raïques.

Avant de connaître Râ, Nout s’était unie au titan Bes allié de Ptah pour engendrer Thoth, qui fut le précepteur de Râ, puis Geb, appelé ainsi en souvenir de Geb l’ancien, précédent amant de Nout. Nout de la Nuit avait aussi connu d’autres nombreux amants dont le titan An’Arh avec qui elle engendra Frigga qui devint épouse d’Odin et déesse-mère (aujourdhui douairière) des Asirs.

Les plans dans la cosmogonie de Derenworld  

Tous les plans : extérieurs, élémentaires, matériels, astral ou éthéréal (l’Ether) constituent l’univers aménagé par Ptah grâce au Lien de Kronos.

Les premiers plans sont le plan astral (manifestation de la régulation de l’Univers sous forme d’espace-temps), les six plans élémentaires (Positif, Négatif, et les quatre éléments), Outlandia (ou Outlands ou Concordant Opposition), les Limbes (émanation du chaos originel), Nirvana (plan de la loi en contrepoids des Limbes)  et le Nebel, incommensurable étendue qui comprenait originellement l’Ether. Ptah aménagea ensuite les plans extérieurs selon sa conception mais il fut aussi pris de vitesse par la création des Abysses et du Pandemonium par Xiombarg et Arioch. Ces deux plans restent depuis lors une concession au fait accompli de leur création.

Certains plans furent aménagés d’emblée par Ptah ou par les dieux qu’il avait désigné : les Sept Cieux, les double Paradis, Elysée, les terres de chasses éternelles (Beastlands), Hades, Olympe, Gladsheim. Ainsi l’Olympe était destinée à Zeus, Gladsheim à Odin, l’Elysée à Râ, Hades à Hadès. Cependant Nout, l’épouse de Râ, préférait demeurer dans le ciel de sorte que l’habitat des divinités raïques prit la forme d’une extension de l’Elysée appelée l’Egypte Céleste. Enfin, le Tartare (Carceri) et les Géhennes, plans voisins de celui de Hadès, lui furent concédés par Ptah.

Par la suite quatre plans élémentaires seront octroyés à Straasha pour l’eau et Kakatal pour le feu, ou placé sous la tutelle d’Ukko et Hadès pour l’air et la terre. L’étape suivante consista en la création des plans matériels au centre de cette répartition avec l’Ether pour enveloppe.

Il reste deux plans qui ont une histoire bien particulière : Acheron et les Enfers.

Les Parques ou Norns

Elles sont connues sous tellement de noms qu’on les désignera ici par leur fonction : la Première, la Deuxième, la Troisième.

La Genèse relate que Ptah lia Kronos ce qui créa l’univers en fixant l’écoulement régulier du temps. Cette régularité et la trame consécutive de l’Univers sont confiées aux Parques, qui furent les premières alliées (et selon certaines versions les amantes) de la créature qui allait devenir Ptah.

La Première Parque a pour fonction de recueillir l’écoulement du temps au sortir de Mnemosyne, elle-même devenue le lien qui enchaîne Kronos, et d’en faire un fil qui servira à la trame de l’espace-temps.
La Deuxième tisse cette trame dans laquelle elle incorpore toute matérialité et toute vie, notamment les âmes neuves ou réincarnées.
La troisième taille cette trame dont elle coupe les tissages et les fils afin que la trame ne soit ni trop vaste ni trop petite pour maintenir une correspondance et une cohésion entre l’espace et le temps.

Les trois Parques demeurent dans le plan Astral au centre de l’Univers depuis qu’il a été libéré du Grand Ancien Azathoth. Elles s’imposent à tout ce qui existe parce qu’elles forment la matière de tout ce qui existe en ce qu’elles « fabriquent » le temps. Elles sont considérées comme la source inspiratrice du culte trithéiste sous la forme Brahma, Vishnu, Shiva. Ptah a plus tard adjoint à la troisième Parque a une servante qui traduit concrètement son action dans l’univers en promouvant à cet effet la déesse Hel.

 L’origine de Tiamat : les Tleotli et Ceto la Béhémothe

Ainsi qu’il est écrit dans la Genèse (7) de la théologie classique, les titans Océan et Apsu formèrent les eaux. Plus précisément, Océan se transmuta pour devenir l’élément  liquide au sens le plus général, incluant tout ce qu’il produit ou charrie : minéraux et sels, plus tard créatures végétales ou animales. Cependant Apsu, plus délicat, choisit au contraire l’essence de cet élément dans toute sa pureté ; il devint ainsi l’eau élémentaire, dépourvue de tout autre composant.

Après que Silvanus, Nephtys, Isis, Hadès, Frey, Freyya et Frigga aient répandu la fertilité dans les eaux entourant le Sceau de Ry’Leh, Poséido régna sur l’Océan (devenu nom commun) désormais empli de vie aquatique. La Genèse (19) précise que cette vie produisit notamment la créature Behemothe qui, après avoir été fécondée par Quetzacoatl, enfanta Bahamut, le premier dragon. Quetzacoatl, aidé d’Ukko et d’Isis, éleva ensuite ce fils et Râ lui donna une épouse afin qu’il engendre la lignée des dragons métalliques.
En revanche, la Genèse reste silencieuse sur le sort de la Behemothe.

La Behemothe était alors la seule créature de taille géante produite par la fécondation divine de l’Océan. Il s’agissait d’une énorme masse oblonque, dotée de six grandes pattes-nageoires similaires à celles des tortues de mer, ressemblant vaguement à une baleine sans queue. On suppose que sa taille équivalait à quatre grandes baleines accolées deux par deux. Dotée d’une faible intelligence elle communiquait par un langage sommaire fait d’ultrasons ainsi que par une forme rudimentaire de télépathie transmettant des sensations ou des pulsions plutôt que des concepts ou raisonnements.
Mais aussi animale soit-elle, la Behemothe restait une mère à laquelle des dieux avait ôté son petit. Elle restait une femelle ayant goûté les joies de la pénétration, qui plus est par un dieu, lui ayant donné de porter puis de mettre au monde une créature issue d’elle-même. D’une part elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait ni son délaissement, d’autre part elle voulait recommencer : être à nouveau être fécondée, mettre à nouveau un enfant au monde.

Ainsi que l’indique la Genèse (8) lors de l’attaque de l’univers par les Grands Anciens, Ptah et Zeus parcoururent l’univers pour demander pardon aux Titans Libres afin qu’ils les rejoignent. Ainsi Ptah put réunir et une armée divine menée par son fils Zeus et les Titans du Chaos nommés Arioch et Bes qui repoussèrent les Grands Anciens.

