Derenworld News : Gemini 5227

22 juin 2021 par Kazz → Atlas, Cultes, Société

Il aura fallu trop longtemps, la faute à de nombreux facteurs extérieurs et à la rédaction plus longue que prévue de Tarantis, pour publier ces explosives news qui étaient établis dès l’hiver 2020. Mais enfin, les voici, du coup particulièrement longues. Contrairement à la plupart des précédentes, celles-ci sont chronologiques et conçues pour être lues dans l’ordre de leur présentation.
Il pourra être utile de se reporter aux précédentes nouvelles de 5226 et bien sûr aux cartes. 


Sales temps aux Abysses

En quelques années, les deux plus grands trônes des Abysses ont changé de propriétaire. Après l’Orcus, c’est le Demogorgon qui a été dégagé par une vaste opération où l’avatar d’Orcus, Glyphimhor, principal maître d’oeuvre, n’a brillé ni par sa stratégie ni par ses résultats. Il a pour cette raison été dégagé à son retour en Thanatos par le seigneur Thralhavoc, semble-t-il avec l’assistance de l’ancienne maîtresse du Demogorgon, la démone Shami-Amourae. Cet ex-prisonnière de la strate des Wells of Darkness vient d’en être libérée après l’étrange désastre d’une inondation par les eaux du Styx.

Cette libération n’est pas sans inquiéter car la rumeur court que d’autres démons pourraient bien en avoir profité, en particuliers deux fort redoutables.
D’une part le sinistre Lazbral’thull le Boucher, seigneur des assassins et tortionnaires et père des Nafelshnees, qui assassina trois princes démons tous tombés dans l’oubli sauf Malgarius qui survécut grâce à sa nature végétale ; ce terrible combattant constituerait une arme de choix s’il était libéré.
D’autre part Cabiri l’Observatrice, contemporaine d’Obox-Ob, mère des beholders, qui affronta Xiombarg ce qui la conduisit à terminer sa carrière dans les Wells ; elle tentera a minima de reprendre sa 6e strate si elle est libérée.

Thralhavoc est ainsi devenu le nouvel Orcus et il y a fort à parier qu’il n’apprécie pas plus que l’ancien le nouveau Demogorgon.
L’ancien Demogorgon apparaît avoir succombé à l’abomination Obox-Ob combinée à un raid d’Eladrins et de légions orcussiennes ayant pour fer de lance une compagnie d’aventuriers de ce monde-ci, laquelle combinait notamment la protection du dieu Bes, des mages de la Deran Thil-Magith et de l’Herminian, un membre de l’ordre des Blue Monks et de braves autant qu’opiniâtres guerriers. Afin de les protéger d’éventuelles représailles leurs noms ne seront pas divulgués.

Le chaos est certes chose ordinaire aux Abysses mais même dans ce contexte, la situation découlant de ces changements devient très difficile à analyser ou prédire. Aux dernières nouvelles, le général Bagromar est devenu le Demogorgon après avoir été premier lieutenant et fils spirituel du précédent. Il aurait pour cela éliminé son jumeau Tetradarian en profitant du raid orcussien. Malcanthet, reine des succubes et maîtresse de Demogorgon, l’a en tout cas reconnu pour souverain et installé dans les chausses de l’ancien et sur le trône du Gaping Maw (88e strate des Abysses).

Le nouveau Demogorgon passerait depuis son intronisation beaucoup de temps en méditation dans un temple du Gaping Maw afin d’y nouer de mystérieuses connexions. De son côté l’Orcus doit faire face à la fureur de ses troupes et à leur désir de venger leur échec dans l’expédition ayant éliminé le précédent Demogorgon ; un rôle capital sera à cet égard tenu par Obox-Ob qui semble toutefois avoir disparu sous l’effet, peut-être l’emprise, d’une redoutable puissance qui serait étrangère aux Abysses.

Dans cet inextricable désordre le seigneur Graz’zt avance tranquillement ses pions. Il apparaît aux « modérés » des Abysses comme un recours face aux incertitudes pesant sur le Gaping Maw ou Thanatos et passe pour le véritable suprême seigneur du moment. Il n’est cependant pas certain que le Demogorgon une fois sorti de ses méditations templières acceptera aisément de voir sa suprématie sur les Abysses ainsi remise en cause par le Sombre Prince. A cet égard, beaucoup va dépendre de la capacité de chacun à former un réseau de ces alliances souvent brèves et incertaines qui caractérisent les démons. Tandis qu’une Zuggtmoy ou un Fraz-Urb’luu apparaissent démonétisés par leurs implications ou vicissitudes dans l’affaire tharizdunienne, les positions de seigneurs comme Kostchtchie, Pazuzu, Yeenoghu ou Baphomet, voire Juiblex, relativement épargnés par l’actuel chaos, seront sans doute décisives.

On peut estimer que Kostchtchie, qui déteste particulièrement les Eladrins, sera tenté de se rapprocher de Demogorgon qui vient d’en être victime. Par haine de Graz’zt, Pazuzu en fera probablement autant, à moins qu’il n’opte pour le soutien à l’Orcus. Les rancunes réciproques de Yeenoghu et Baphomet les conduiront à prendre automatiquement des positions adverses l’un de l’autre ; pour les mêmes raisons il en ira de pareillement de Juiblex et Zuggtmoy. L’attitude de Kiaransalee est difficile à anticiper : déçue de n’avoir pas absorbé l’Orcus elle peut s’allier avec Graz’zt comme avec le Demogorgon. Puisque ce dernier peut certainement compter sur Malcanthet, les pronostics ne lui semblent pas défavorables. Mais on peut aussi envisager une situation équilibrée opposant par exemple des alliances Orcus – Pazuzu – Yeenoghu – Zuggtmoy ; Graz’zt – Kiaransalee – Juiblex – Vaprak – Fraz’Urb’Iuu ; Demogorgon – Kostchtchie – Baphomet – Malcanthet.

Dans ce cas, le ralliement de seigneurs certes importants mais qui préfèrent l’isolement aux querelles inter-démoniaques, pourrait faire la différence.
Par exemple Socothbenoth le Pervers, descendant de Malcanthet, dont la magnifique demeure de la 597ème strate fait envie à bien du monde, pourrait faire basculer son ami Pazuzu dans le camp du nouveau Demogorgon. Mais cela suffirait sans doute à rallier à Gra’zt la mère des monstres Lamashtu, ancienne amante de Pazuzu devenue son ennemie, qui gouverne la 503e strate où elle s’est enfuie.
Merrshaulk (Sch’theraqpasstt), le Serpent renaissant, patron des yuan-tis dans sa 111e strate, ira vers celui qui le protègera le mieux de Set, donc celui qui s’oppose le plus aux diables : le Demogorgon a sans doute une carte à jouer avec lui, d’autant qu’il est en bons termes avec Shaktari du Poison, reine des Mariliths, qui règne sur la 531e strate, inlassable pourvoyeuse de la guerre contre les enfers.
Mais la plupart des attitudes sont imprévisibles. Par exemple, nul ne peut prédire à quoi ou vers qui inclinera un Ilsidahur des Bar’lgura de la 90e strate, un Aseroth le glacial qui règne sur le froid extrême et les remorhaz de la 566e strate, Rhyxali la reine des Shadow Demons de la 49e strate qu’on dit être la soeur de Graz’zt, Sess’Innek des Lézards maléfiques qui reste reclus dans sa 7e strate, ou encore un Nocticula l’Incontestable, aussi mystérieux que cette ombre où est plongée sa 72e strate. Parmi les plus improbables se trouve les très anciens Malgarius et Obox-Ob. Malgarius, démon végétal quasi-assassiné par Lazbral’thull, régnait alors sur une strate ; il tente de rétablir son règne sur le la 548e strate. L’abomination Obox-Bob, qui passe pour vainqueur de Demogorgon, s’il réussit à redevenir une entité pensante complète et autonome, tentera certainement de reprendre ses 81e et 663e strates.

Les premiers à se réjouir de cet extrême chaos sont toutefois les puissances diaboliques. Les conflits internes aux Abysses sont souvent l’occasion d’une pause dans la Guerre Eternelle entre démons et diables. Pour ces derniers un tel répit n’est pas malvenu car les dernières offensives menées par le Général Bagromar leur avaient posé de sérieux problèmes.

Complément : trois importants seigneurs des Abysses

Pazuzu est, comme Obox-Ob ou Cabiri, un ancien obyrith. Il a survécu par ralliement à Demogorgon dont il fut peut-être le mentor. C’est en effet Pazuzu, alors obyrith relativement mineur, qui lui aurait montré le chemin de Vat Dagon et l’utilité de celui-ci en échange du contrôle de la 1e strate des Abysses, la plus importante de toutes par sa fonction de porte d’accès aux 665 autres strates. Longtemps très proche de Tharizdun, il rompit radicalement et définitivement avec celui-ci lors de sa première dispersion en 333 gemmes. Pazuzu est sans doute plus encore que Fraz-Urb’luu un maître de la dissimulation, se débrouillant toujours pour apparaître comme un prince de second plan afin de mieux ourdir ses intrigues. Il a des accointances personnelles avec Asmodeus et on dit qu’il fut le promoteur via Tharizdun de l’éternelle Guerre Sanglante entre infernaux et abyssaux.