La sollicitation de Ptah et Zeus entraîna des dissensions chez les Tleotli, famille principalement composée des descendants d’Ometleotl. Ce Titan Libre entendait fermement le rester. Androgyne, il avait créé Xipe Totec, Tezcatlipoca, Teteoinan, Tlaloc et Huitzilopochtli le Défenseur. Teteoinan la Matrice, elle aussi androgyne, avait à son tour engendré Quetzacoatl. Ometleotl était par ailleurs aussi le séide ou “frère” d’un des pires titans Libres, Mictlantecuhtli, qui cherchait la destruction, était adepte de l’auto-cannibalisme et répandait la mort ; il hantait alors la base de l’Univers, le Nebel, mais venait parfois rendre visite à Ometleotl.

La volonté d’Ometleotl de demeurer à l’écart des grands événements de l’Univers se heurta au fait que les Grands Anciens n’épargnaient manifestement aucune créature. Cette question divisa les Tleotli. Mictlantecuhtli, Xipe Totec et Tlaloc approuvaient leur géniteur. Mais Huitzilopochtli, Tezcatlipoca et Quetzacoatl se rebellèrent contre ce qu’ils tenaient pour l’illusoire prudence de ce géniteur et choisirent d’aider les Ptah et ses alliés. Ils se mirent donc en route pour les rejoindre. Mais ils ne prirent pas les précautions suffisantes pour rester imperceptibles ni n’imaginèrent se munir d’une escorte. Les Grands Anciens Yog-Sothoth l’omniscient et Azathoth au centre de l’univers sentirent leur mouvement et le signalèrent à Hastur et Cthulhu qui les attaquèrent. Huitzilopochtli se sacrifia pour donner à Tezcatlipoca et Quetzacoatl le temps de s’échapper. Assommé par Hastur il fut ensuite dissous et dévoré par Cthulhu. Tezcatlipoca et Quetzacoatl réussirent à fuir et se cachèrent longtemps de Yog-Sothoth qui tentait de les épier et de Shub-Niggurath qui les recherchait sans relâche. Ils rejoignirent juste à temps l’armée menée par Zeus, Arioch et Bes qui repoussèrent les Grands Anciens. Mais ils furent ensuite bien étonnés en découvrant la répartition des domaines entre les dieux et choisirent de suivre le parti d’Arioch et de Xiombarg qui rejetaient cette division.

Grâce à la puissance d’Arioch et à leur lignage de titans du Chaos, ils occupèrent donc leur propres domaines sans s’occuper de ceux des autres dieux. Tezcatlipoca s’octroya le feu et la nuit, la sécheresse et les lunes. Plus tard, Tlaloc s’empara de la pluie, du tonnerre, des nuages et de la fécondité des champs. Quetzacoatl prit de son côté l’air, le soleil, les créatures volantes. Mais Xipe Totec ne prit rien car Yog-Sothoth avait pénétré son esprit et il ne voulait plus que rallier les siens aux Grands Anciens. Devant le refus de Tezcatlipoca et Quetzacoatl, il en appela à Tlaloc et surtout à Mictlantecuhtli.

Alors éclata la guerre des Tleotli. Elle dura longtemps, les tenant à l’écart de la bataille finale contre les Grands Anciens et bien des dieux remarquèrent leur absence lorsque Zeus périt.

Mictlantecuhtli détruisit Ometleotl puis Teteoinan. Tlaloc affronta Tezcatlipoca qu’il avait toujours détesté. Quetzacoatl captura Xipe Totec et l’offrit en sacrifice à Mictlantecuhtli qui l’écorcha vif et lui arracha le coeur et accepta de s’en aller ensuite.

Tlaloc et Tezcatlipoca, eau contre feu, tonnerre contre pénombre, ne purent se vaincre l’un l’autre et s’en allèrent panser leurs plaies et fourbir leurs armes chacun dans un recoin de l’univers.

Ayant brillé par leur absence contre les Grands Anciens, les derniers Tleotli n’étaient pas en odeur de sainteté chez la plupart des autres dieux. Mais de leur côté, Tezcatlipoca et Tlaloc réprouvaient la répartition ptahine de l’univers en plans et l’assignation de domaines qui en découlait (cf. Genese, 13). Bes joua alors les entremetteurs, vainement avec Tlaloc qui préféra se rapprocher de Xiombarg puis de Dagon et de Nyarlathotep qui le contaminèrent. En revanche, Bes parvint à devenir l’ami de Tezcatlipoca et Quetzacoatl. Il les rapprocha de Hadès et à eux quatre ils réussirent à chasser Mictlantecuhtli du Nebel à la demande de Ptah. Selon certains livres sacrés, Mictlantecuhtli ne peut être détruit car il est lui-même destruction et il serait donc emprisonné quelque part, seul Hadès et peut-être Poséido savent où.
Ce succès valut à Tezcatlipoca et Quetzacoatl d’être considérés comme des pairs par les autres dieux tout en demeurant étrangers à la répartition des domaines entre divinités à l’instar de Tlaloc, Xiombarg, Arioch.

Le scellement de Ry’Leh par les dieux délivra Tlaloc de l’influence cthulhoïde. Peu après, il apprit la fécondation de la Béhémothe par Quetzacoatl et en fut jaloux. Il décida de la visiter lui aussi et l’ensemença d’eau douce. Mais ne pouvant résister à sa nature chaotique, il frappa l’Océan de tonnerre au cours de son extase. Poséido l’entendit et en prit ombrage : il déversa l’Océan dans le Tartare afin d’y entraîner Tlaloc et la Béhémothe. Puis il referma les portes d’Airain de Tarterus , y emprisonnant Tlaloc et la Béhémothe 1.

Pendant son emprisonnement en Tarterus, la Behemothe prit le nom de Ceto. Elle mit au monde dans la strate de Porphatys de nombreuses créatures différentes au fur et à mesure que la semence de Tlaloc s’expurgeait des corruptions de Dagon : les aboleths, les illithids, les méduses, les basilisks, les hydres, sa fille Échidna, les cétacés et enfin son fils Moloch. Après dix ans de bannissement, Poséido ouvrit les portes d’Airain à Tlaloc et Ceto et sa descendance. Presque tous s’enfuirent aussitôt du Tartare mais non Ceto qui demeure encore avec certains de ses enfants dans l’un des mondes de Porphatys.

Set éprouvait de la pitié pour Ceto et de la sympathie pour Tlaloc et leur proposa de un refuge en Acheron. Ceto ne répondit pas mais Tlaloc accepta, bien qu’il trouvât Set fâcheusement semblable à son ennemi Tezcatlipoca. Il amena avec lui sa fille Échidna la femme-serpent qui devint rapidement la maîtresse passionnée de Set.