Fraz-Urb’luu donne un « asile » couvert par le secret et le mystère à son maître Loki dans la 176e strate (Hollow Heart), les deux poursuivant toutefois des objectifs et entreprises distincts. Avant de sombrer dans des intrigues tharizduniennes qui conduiront à son emprisonnement et même à son ridicule, il fut le premier et principal appui de Demogorgon dans sa conquête des Abysses sur les obyriths. Son sens naturel de la trahison brisa rapidement cette alliance. Toutefois, si Demogorgon émergea en vainqueur des obyriths, Fraz-Urb’luu obtint quant à lui un pouvoir absolu, de l’ordre du divin, sur la 176e strate, incluant la capacité d’y summoner n’importe quel démon, y compris princes ou seigneurs. Logiquement haï de tous, en particulier de Graz’zt et Demogorgon, on ne lui connaît aucun allié, mais son appui, quand bien même toujours aléatoire et temporaire, demeure précieux.

Vaprak est non un démon mais un dieu qui demeure dans la 524e strate (Shatterstone). Il est très peu intéressé par les Abysses car principalement préoccupé de conserver l’énorme puissance constituée par le bénéfice de la vénération des ogres et les trolls, s’imaginant en compétition avec des divinités comme Maglubiyet, Gruumsh, Surtur ou Thrym. Cette paranoïa vient de sa célèbre humiliation par Brandobaris, dieu halfelin de la furtivité et de la discrétion, qui lui piqua des territoires dans un plan matériel à l’issue d’un pari dont Vaprak clame depuis lors qu’il était truqué. Il est généralement admise que la principale faiblesse de Vaprak en tant que puissance abyssale vient ainsi de sa focalisation sur le plan matériel et de sa négligence de la force qu’il représente en réalité aux Abysses.

Prometteuses récoltes

Les récoltes de l’an 5227 font pour la première fois depuis de trop nombreuses années percer un espoir de voir la famine décroître. Les clergés de Nepthys et de Silvanus et plus étonnamment de Bes ont annoncé qu’il fallait en effet s’attendre à une année normale, ni médiocre ni extraordinaire ; rapportée à ce que maintes contrées ont subi, la nouvelle de récoltes simplement ordinaires apporte un immense soulagement.

Les informations et analyses sur les cultures trop intensives ou mal réparties, sur la dégradation des semences, sur l’épuisement de terres qui n’auraient pas dû être mises en exploitation, si elles demeurent sans doutes pertinentes, sont éclipsées par une autre nouvelle qui s’est répandue semble-t-il depuis la cour Naëmbolt. L’infertilité des terres ou la maigreur des rendements ne serait pas seulement due à la sanction logique de mauvaises pratiques mais à la rémanence d’une corruption maléfique, semblable à celle dont on croyait s’être débarrassée avec le dieu corrupteur, qui serait néanmoins demeurée grâce à la répartition dans le monde entier d’appareillages utilisant le plan des Ombres. L’éviction de Tharizdun avait permis d’écarter l’étrange consomption qu’il alimentait chez les êtres vivants et notamment les elfes. Cependant ces choses d’ombre, dont on ignorait tout, auraient conservé les venins de la maladie tout en la rendant contagieuse aux végétaux.

Passant par le plan des ombres en quantités infimes, c’est par accumulation dans le temps que ces venins ont fini par propager leurs maladies végétales. Leur corruption maléfique n’était pas suffisante à faire périr les plantes affectées mais bien à les amoindrir assez pour leur faire perdre fleurs et fruits ou les rendre incapable de se défendre contre d’autres affections ordinaires. Cette attaque était d’autant plus dangereuse que la faiblesse de son intensité la rendait pratiquement indétectable. L’ignorance de ce phénomène l’a ainsi protégé mais il semble bien que ce soit l’effet de nombre et de durée de ces discrètes choses d’ombre qui ait causé le malheur subi par l’ensemble du continent.

Des enquêtes diligentées de maréchaussées opérées quasi simultanément dans le monde entier ont permis de découvrir et d’anéantir des dizaines de sphères d’ombre servant à cette démoniaque entreprise. Certains regards accusateurs se tournent vers les pays épargnés par les mauvaises récoltes et la famine qui s’en est ensuivie, voire qui en ont été bénéficiaires : la République Maritime d’Avros, le Royaume Confédéré d’Evriand, le Grand-Royaume de Vizan. Cette suspicion se renforce de ce qu’il a été établi par plusieurs clergés que ces sphères d’ombre procèdent bien d’un complot démoniaque. En maints pays, dont les Farxel, Marn, Isenheim, Zevjapuhr ou Mulgorge, de nombreuses gens parfois fort éduqués se sont persuadés que ce complot cache en réalité la main des magocrates du Vizan, des spéculateurs avrossians, ou des magocrates spéculateurs d’Evriand.

Ces rumeurs sont très vraisemblablement infondées. En effet, des renseignements obtenus des glorieux aventuriers ayant vaincu l’horreur tharizdunienne ont permis d’établir qu’ils avaient obtenu l’accès au coeur du Grand Ancien par l’entremise de Malgarius ; le seigneur démon végétal avait été ressuscité grâce à l’une de ses graines conservées par le démon l’ayant vaincu avant d’être acquise par un serviteur clérical de Tharizdun. Cela montre l’existence d’une relation inaperçue mais sans doute fort ancienne entre le Corrupteur et le règne végétal, dont les causes échappent aux politiques continentales.
Ces aventuriers ont à cette occasion aussi rencontré l’horreur Obox-Ob, ou son avatar, soit le même très ancien proto-démon (obyrith) ayant récemment vaincu le Demogorgon. D’après une autre source, Obox-Ob aurait été surpris et laissé vulnérable par la re-disparition de Tharizdun qu’ont opérée ces aventuriers, ce qui aurait facilité sa capture par Gorgant, avatar ou rejeton de Demogorgon, qui l’aurait surpris dans la 81e strate des Abysses et l’y aurait séquestré en attendant de l’envoyer dans un prison plus sûre ou dans les Wells of Darkness. On peut penser que 81e strate risque de devenir un champ de bataille entre ces deux puissances des Abysses.

Famine et dépopulation : autant d’opportunités pour les monstres

Dans mains endroits du monde, les « monstres » (essentiellement des humanoïdes de moyenne ou petite taille : orckiens, goblinoïdes, gnoll-kin, kobolds…) ont remplacé les habitats humains ou de leurs alliés. Ces invasions discrètes ont surtout eu lieu dans des contrées abandonnées par ceux qui y vivaient, qu’ils y soient morts ou en soient partis afin de chercher ailleurs leur subsistance. Elles ont aussi affecté les pays épargnés par les privations mais dont les forces militaires ont été débordées par des missions de protection des champs, des stocks, ou des marchés, et surtout insuffisantes en nombre et en préparation. En Evriand, Beraïc, Havener, Zevjapuhr on rapporte maintes incursions de « monstres » affamés venus de Mulgorge ou d’Isenheim qui ont souvent préféré rester sur les lieux de leur pillage plutôt que de s’en retourner là où sévissait la famine.

Il faut aussi se souvenir que la constitution goblinoïde ou orkienne est nettement plus résistante que l’humaine aux privations. Elle est également plus omnivore : orcs et gobelins peuvent et savent se nourrir de vers, d’insectes ou de racines que les humains n’oseraient pas avaler. S’ils n’ont pas l’ingéniosité civilisationnelle des humains, ils sont en revanche nettement plus aptes à la survie en temps et milieux hostiles. Tel shaman ogre soulignera que c’est une juste revanche de ceux qui sont apparus après l’accaparement des belles terres par les races de l’Ohar’s Scroll.

Ces phénomènes, observés un peu partout, ne sont qu’une des nombreuses conséquences de la famine ayant éprouvé Derenworld. Il faudra bien du temps pour réaliser et le cas échéant effacer ses répercussions tant sociales que politiques.

Isenheim : les orcs infléchissent le projet de république

Les négociations pour le rétablissement d’une autorité centrale vont bon train en Isenheim. Les derniers développements orientent l’avenir du pays vers une fédération bi-raciale séparée en contrées orcs et humaines. La protection extérieure reviendrait aux premiers, la police aux seconds.
Cette inflexion résulte des pourparlers conduits entre le Prince Ghedon d’Osmark, chargé de réorganiser le pays, et le Potentat Ouranos que sa qualité d’apôtre de Gruumsh a propulsé au rang de représentant des orcs. Le tour ainsi pris par les négociations a conduit la délégation lowenlander à retirer son appui à Ghedon.

La république initialement envisagée se verrait en pratique limitée aux provinces humaines de l’Isenheim, soit un peu plus de la moitié de son territoire actuel, compte tenu de la désertification causée par la famine. Cette république serait fédérée avec trois ou quatre Durkhanats (suivant l’approximative traduction qui pourrait correspondre au terme de duché) vassaux du comte Protecteur, lequel serait lui-même orc ou demi-orc. Ces durkhanats encadreraient le pays au sud, au nord, à l’ouest et peut-être à l’est.

En attendant, le Vizan est parvenu à livrer de considérables quantités de riz, d’olives, de poisson séché et de dattes confites dans le pays, interrompant les effets de la famine chez les populations humaines et non-humaines. Comme en Farxel, les vizaners ont à cet effet employés de considérables moyens logistiques, au point de négliger leur propre population. Outre proclamations, drapeaux et l’apposition de signes, dessins et blasons, le caractère légèrement exotique de ces aliments ne laissait guère de doute aux bénéficiaires sur leur provenance. Ainsi le Vizan jouit-il en Isenheim d’un prestige et d’une gratitude qui le récompensent amplement de l’investissement représenté par ses généreux secours.

Une succession vite et bien faite.

Connaissez-vous Jalx ? Car c’est ainsi que ses proches appellent le nouvel empereur Naëmbolt, qui ne s’en formalise pas. John-Alexander IV c’est beaucoup trop long. Jalx (prononcez Djalx) c’est jeune, frais, simple, facile à retenir, nouveau, à l’image du gentil prince soudain devenu empereur.