De leur union sont issus les najas, les yuan-tis, les chimères, les sphinxes et Cerbère, que Set offrit à Hecate. Puis ils engendrèrent les deux dragons Tiamat et Ladon.
Ladon est doué d’une sagesse infinie ; il a cent têtes et parle cent langues ; il fut offert à Ptah par Set en signe de gratitude et est depuis lors son messager et gardien des étoiles des cieux.
Tiamat, son aînée, n’avait “que” cinq têtes et décida d’engendrer la lignée des dragons chromatiques destinée à supplanter celle de son demi-frère Bahamut qui avait été ôté à sa mère.
Les deux derniers fils de cette féconde union sont Geryon, qui régnera dans les Enfers, et Gelon, seul à être anthropomorphe 2.

II – Avant les Enfers : Muspellheim, Niflheim et Acheron

Comment Hel devint déesse du Niflheim

Parmi les plus utiles des titans du chaos ralliés Ptah se trouvaient ceux du feu, descendants d’Hypérion, titan issu du Chaos originel. Certains de ces titans voulurent rester élémentaires à l’instar de leur aïeul mais d’autres préférèrent à l’inverse prendre forme et s’insérer dans l’univers alors nouvellement organisé, sous forme de géants.
Le dieu Kakatal est emblématique des premiers quand Surtur l’est des seconds. Kakatal devint le dieu du feu élémentaire, fidèle à sa nature chaotique. Surtur, lui, obtint de Ptah le monde de Muspellheim où il s’établit avec sa tribu de géants qui furent appelés ceux du feu. Mais pour cela, il dut se plier aux injonctions de Ptah et accepter son ordonnancement de l’univers.

Ptah plaça Muspellheim au-dessus des confins brumeux et glacés appelés Nebel ou Nifl, immense étendue à la base des plans extérieurs. Puis il ordonna à Surtur de le remplir de son feu, ce qu’il fit. La chaleur et les gouttes de feu tombant de Muspellheim sur la glace du Nebel firent naître le monde du Niflheim et l’arbre Yggdrasil puis les domaines qui allaient constituer ensuite l’ensemble de Gladsheim.
Le premier de ces domaines fut Jotunheim, où s’établirent les autres géants, conduits par Thrym. Quant au Nebel, la vapeur causée par le feu de Muspellheim en expulsa l’Ether qui y était jusqu’alors incorporé. L’Ether servit ensuite d’enveloppe de protection et de creuset aux plans intérieurs, ceux des mondes matériels. Le reste du Nebel est depuis le Niflheim, si vaste qu’il s’étend à la fois en Hades et en Gladsheim et qu’il occupa même pendant un temps une partie de Baator.

Lorsque vint à Ptah le secours des Asirs, Ptah donna à Odin les mondes situés en dessous de Muspellheim et ordonna à Surtur d’obéir à Odin. Depuis la mort d’Odin, Surtur est délié de ce serment et doit seulement respecter l’ordonnancement de l’univers qui lui a permis de se voir octroyer Muspellheim.

A l’arrivée des Asirs, auxquels Ptah offrit Gladsheim, Loki s’éprit d’Angrboda, une géante de la tribu de Thrym, avec laquelle il eut trois enfants : Jormundgand, Hel, et Fenrir. Odin, dans l’espoir de diviser cette redoutable descendance, donna avec l’approbation de Ptah le Niflheim à Hel, comptant la soustraire ainsi à l’influence de Loki. Cela réussit car la révélation de son nouveau domaine transfigura Hel. Elle comprit et admira l’immensité du dessein de Ptah et éprouva une immense reconnaissance de l’avoir acceptée bien qu’elle soit “étrangère” à la descendance ptahine pour assumer une tâche essentielle à l’ordonnancement de l’univers. Elle devint la plus loyale de ses servantes, l’impitoyable divinité de la mort, la déesse aux deux visages unis par le sens implacable de sa mission. Ptah fut ému de la gratitude de Hel et la récompensa en faisant de Niflheim la terminaison du Styx et de Hel un bras matériel de la troisième Parque.

L’Achéron et le dieu Set

A l’autre bout du Styx se trouve le plan d’Acheron, où ce fleuve a sa source. Dans la conception initiale de Ptah, l’Acheron devait constituer le lieu du Jugement où officieraient quarante-deux juges présidés à tour de rôle par Hel, Tyr, Athéna, Hadès, Anubis et Votishal. Ils auraient pour fonction de déterminer le sort des âmes qui seraient ensuite remises à Charon pour qu’il les convoie, d’où le nom de ce plan extérieur.
Cependant tous les dieux pressentis refusèrent de s’astreindre à pareille tâche, certes pour des motifs propres à chacun mais tous d’accord pour considérer que la charge était excessive et trop lourde.
Ptah ne voulut pas les y contraindre et ce renoncement s’illustre en particulier par le jugement de Set, qui n’eut pas lieu en Achéron mais en Egypte Céleste.

Ce qui ne passa pas inaperçu du dieu Set. Dès après son bannissement, il choisit d’occuper Acheron, alors en déshérence. Il y invita nombre de dieux, notamment ses amis Votishal, Arès, Hecate et Hel, sa mère Nout, sa fille Bast, et aussi Ptah ; on sait que ce dernier n’apprécia ni la forme ni le fond du châtiment infligé à Set et il le laissa ainsi s’attribuer Acheron.

Pendant longtemps Set en fut le gouverneur. Il organisa le plan sous sa forme finale : six cubes gravitant autour de la sphère centrale où naît le Styx, s’inspirant pour cela du cube de Tintibulus inventé par Ptah pour le dieu Gond. Il s’en attribua un et en donna un à son ami Arès, un autre à Nout qui y fera plus tard une place à Bast. Dans le sixième, le grand cimetière de Thuldanin, il offrit à des palais-forteresses à Hel et Hecate,

L’Acheronode

Le point le plus important de tout l’Acheron est certainement sa sphère centrale :  l’Acheronode, qui lui-même contient à sa périphérie le Fonstyx : la source du Styx. Elle est située à la terminaison d’une vallée délimitée par des collines boisées dont les hauteurs sont parfois visitées par quelques centaures.

Le Fonstyx est délimité par cinq autels équidistants qui forment un cercle (ou les pointes d’un pentagramme). Les deux plus anciens sont l’autel de Straasha, qui alimente le Styx, et l’autel de Charon qui produit et anime le cours du Styx. Furent ensuite ajoutés l’autel d’Anubis qui soutient sa Balance, l’autel de Hel qui convoque les âmes des défunts non protégées, et l’autel de Ptah qui confère une infinité spatiale à la Balance et au Styx. Le fleuve jaillit du sol entre le centre du pentagramme et les autels de Charon et de Straasha et coule ensuite dans la vallée, emmenant les âmes maudites ou damnées.