A 25 ans, celui-ci en a eu assez de subir le règne conjoint d’une Dandria qui n’y avait jamais aspiré et d’un John-Daniel qui l’exerçait un peu trop depuis un peu trop de temps. On ne sait ce qui s’est passé exactement mais il ressort de sources du Palais de l’Ailendil que la position du Prince Impérial fut à peu près la suivante.
Papa, Maman, vous êtes bien sympas, de vrais serviteurs de la Couronne à n’en pas douter mais la Couronne-la-vraie c’est à moi qu’elle revient. Voici douze ans que je suis en âge de régner, que j’écoute vos recommandations distraites et vos explications condescendantes en vous regardant occuper le trône de mon grand-père. J’estime avoir été bien aimable et patient mais maintenant il suffit : passez-moi ma couronne sinon je vais rejoindre le cousin Bruce. Vous ne voudriez quand même pas que je devienne votre pire cauchemar et aussi celui de l’Empire ?

L’abdication fut rédigée en quelques minutes dans la matinée du 2 Gemini 5227. A midi, l’acte était lu dans la grand’salle du trône du palais au cours d’une brève cérémonie en présence de l’Archimage Larraka, du Paladin Lord Bouldroc, des ducs d’Agle, d’Oakfen, d’Oglevern et d’Arwen, du prince de Goldhelm, de la comtesse de Lainz-Keshamar et d’une foule d’édiles invités à l’aube. La lecture terminée, John-Alexander IV monta sur le trône dont Dandria venait de descendre. Après quoi l’impératrice alla s’occuper de son futur Palais de la Pompe et le Prince Consort ne put que la suivre, n’ayant pas voix décisionnelle.
A ce propos, on a observé que dans les derniers mois son fils, alors futur souverain, évitait l’Ailendil pour habiter parmi le peuple dans ce Caër Spazza qu’avait affectionné son grand-père. C’est là qu’il aurait discrètement préparé sa révolution de palais avec quelques proches dont la baronne de Tolember-Arwen, le général Sulia Romov et le comte Nerenski.

Deux jeunes monarques sont désormais assis sur les deux plus grands trônes humains de Derenworld : Yimre et Jalx. Heureux présage pour le second : son avènement coincide avec la probable terminaison de la famine sur le continent. Du moins est-ce la position du clergé de Bes qui a été, étrangement, le premier à se voir convoqué par le nouvel empereur, au lieu des plus traditionnels Hermès, Athéna ou Râ, afin d’avaliser et bénir son règne.

Au plan intérieur, la nouvelle immédiatement interrompu la rébellion. Un nom a fait le reste : celui de Sulia Romov, l’increvable général ayant accepté de servir au Maréchalat pour le jeune empereur. Son seul nom rallie en effet l’intégralité des légions impériales ; d’autre part, et surtout, Romov connaît bien Edmund de Bergmale, généralissime rallié à la rébellion des deux Bruce. L’empereur le chargea donc d’une ambassade de frère d’armes à frère d’armes qui s’est avérée fort fructueuse. En échange de leur parole réciproque de sauf-conduit, Bergmale et Romov ont rameuté l’ensemble des nobles de l’Empire, et notamment la masse des égarés dans la rébellion, jusqu’aux tribunes de Clarfield, à l’est d’Ilnaëmb, lieu habituellement employé aux tournois de cavaliers, afin d’y entendre le discours que le nouvel empereur leur réservait.

Ce dernier parut en grand habit, tenant l’orbe et sceptre. Il fit forte impression. Il semblait beau, jeune, décidé : le contraire des derniers monarques. Pas une mèche grise ou blanche pour éclaircir sa chevelure brun-dorée. On admira la silhouette mince et droite, le teint clair et velouté de sa mère, les yeux sombres et perçants de son père. Avec des gestes simples, comme naturels, il posa devant lui la couronne, l’orbe et le sceptre, paraissant avoir passé sa vie à les manipuler. Il s’adressa ensuite à l’assistance d’une voix puissante et nette.
Voici quelques extraits du discours ainsi prononcé.

« Il est temps que l’argent de ce pays serve à d’autres que ceux qui font profession de l’engranger. Il est temps que nos nobles regagnent ce que leur grignotent depuis des décennies l’administration impériale, les libertés des villes, les privilèges commerciaux, le poids des légions, la centralisation fiscale. Notre Empire n’est pas l’Evriand ou le Farxel, moins encore Zevjapuhr ou Avros. Son centralisme n’a profité qu’aux contrées les plus riches, qu’aux financiers les plus rapaces. Pendant que Wejlar libérait Ganarbe et que l’Evriand se libérait tout seul, nous regardions tranquillement nos amis d’Arkandahr se faire envahir jusqu’aux Rieuls, nous laissions Isenheim sombrer dans l’anarchie, et aux frontières et même sur les terres de notre fidèle féal de Marn nous observions sans ciller un dragon succéder à une liche. Tout cela pour mieux emplir des bourses. Pour bâtir des palais, pour acheter des tableaux, pour payer des orchestres. Eh bien voilà qui est terminé ! Demain, nous entrerons en guerre en Arkandahr où nous vaincrons pour remettre le roi Morag sur son trône. Cher Bergmale et vous, mon beau cousin Colstone, vous serez à la tête des opérations. Je vous commets trois légions. Je me rendrai à Marn pour assurer le roi Karl-Maria de notre soutien et de notre amitié. »

« Seuls cinq gouverneurs territoriaux subsisteront : Gaïko, Brokelan, Dilan, Durfalls, Whitewall. Partout ailleurs, la couronne sera représentée mais le gouvernement au nom de l’empereur sera exercé par la maison noble suzeraine sur son territoire. Le duc d’Angwäven sera duc à Angwäven. Le duc de Chanteveille sera duc à Blumwald. Le roi d’Eriendel sera roi à Rwandel. Mais ne l’oubliez pas : vos pouvoirs sont vos devoirs. Vous devez justice. Vous devez protection. Vous devez la sécurité aux riches et l’assistance aux pauvres. Vous devez la liberté à chaque de nos sujets, bourgeois, moines, clercs, paysans, artisans, y compris la liberté d’acquérir et de conserver leurs propriétés. Vos peuples vous aimeront et obéiront non parce qu’ils vous servent mais parce ce que vous les servez. »

« Nous devons notre soutien partout où nos alliés le requièrent. Nos amis naugs sont depuis trop longtemps seuls défenseurs de nos étendues souterraines. Nous allons former et entretenir des unités spécialisées capables de leur apporter une aide et un relais dans cette lourde tâche. Nous ne pouvons non plus laisser nos aînés d’Ariandor ou de Dere, dont nous avons tant appris, sans secours face à la menace permanente de ceux qui ne les respectent pas. Le temps de la défiance entre elfes et humains d’Empire appartient au passé. Il doit y rester. S’en prendre à Dere, s’en prendre à Ariandor, c’est s’en prendre à nous. Qu’il soit par ailleurs hobbit, gnome, elfe, nain, ou humain, tout sujet de l’empire est et sera protégé par l’empereur. »

« Qu’on fait nos villes, nos guildes, nos corporations, pour combattre les dangers encourus par le monde en général et l’Empire en particulier pendant ces dernières décennies ? La main d’Arioch, les Lich-Kings, la corruption tharizdunienne n’ont pas été vaincues par la bourse bien garnie de guildes locales, nationales, internationales. Ni par les bavardages d’assemblées de peureux bourgeois. Ni par les bibelots et joliesses dont nous emplissons nos châteaux au lieu d’en réparer les créneaux et les hourds. Ces calamités ont été vaincues par des politiques et des hommes d’armes pour les exécuter. Des combattants, par magie parfois, par le sang toujours. Vrai, la Couronne n’a pas su éviter à l’Empire l’invasion thûzz ni la Great Evil Coalition. Mais notre maison, celle du grand Nirag Ier n’a, elle, jamais abandonné l’Etat. Elle n’a jamais lassé cet empire perdu en proie mauvais sort. Notre maison a su arrêter les Lich-Kings. Elle a su choisir les dignes héritiers de la Starway pour vaincre la main d’Arioch et ensuite la corruption tharizdunienne. La lignée actuelle de Lainz-Keshamar comme notre glorieux paladin Glade en sont des preuves irréfutables et notre mage impérial pourrait en apporter bien d’autres. Aujourd’hui comme hier, ce qui a sauvé et sauvera nos champs, nos paysans, notre peuple, nos femmes et nos enfants, nos récoltes et nos maisons, ce ne sont pas les prospères guides de commerce, ce ne sont pas des députés qui ne cherchent qu’à le rester, ce sont nos chevaliers, nos prêtres, nos magiciens, nos gardes et nos capitaines qui sont allés extirper les créatures ou engins maléfiques qui nous menacent tous, qui causent les maux de tous. Ils l’ont fait sur l’ordre non de quelque bourgeoisie mais sur celui de cette couronne ou de ses représentants. »

« Vrai ; le trône lève l’impôt que le Parlement crée. Il en ira ainsi, comme par le passé. Il n’y aura nulle nouvelle taxe sans l’assentiment du Parlement. Mais je relève au tiers le seuil auquel ce Parlement peut me remontrer une loi de finances. Jusqu’à trente trois pour cent, tout impôt ou taxe existante sera de mon gré, que je l’augmente que je l’abaisse. J’ai ce matin dissous le Parlement et renvoyé les députés à leurs familles, leurs boutiques, leurs affaires. Un nouveau Parlement, plus simple et moins populeux, sera élu et désigné selon des règles qui seront proclamées. »

Les propos du jeune souverain emportèrent une conviction que son charisme transforma en enthousiasme. Les nobles l’acclamèrent, certains tentèrent même de le porter en triomphe. D’autres avaient les larmes aux yeux devant cette incarnation d’une majesté retrouvée. Les rebelles mirent bas les armes ; ils furent aussitôt pardonnés, quelques-uns reçurent même une nomination. Tous rentrèrent chez eux convaincus du changement annoncé par le nouvel empereur.