Le Tribunal voulu par Ptah a été remplacé par la Balance d’Anubis posée au centre du cercle formé par les cinq autels. Hel y envoie les âmes en passe de jugement et notamment les errantes, qui ne sont pas protégées ou revendiquées par une divinité sans avoir été pour autant maudites par elle ou vendues ou souillées (celles-là embarquent directement dans le Styx). Ces âmes sont déposées sur la Balance d’Anubis qu’Isis et Gond ont aidé à construire. La Balance était à l’origine un dispositif interne à la seule Egypte Céleste ; il a été déplacé en Achéronode en conséquence de la création des Enfers et étendue à l’univers. Elle est alors devenue un être mécanique (un « construct ») qui décide de l’affectation ou non aux Enfers des âmes qu’elle reçoit.

La pesée sert à déterminer si une âme errante est ou non damnée par les péchés qu’elle a commis au cours de sa dernière vie. Elle tient compte des sept péchés capitaux qui chargent l’âme : Orgueil, Cruauté, Cupidité, Colère, Envie, Luxure, Gloutonnerie et détermine également si l’esprit du défunt peut être qualifié de l’une des sept catégories de damnés :
Violents (ou Assassins ou Sanguinaires) : ils tuent ou estropient par habitude ou par plaisir ou par intérêt ;
Pillards : ils tuent ou estropient à des fins d’enrichissement ;
Violeurs : ils forcent autrui à des actes sexuels ;
Tortureurs : ils infligent à plaisir ou par intérêt la souffrance ;
Perfides : ils corrompent, conseillent ou agissent indirectement pour provoquer le mal ;
Traîtres : ils manquent à leur allégeance spirituelle ou matérielle envers ceux à qui ils la doivent (par exemple leurs familles, leur seigneur, leurs proches, leur culte) ;
Faussaires (ou Escrocs) : ils trompent autrui pour leur profit.

Après la pesée, les âmes partent sur le Styx sous la garde d’Anubis et quittent rapidement l’Acheronode pour être acheminées par Charon selon le cas aux Enfers, aux Champs d’Asphodel, ou à tout autre lieu de destination particulier sur le Styx, par exemple Thanatos ou Niflheim.

L’Acheronode contient par ailleurs le domaine du dieu Votishal le Bourreau, ensemble fortifié dont l’allure générale n’incite pas à la curiosité.

Les cubes d’Acheron

Les cubes gravitant autour de l’Acheronode sont les suivants.

Cube n°1 : Avalas, domaine du dieu Arès.

Cube n°2 : Penumbria, où se situent les palais des déesses Nout et Bast ainsi que  le domaine du dieu goblinoïde Meriadar.

Cube n°3 : Ocanthus, qui constitue le domaine personnel de Set, où se trouvent ses plus fidèles yuan-tis, nombre de ses concubines et enfants, et foultitudes de créatures serpentines.

Cube n°4 : Nishrek, royaume de Gruumsh.

Cube n°5 : Tintibulus, étrange complexe de mécanismes  inhabitable sauf pour Gond (qui n’y vient jamais) et pour les créatures elles-mêmes mécaniques.

Cube n°6 : Thuldanin, également connu comme le grand cimetière de toutes créatures ; il inclut notamment le Palais de Hel en Acheron et Hecate y a également sa forteresse de Cabal Macabre.

A la demande de Hecate et de Bast, un domaine dans Penumbria fut ménagé pour le dieu gobelin Meriadar le Patient, qui est aussi le dieu de la tolérance celui des créatures difformes.
Set, qui incarne le banni, offrit également refuge à Gruumsh lui aussi banni afin qu’il puisse établir son domaine de Nishrek, base de ses futures conquêtes. Il lui octroya à cet effet le quatrième cube.
Set lui avait demandé en échange un service qu’il lui rendrait à l’avenir. Ce service survint pendant les guerres de la G.E.C. en 4878. Il s’agit d’un épisode peu connu mais dont les retentissements furent considérables et qui sera narré plus loin.

III – De Baator aux Enfers

1 – Le dessein de Set

Selon le dessein initial de Ptah qui fut rejeté par les autres dieux, le plan extérieur de Baator devait servir de prison aux condamnés par le tribunal qui n’eut jamais lieu en Acheron. Aux temps de sa gloire en Acheron, Set envisageait, selon lui logiquement et « à la Hadès », une extension de son pouvoir dans ce plan voisin du sien et en aval immédiat du Styx. Il entreprit dans cette perspective de sculpter les neuf strates de Baator pour leur donner leur forme de pyramide inversée. Puis il confia à son fils Astaroth la charge d’en aménager les neuf strates.

D’autre part, constatant que les dieux préféraient quérir directement les âmes dans les champs d’Asphodel, Set eut l’idée de proposer à Hel, Hadès et Charon de simplifier leurs tâches que l’absence du tribunal de l’Achéron avait considérablement accrues. En effet, ces divinités se retrouvaient concrètement en charge de l’intégralité du le tri des âmes post-mortem, ce que le tribunal de Ptah visait à éviter.
Set suggéra que Charon amènerait directement en Baator toutes les âmes qui auraient été maudites, c’est à dire condamnées par leur dieu ou clergé, ou damnées par l’accumulation de péchés écrasants, et ainsi garanties de ne pas se voir élues dans les champs d’Asphodel. Cela diminuerait d’autant les arrivées et ferait d’autant de place en plus pour les autres. Les âmes ne seraient pas jugées post-mortem mais marquées au moment de leur mort par les représentants des dieux ou par Hel en cas d’évidence de leurs péchés, ce qui rendrait facile leur sélection. Comme un fort petit nombre d’âmes recevraient pareille marque et que l’humanité en était alors à ses premiers pas, le nombre d’âmes concernées resterait certes faible mais il représenterait néanmoins un appréciable soulagement pour Hadès.

Hel, Hadès et Charon acceptèrent à condition que quelqu’un se charge de ces âmes à leur arrivée en Baator. Suivant la suggestion de Set, Hel accepta de le faire temporairement en étendant le Niflheim jusqu’à la première strate de Baator 3. Cet accord entre Set, Hadès, Hel et Charon fut ensuite appelé le premier pacte fondateur des Enfers.