Ils avaient raison : l’empereur honora sa parole.
Les VIe, Xe et XIIe légions se regroupent en Eriendel pour former une armée sous le commandement de Bergmale et de Colstone avec le prince Morag dans les fourgons.
Le Parlement impérial est dissout. Les rares protestations locales ont été anticipées et immédiatement réprimées. Partout l’administration centrale a été sommée de ne plus servir de relais aux édiles municipaux ; les nobles se donc dépêchés de retourner chacun dans leur territoire pour y reprendre la haute main sur les villes.
Un climat de paix civile s’est soudain étendu sur l’empire entre des nobles enchantés de retrouver leurs prérogatives, des guides et villes stupéfiées par le lâchage de leur principal appui, et une majorité du peuple pour qui rien n’a changé dans les faits, du moins pour le moment.

Accompagné notamment de l’Archimage Larraka et du Conseiller Ambasseur Seith d’Oglevern le nouvel empereur est allé voir le roi Karl-Maria de Marn où il a été reçu pendant trois jours. Il a rencontré toute la noblesse du pays mais aussi et surtout son Excellence Zbrogabrumbor, Empushedar Olgo Zeel (ambassadeur des nains Zeel ; cette ambassade aurait également inclus une délégation de Holderin comprenant le célèbre Ur-Lord Myrvall). De ce qui a filtré des entretiens entre les deux souverains apparaît une forte entente cimentée par une déférence réciproque. Il a été convenu que la XIIIe légion impériale devrait bientôt séjourner en Marn pour aider le pays à se relever des misères occasionnées par la famine et pour l’aider à sécuriser sa frontière avec Mulgorge qui demeure une pépinière à raids de pillards et bandits.

Dans ce contexte, peu s’arrêtèrent sur la surprenante composition du gouvernement de Sa Majesté Impériale réparti en un cabinet impérial de cinq personnes avec lesquelles le souverain travaille au quotidien et un conseil de gouvernement d’une quinzaine de membres convoqués en tout ou partie par semaine ou quinzaine.

Cabinet impérial (ou Conseil privé)
Comte Elmë Nerenski : Secrétaire particulier de l’Empereur
Questeur Maynard Alfonso : Grand Chancelier de l’Empire
Comte Eärmun de Dwarvenstone : Grand Sénéchal d’Empire
Chevalier Eberic Chalkenmoon : Héraut de l’Empereur
Baronne Arluise de Tolember-Arwen : Grand Trésorier de l’Empire

Conseil impérial ordinaire (ou Conseil de Gouvernement)
Le Cabinet impérial
Sir Bélizé Cowfrat : Premier Haut Juge d’Empire
Duc Adorn de Colstone : Grand Amiral d’Empire,
Général Sulia Romov : Grand Maréchal d’Empire
Paladin Lord Bouldroc : Grand Maître des Paladins d’Empire,
Archimage Larraka : Mage impérial
Baronne Clésine d’Orandreth-Colstone : Grande Archiviste
Dame Bérénice Prigoria : Chambellan de la Maison Impériale
Dame Sallustina Jov : Conseiller aux Affaires particulières
Chevalier Seith d’Oglevern : Conseiller à la Diplomatie, Grand Ambassadeur
Prince Consort John-Daniel Arveïn : Conseiller aux Finances
Vicomte Darius Oakfen : Conseiller à la Diplomatie, Grand Ambassadeur