2 – Les archons déchus

Aux tous premiers temps de l’humanité, les dieux constatèrent que les humains livrés à eux-mêmes constituaient des proies faciles pour les démons des Abysses et qu’ils succombaient volontiers à leurs tentations. Les dieux des plans supérieurs constituèrent alors des forces composées notamment d’archons chargés de combattre ces démons et de ramener les humains à de meilleures dispositions.

Les archons sont encore aujourd’hui des créatures des plans supérieurs, accoutumées à fréquenter le Bien et à des valeurs simples et univoques. Ils étaient conçus pour affronter des ennemis symétriques à eux : les obyriths et démons. En revanche ils n’étaient pas préparés aux complexités des nouveaux humains déterminés par leur libre arbitre. Leurs interventions entraînèrent ainsi quelques regrettables excès.

Certaines sources relatent qu’un petit groupe d’archons particulièrement vindicatif élimina ainsi d’un monde dont ils avaient la surveillance 65.000 humains par l’épée puis 70.000 par la maladie puis 185.000 par le feu et le magie, et sans doute davantage par des massacres dont la trace n’a pas été conservée. Ce groupe fut surnommé les Exterminateurs ; il était conduit par les archons Grigori et Satanael.

Un autre groupe de deux cents archons fut chargé d’encadrer les humains d’un autre monde afin de guider leur développement, sous la conduite de l’archon Azazel, et de les protéger des démons, défense confiée à l’archon Samyaza. Cependant ces archons s’entendirent si bien avec les humains qu’ils finirent par partager leur sort et leur mode de vie, leur enseignant toutes sortes de techniques et de secrets. Surtout, tentés par la beauté des humains, ils forniquèrent avec eux, créant la race de demi-archons appelés Nephilims. Ce groupe est surnommé les Déchus.

Un troisième groupe était constitué d’une brigade de patrouilleurs chargés d’une part d’intercepter les démons dans tout l’univers afin de les empêcher d’atteindre les plans matériels, d’autre part de purger ces plans du mal là où ils les auraient atteints. Cette brigade exécuta si bien sa tâche qu’elle finit par se comporter de manière similaire à son ennemi à force de comprendre d’abord et de s’inspirer ensuite de ses modes de raisonnement et d’opération. Surtout, cette brigade fut à plusieurs reprises confrontée au Grand Ancien Tharizdun qu’elle prit pour un grand démon sans l’identifier et sans connaître ses dangers particuliers. Cette ignorance permit à Tharizdun de corrompre sans trop de difficulté les âmes de ces archons. Ce troisième groupe avait pour chefs Asmodeus, Dispater et Belial ; il fut surnommé les Corrompus.

Ceux-ci s’avéraient les plus intéressants pour Set car c’est chez eux que le mal avait le plus profondément infusé. Les Exterminateurs et les Déchus croyaient encore agir pour le Bien, même s’ils se trompaient ; mais les Corrompus savaient qu’ils combattaient le mal par le mal.
Set leur proposa donc d’habiter Baator d’une part afin de pouvoir continuer de mener leurs combats depuis cette base, d’autre part afin d’y servir de gardiens des âmes maudites qui y affluaient en y remplaçant Hel. Les Corrompus acceptèrent aussitôt car ils sentaient grandir à leur encontre l’hostilité des dieux dont ils tenaient leurs pouvoirs.
Ils savaient qu’en punition de leurs méfaits, les Déchus avaient été emprisonnés dans le Cinquième Paradis par décision de Tyr, Athéna et Osiris, malgré le soutien que leur avait apporté Heimdall, Freyya et Isis. Les mêmes dieux avaient assigné un recoin du Deuxième Paradis aux Exterminateurs qu’ils avaient privés de leurs pouvoirs. Ceux-ci contestaient vigoureusement avoir mal agi et se rebellaient contre leurs dieux tutélaires avec l’appui de Votishal et d’Arès mais en attendant ils demeuraient emprisonnés. Nul doute qu’un sort similaire attendait les Corrompus  : la proposition de Set tombait donc à point nommé.

De leur côté, Hel et Hecate se montrèrent fort contentes de voir Belial et Dispater prendre leur relève. Hel rétracta le Niflheim, refaisant de Baator un plan entièrement autonome. Les ex-archons reçurent ensuite la charge du flux d’âmes maudites ou damnées arrivant sur le Styx. Quant à Set, il triomphait de se voir le maître de deux plans et de nouveaux serviteurs en attendant mieux encore.

L’accueil des Corrompus par Set en Baator aux fins de remplacer Hel et Hecate à la garde des âmes maudites ou damnées constitue le deuxième pacte fondateur des Enfers.

3 – Asmodeus et le pacte Primeval

Aussitôt après, les Corrompus furent convoqués sur le premier des Sept Cieux par ceux qui les avaient formés : Moradin, Tyr, Athéna, Ukko, Frigga, Horus et Osiris, représentant en l’occurrence les divinités de loi. Refusant la proposition de Set de l’accompagner, Asmodeus se rendit bravement seul devant eux, assumant la responsabilité de tous les actes de sa brigade. Sans laisser le temps aux dieux de l’accuser il prit effrontément la parole en premier pour proclamer d’un air triomphant :
— Hautes et saintes puissances ! Vous nous aviez chargé de combattre le chaos : personne ne s’y est mieux employé que la brigade que je commande avec mes beaux lieutenants Belial et Dispater.
— Vous avez bien mené la guerre que nous vous avions confié, convint Tyr. Mais vous vous êtes aussi honteusement entachés et votre exemple est mauvais.
Asmodeus esquissa un sourire.
— Je vois ici la puissante Athéna, très sage déesse de la guerre. Vous-même, grand et saint Tyr, l’êtes aussi. Vous devez mieux que quiconque savoir que la guerre est une sale affaire. Nous nous sommes entachés pour que vous puissiez demeurer propres. Nous nous sommes noircis pour que vous demeuriez immaculés. Nous avons maintenu et renforcé les lois et l’ordre, non l’inverse.
— Allons ! s’écria Frigga. Vous avez tué encore plus que les Exterminateurs. Vous avez défiguré nos créations. Vous avez ravagé des mondes entiers !
— Vrai, répondit tranquillement Asmodeus. Nous avons élevé des murs de montagnes infranchissables pour écarter les démons et protéger les vivants. Nous avons répandu le désert partout où le chaos avait gagné les coeurs et les esprits. Nous avons asséché des océans pour combler les corridors de chaos cachés dans les profondeurs sous-marines. Partout où nous sommes passés, l’ordre a fini par régner. Et vous savez quoi ? Ça ne sert à rien, à cause de vous.
— De nous ? fit ironiquement Frigga.
— Mesurez votre impudence ajouta Horus. Notre patience n’est pas sans limites, même face à un archon devenu fou.
Asmodeus se jeta théâtralement à terre, face contre sol. Moradin affirmera plus tard que l’archon allongé avec ses ailes éployées et ses bras en croix lui faisait l’effet d’un gros insecte rampant.
— Lumineux Vengeur, répondit doucement Asmodeus, vous ne devriez pas me croire insane. Je suis au contraire de vos meilleurs serviteurs. J’ai honoré la sainte Vengeance comme peu l’ont fait. Mais ce n’est pas moi qui l’ai alimentée. Je vous supplie de me croire : votre reproche est à la fois injuste et illicite.
— Illicite ? Et pourquoi donc ? grogna Horus.
Asmodeus s’accouda au sol pour lui faire face.
— Eh bien parce que vous créez sans cesse des mondes et des vivants, de sorte que le même problème se pose sans cesse à nouveau. Les hommes escaladent nos montagnes pour rejoindre ceux qui les excitent par des tentations de voluptés ou de pouvoir. Ces mêmes montagnes que vos nains, Seigneur Moradin, quittent pour s’enterrer à la recherche de trésors matériels. Tenez, même des hobbits de la si gentille et si bonne divine dame Yondalla cherchent à dérober le bien de leur voisin, à escroquer un proche, à séduire la femme de leur frère, à spéculer sur une mauvaise récolte. Tout cela parce que vous avez choisi de leur donner leur libre arbitre.
— Bien sûr ! répliqua Osiris. Sans libre arbitre leurs choix, à commencer par celui de la loi, ne signifieraient rien.
— Alors ne venez pas vous plaindre des conséquences, répliqua vivement Asmodeus en se relevant, moins encore me blâmer de les avoir limitées comme vous me l’avez demandé. Vous m’avez traité de fou. Votre propre oracle, déesse Athéna, enseigne qu’il n’est pire fou que celui qui déplore les effets de ce dont il chérit les causes.
— Vous êtes bien informé, murmura la déesse aux yeux pers.
Voyant qu’Asmodeus ouvrait la bouche elle l’arrêta d’un geste lui interdisant de l’interrompre.
— Je sais : vous estimez connaître la réalité d’en bas mieux que nous, vous savez de quoi vous parlez. Vous vous croyez ainsi supérieur. Ayez donc un peu moins d’arrogance, Asmodeus, cela nous facilitera la tâche à tous.

Ce fut le seul moment où Asmodeus trembla intérieurement. En un éclair, il revit toute la bonté, la bienveillante sagesse, la surnaturelle perspicacité de la fille de Zeus qui l’avait tant émerveillé, il y a si longtemps, quand il n’était auprès d’elle qu’un apprenti parmi d’autres. Personne, même parmi les dieux, ne sonde les esprits avec autant d’acuité, songea-t-il. Elle sait peut-être déjà tout ou a tout compris ou pressenti. Elle me tient dans sa main.
Soudain, la peur l’envahit. Un bref instant, il eut envie de redevenir le jeune Asmodée, un brillant et fier archon parmi les siens, ce bel ange qui faisait l’admiration des Sept Cieux.  Il savait le confort, la quiétude, la bienheureuse jouissance d’être le protégé d’Athéna, l’ami d’Ukko, l’élève de Tyr. Pour la dernière fois, il fut tenté de revenir à son essence, à lui-même. Mais une sorte de mécanique, un autre lui-même, continua le discours qu’il avait préparé car il avait tout préparé, il savait tout ce qu’il allait dire, ce qu’il fallait dire, à quel moment et dans quel but. D’une certaine manière, il revenait à Athéna de décider si Asmodée deviendrait ou non Asmodeus. Si elle l’avait percé à jour, si elle avait résolu de l’abattre, il n’y pourrait rien ; il était, pour la dernière fois, entre ses mains. D’une voix légèrement tremblante, il reprit.
— Je ne suis que votre humble serviteur, ô déesse. Je n’ai pas créé ces mortels, je ne puis les comprendre : je les vois seulement ne pas résister à cette liberté que les démons agitent devant leur visage et qui les voue en réalité à l’anarchie et au final à la destruction. Je ne puis que vous avertir par ma modeste expérience : cela ne cessera pas. Tant qu’il y aura des hommes et des mondes, cette même absurdité se reproduira éternellement.
— Vous n’êtes pas venu jusqu’à nous sans une idée de solution, n’est-ce pas ? dit calmement Athéna.
— Vous êtes la Sagesse même et vous le savez, fit Asmodeus en plongeant dans une profonde révérence. Il avait réussi à raffermir sa voix mais sa peur grandissait : il était désormais certain qu’Athéna avait deviné ce qu’il allait dire et sans doute avait-elle aussi pris sa décision à ce sujet. Il lui fallait à tout prix convaincre les autres dieux.
— Vous voulez à la fois que la loi soit maintenue ou défendue, que les hommes soient libres de décider par eux-mêmes, et éviter les désagréments entraînés par la contrariété de ces deux volontés. C’est pourquoi le tribunal de l’Acheron vous a paru si déplaisant qu’il n’a jamais eu lieu : il vous aurait obligé à vous mettre à la place des mortels. La logique du vénérable Ptah était pourtant simple, juste et cohérente : je suppose qu’aucune divinité ni serviteur de la loi n’oserait le contester. Cette logique demeure et c’est elle qui m’inspire la seule solution restante, que vous connaissez évidemment : elle s’appelle la punition.
— Qu’entendez-vous par punition ? demanda aussitôt Tyr.
— Je ne suis pas certain de comprendre votre question, répliqua Asmodeus. Grand et saint Tyr, vous êtes dieu de justice. Vous prononcez des châtiments. Le terrible Votishal, votre exécuteur, n’est-il pas en Gladsheim, près de votre demeure ? Le grand Horus, qui me fait l’honneur de m’entendre, n’est-il pas dieu du châtiment ? Le grand Poséido ne veille-t-il pas à la perpétuation du châtiment des Grands Anciens ? Et Set le sombre n’a-t-il pas été condamné par vous-même, puissant Osiris, à un châtiment délibéré et précis ? Tous, ici, ne punissez-vous pas ? Saint Tyr, chacun de vous sait incomparablement mieux que moi ce que punition signifie.
— Asmodeus, dit Athéna avec un très mince sourire, nous savons tous ici ce qu’est la punition. Cesse donc de jouer : quelle est cette punition que TU proposes ?
— Elle existe déjà. Le très puissant divin seigneur des ombres nous a accordé son hospitalité dans le lieu de Baator.
— … sans aucun droit interrompit Moradin. Cela ne vaut pas tripette.
— Vraiment ? fit Asmodeus en se retournant vivement vers le père des nains. Le consentement de Set, Hecate, Hel, avec la bénédiction de Charon et de Hadès, l’acceptation à tout le moins tacite de Ptah, tout cela ne signifie donc rien pour vous ? Hé bien admettons. Mais alors : que comptez-vous donc faire, puissant Moradin ? Entrerez-vous en guerre afin de nous expulser de Baator ? Voudrez-vous affronter d’autres dieux de la loi pour faire prévaloir votre point de vue ? Est-ce loyal de déchirer un accord consenti par des dieux de la loi au prétexte qu’on n’en est pas soi-même signataire ? Est-ce loyal d’attaquer des serviteurs de la loi qui ne vous ont rien fait au seul motif qu’ils sont partie à cet accord ? En vérité, qui est ici le défenseur de la loi et qui est ici le propagateur du chaos ?
— Moradin, laisse donc cet archon finir, déclara Frigga avec un geste d’apaisement.
— C’est avec lui que je vais en finir, grogna le dieu des nains.
Un imperceptible sourire parut sur les lèvres d’Asmodeus.
— Poursuivez, Asmodeus, ordonna Frigga.
— Je vous remercie, très divine Douairière d’Asgard. Je vous propose simplement de nous agréer gardiens et punisseurs des âmes qui arrivent en Baator. Cela ne présente que des avantages. Nous continuerons de combattre le chaos par ces méthodes qui certes vous déplaisent mais dont vous-mêmes ne niez pas l’efficacité. Nous assurerons la décharge des âmes malignes, traîtres, corrompues, dont vous ne voulez plus et qui encombreraient inutilement les champs d’Asphodel au grand mécontentement de Hadès et de Charon. De sorte que l’univers retrouvera l’équilibre entre les tâches de chacun pensées par l’immense Ptah et garanties par les Parques. Nous offrons même de nous charger des âmes sur lesquelles pèsent de lourds péchés sans avoir pour autant été maudites. Cependant c’est une bien lourde tâche que ma brigade et moi entendons assumer. Aussi je vous demande de bien vouloir nous adjoindre ceux d’entre nous que vous appelez les Exterminateurs et les Déchus, qui vous encombrent, s’ils le souhaitent bien entendu.
— En fin de compte, c’est confier les âmes damnées à des anges damnés, murmura Ukko.
— Pourquoi vous ? demanda Horus.
— Qui d’autre ? lui répondit vivement Asmodeus. Qui donc se propose ? Lequel d’entre vous souhaite se consacrer à cette tâche ordurière ? Car c’est bien d’ordure qu’il s’agit. Qui s’est précipité pour assister Hel, Hecate ou même Hadès ? Vous seigneur Horus ? le divin Anubis ? l’altier Ukko ? Le bourreau Votishal ? Traiter des cadavres est une toute autre tâche que celles de prononcer les sanctions depuis le ciel ou d’exécuter sur terre les punitions qui les produisent. Le juge n’est pas le bourreau et le bourreau n’est pas le fossoyeur.
— En résumé, vous nous demandez d’avaliser votre arrangement avec Set, c’est-à-dire un accord entre un dieu banni et des archons renégats, sourit Athéna.
Asmodeus lui rendit intérieurement son sourire. C’est là qu’il l’attendait. La grande et belle et fortunée déesse à la Chouette, la fifille préférée à son papa Zeus, l’orgueilleuse guerrière invaincue, l’impeccable représentante de la Loi et du Bien.
— Renégat, banni : je suis bien trop humble pour oser contester vos paroles, bienheureuse Pallas Athéna. Si votre sagesse me qualifie ainsi, c’est que je l’ai assurément mérité. Votre jugement s’impose à moi  quelque soit le sentiment d’injustice que j’en éprouve. Mais n’est-il pas quelque peu cruel de me l’infliger ainsi à ce moment ?  Je suis venu à vous alors que je me trouvais sous la protection de Set. J’ai même refusé qu’il m’accompagne ici. J’ai pris sur moi toutes les vilenies que vous reprochez à ceux que j’ai commandés. Je me suis livré à vous nu, sans autre défense que mes paroles, dans la croyance en votre compréhension de ce que je vous dirai. J’entends qu’on veut en finir avec moi qui ne vaut pas tripette. Je suis un damné, mauvais sujet, impudent, fou, et vous ajoutez, ô Pallas, ce mot de renégat. Cet ajout était-il bien nécessaire à la divine fille de Zeus ? Ne pourrait-on trouver dans ces expressions de l’hostilité qu’inspire votre serviteur venu volontairement se mettre à votre merci quelque soupçon de cette cruauté que vous me reprochez d’avoir infligée aux mortels ?
Osiris, resté jusqu’alors silencieux, leva la main.
— Asmodeus dit vrai. Nous tournons autour de lui comme une meute à la curée. Cela suffit. Décidons.

Les dieux se consultèrent en un éclair. Un air renfrogné passa sur les visages de Moradin et d’Ukko. Frigga prit la parole.

— Nous nous pouvons nous accorder sur ta proposition, Asmodeus. Nous reconnaissons que tes enfers ont leur place dans Baator. Nous convenons de l’utilité de ta mission et du renfort que tu proposes. Mais reste cependant une difficulté qu’Athéna va t’exposer.
— Vous tous, Exterminateurs, Déchus et Corrompus, êtes à ce jour encore des archons, expliqua Athéna. Vos pouvoirs dérivent donc des nôtres. C’est pourquoi vous avez répondu à nos convocations et pourquoi toi, Asmodée, es ici, devant nous en cet instant. Or notre pouvoir ne peut être utilisé à des vilenies, de mauvaises manières ou à de mauvaises fins. Si vous quittez nos plans pour demeurer en Baator sous l’égide de Set, si vous appartenez à Baator, vos liens avec nos pouvoirs seront supprimés. Vous deviendrez alors impuissants. Comment comptez-vous ensuite accomplir vos tâches ?
— J’y ai songé, ô dame de divine sagesse. La puissante Hecate règne sur la magie. Je me suis assuré qu’elle serait capable de vous relayer en y étant renforcée par le grand Set.
Un frisson passa parmi les dieux. Horus, Tyr et Osiris ne purent éviter un haut-le-corps, Ukko et Moradin un rictus de dégoût. Le visage d’Athéna conserva une expression de tristesse, presque de mélancolie.
Jusque là, elle savait, songea Asmodeus. C’est maintenant que se joue le quitte ou double. Il leva la main.
— Je  sens votre inquiétude, votre réprobation peut-être. Mais Hecate seule ne pourrait conférer aux archons déchus et à tous ceux qui nous rallieront les vastes pouvoirs que vous nous avez accordés car il y faudrait trop de temps et d’efforts. Le grand seigneur Set a la puissance nécessaire à l’assister, plutôt que les divins Arès ou Votishal ; sinon pourquoi pas vous-même haute douairière Frigga ou la très sainte Isis ? Nous ne refusons aucune aide de quiconque.
— Tu t’égares, dit Athéna. Pour tous ceux dont tu tires tes pouvoirs le nom de Set est odieux et à proscrire. Escomptes-tu vraiment que nous plierons sur ce point ?
— Non, votre Divinité. Je ne suis qu’un de ces archons que vous tenez pour coupables. Je comprends que vous ne voulez pas nous laisser nos pouvoirs et que vous ne voulez pas non plus que quiconque vous substitue. Or ces pouvoirs sont nécessaires à l’accomplissement de tâches dont la divine douairière Frigga vient de reconnaître l’utilité et qu’elle a consenti à nous confier à Baator sans qu’aucun de vous ne s’y oppose. Nous nous trouvons donc devant une contradiction. Je la crois solvable.

Il marqua un bref silence. Le visage d’Athéna ne changea pas et elle ne dit rien. Asmodeus jeta un bref coup d’œil à Tyr, dieu de la justice : son visage restait lui aussi impassible. Les deux n’avaient pas moufté. Il résista à la délicieuse satisfaction qui l’étreignait : le pacte était donc conclu. Désormais ces deux-là pourraient et le cas échéant devraient témoigner que les dieux représentant la loi avaient convenu que les archons renégats étaient légitimes à agir et résider en Baator et que le reste n’était que détails pratiques. Il ne restait plus qu’une étape. Il reprit.
— Vous pourriez sans doute ériger certains d’entre nous en divinités indépendantes, comme vous l’êtes vous-même. Mais je ne crois pas que tel soit votre désir.
— Assurément non ! s’exclama Moradin.
— Fort bien, saint père des nains. Alors puisque vous nous reconnaissez la charge légitime des âmes maudites, je vous propose une simple petite mesure : nous reconnaître la faculté d’en disposer. Ce qui implique la possibilité de les détruire pour en tirer des forces magiques ou essentielles nécessaires à des pouvoirs de même nature que ceux que vous nous avez conférés. Remarquez que c’est aussi une mesure d’intérêt général. Les Parques choisissent à chaque seconde des âmes neuves. Cela ne peut qu’entraîner une surabondance. Au lieu d’étendre à l’infini les cavernes de Hadès, n’est-il pas plus simple et plus économique d’employer judicieusement celles qui ont failli ? Je vous propose ainsi non seulement la garde des âmes maudites mais la régulation de l’ensemble des âmes.

Cette fois, les dieux durent prendre le temps de débattre.
Leurs dissensions étaient multiples. Osiris et Horus ne voulaient pas entendre parler de Set mais pour le reste ils considéraient la proposition d’Asmodeus comme un pis-aller cohérent et acceptable. Frigga inclinait elle aussi à accepter, ne trouvant aucune faille dans la logique asmodéenne. Au contraire, Moradin et Ukko rejetaient tout en bloc au nom de la pureté de leur éthique. Tyr hésitait : il acceptait le principe de la sanction des âmes maudites mais regimbait à l’idée de la confier à des archons déchus.
Athéna expliqua que pour elle, les dieux ne pouvaient s’en prendre qu’à eux-mêmes : d’une part ils n’avaient pas voulu du tribunal de l’Achéron, d’autre part ils avaient laissé les archons agir à leur guise sans préparation idoine, et enfin ils n’avaient pas suffisamment mesuré la contradiction potentielle entre libre arbitre et respect de la loi par les mortels. Asmodeus et ceux qu’il représentait n’étaient que le bilan de ces erreurs. Et ce bilan avait l’approbation silencieuse de Ptah : si ce dernier avait désapprouvé l’installation en Baator des archons à l’initiative de Set il l’aurait fait savoir. Donc, les propositions d’Asmodeus ne contrevenaient pas à l’ordonnancement de l’univers, ce qui leur conférait une certaine légitimité.
Tyr suggéra qu’on s’en assure en posant la question au dieu de l’espace ce que tous sauf Moradin acceptèrent. Tyr chargea donc Hermès de transmettre à Ptah la narration certifiée par Thoth de ce que proposait Asmodeus. Il revint avec la réponse : pas de réponse.
Alors la majorité des dieux représentant la loi, malgré le vote contraire de Moradin et d’Ukko, accepta les propositions d’Asmodeus.

Ainsi fut scellé le troisième et ultime pacte fondateur des Enfers, aussi appelé Pacte Primeval, qui les constitue définitivement sous leur forme actuelle.


1 — “ Ils n’en peuvent sortir : Poséidon a sur eux clos des portes d’airain, le rempart s’étend de tous les côtés. ” (Hésiode, Théogonie, 716 )
Le plan extérieur du Tartare (ou Tarterus ou Carceri) est entouré dans sa couche externe, appelée Othrys, d’une muraille fabriquée par Poséido avec l’aide de Goibhnie dans un alliage d’un métal similaire à celui du Sceau de Ry’Leh. Il s’agit en effet d’une reproduction du mécanisme de ce Sceau qui est destinée à emprisonner dans le Tartare les créatures condamnées par un ou des dieux. Seul Poséido peut ouvrir sa grande porte dite d’Airain pour laisser passer les condamnés, vers l’intérieur pour y entrer ou vers l’extérieur pour en sortir. La muraille ne contraint que les créatures condamnées par les dieux : les autres peuvent librement venir ou quitter Tarterus.

2 — Gelon rencontra et séduisit Eurynomë, titanide aimée de Zeus puis de Poséido avant d’être évincée de l’Olympe par la jalousie d’Hera. Ensemble ils fondèrent la tribu des Arimes et le pays d’Arimëa dans le plan des Outlands, dont la capitale est Typhia. Quand Set, aussi insatiable soit-il, finit par se lasser de la voracité d’Echidna, ils invitèrent celle-ci à y séjourner et elle y demeure depuis dans de vastes forêts et cavernes sous une montagne nommée Troadh.

3 — Il fut ainsi un temps où Hel accueillait les morts maudits en Baator. C’est l’origine du nom de Hell donné par métonymie à Baator et aussi de celui d’Enfers, qui dérive d’inférieur par analogie avec un Niflheim initialement situé en dessous de tous le autres plans et dont Hel était et est toujours la souveraine. 

 

Accaparement d’une âme maudite par un diable, Eglise d’Hecate, Almeria.

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