Ce gouvernement suscite pourtant un nombre de sujets d’étonnements, la plupart manifestes :
– l’élévation et l’intronisation d’un demi-elfe ex-compagnon du grand-père de l’empereur au rang de ministre de son conseil privé, qui plus est le plus personnel d’entre eux ;
– l’admission d’un rebelle, Dwarvenstone, dans ce conseil privé, au poste de Sénéchal, c’est à dire en charge des dépenses d’investissements et d’entretien des infrastructures ou des aides de l’État ;
– la baronne Tolember-Arwen, que personne n’avait vu venir, à la fois en tant que femme au sein de ce conseil privé et parce que sa maison ne faisait guère parler d’elle depuis un bon siècle ;
– l’apparition d’un juge d’Empire au sein du conseil ordinaire, qui peut signifier soit que l’empereur entend transmettre directement ses ordres à l’appareil judiciaire soit qu’il entend gouverner en se mettant à l’écoute de cet appareil ;
– le retour du Grand Maître des Paladins d’Empire au sein de ce conseil afin qu’il lui apporte son incontestable caution de sincérité ;
– l’étonnante promotion de Sulia Romov en lieu et place d’un Montaygue qui n’a pas démérité et duquel le nouveau Maréchal est un fidèle ;
– l’entrée de trois femmes dont deux inconnues au conseil, la troisième, la baronne d’Orandreth-Colstone, étant relativement âgée, fort cultivée, connue pour sa dilection envers la culture elfe et envers les sciences et la littérature ;
– deux conseillers à la diplomatie en sus du Hérault impérial mais pas de ministre des races, ni des cultes, ni d’intendant supervisant l’appareil administratif ou les guildes ou villes ;
– le retour d’un Oglevern au conseil en la surprenante personne du plus jeune des fils de l’actuel duc Seymour qu’on croyait plutôt destiné à une carrière religieuse ou professorale ;
– la présence du propre père du souverain dans son conseil dans les fonctions qu’il occupait avant de régner en tant que consort.
Enfin, rarement conseil d’Empire aura été plus mélangé : des serviteurs presque inamovibles (Colstone, Larraka) côtoient de parfaits inconnus (Prigoria, Jov), des chevaux de retour (Nerenski, Oakfen) voisinent avec de nouvelles têtes (Chalkenmoon, Orandreth-Colstone), des hommes d’armes (Bouldroc, Chalkenmoon) avec de tranquilles lettrés (Oglevern, Alfonso) ; s’y mêlent des jeunes et des vieux, des femmes et des hommes et même un demi-elfe. Il est manifeste que Jalx s’est fait une idée aussi originale que claire et précise de son règne et qu’il entend l’appliquer immédiatement.

Celle-ci commence par une activité diplomatique à laquelle le Naëmbolt avait de longtemps cessé d’habituer le monde. Outre la première visite réservée à Marn et la mise en oeuvre des actions annoncées par le discours de Clarfield, en témoignent les prochaines visites annoncées de ou à sa nouvelle Majesté Impériale, pour le moins inhabituelles : Thûzzland, Dere, Tarantis, Okhpuhr et, au plan intérieur, une tournée dans l’est de l’Empire avec des étapes prévues en Gaïko, à Narzâd, à Gorlech, en Eriendel. Ce n’est pas seulement l’Empire mais bien le monde qui va devoir changer sa vision du trône Naëmbolt.

Deux jeunes souverains en compétition ou en conflit ?

Deux jeunes coqs ou deux avisés manoeuvriers ? La question se pose pour beaucoup au constat de la simultanéité avec laquelle les deux puissances majeures que sont l’Empire et le Vizan ont désormais chacune à leur tête un nouveau souverain qui entend bien bousculer les choses. Au point que John-Alexander IV semble s’être inspiré d’Yimre pour la soudaineté et l’assurance avec laquelle il entend imposer son autorité nouvelle et personnelle. Mais ce même Yimre ne fait pas partie des monarques que Jalx a cité dans ses discours ou escompte visiter ; de son côté, le roi des rois n’a semble-t-il pas encore réagi à l’avènement du nouvel empereur. De là à considérer que les deux jeunes souverains commencent en froid l’un vis-à-vis de l’autre, il n’y a qu’un pas.
Dans l’implicite rivalité qui semble ainsi se dessiner, le Vizan, hier qualifié d’homme malade du continent, semble avoir acquis quelques solides longueurs d’avance. Certains vont même jusqu’à rapprocher son actuel essor économique de celui de l’Empire des débuts du règne de Dandria.

C’est que le désormais Grand-Royaume s’appuie solidement sur sa maîtrise des mers et sur des cultures diversifiées qui lui ont permis d’éviter la famine qui a durement touché l’Empire. Les réformes sociales de Yimre lui ont assuré une popularité exceptionnelle pour un monarque vizaner. Il gouverne fort efficacement grâce à un gouvernement simple et resserré qui s’appuie sur un réseau dense d’informateurs et d’escadrons de maintien de l’ordre complétés par des mages et des Red Monks qui s’efforcent d’endiguer la corruption endémique du pays. Le Roi des rois serait même en train de fomenter la mise en place d’une justice (relativement) indépendante mais cette réforme apparaît si audacieuse que ses contours restent pour le moment fort vagues.
En politique étrangère, il s’est diplomatiquement mis le Farxel dans la poche, portant un coup très dur à l’Empire, dont c’est le traditionnel et unique allié dans le sud-est du continent, et au Thûzzland, pour qui le Farxel représente plus du tiers de son commerce. L’alliance prend la forme d’un traité de paix avec le Ritterorder, seul pouvoir militaire actuellement structuré en Farxel, et d’un traité général avec le gouvernement prévoyant des accords au cas par cas avec des guildes commerciales et villes en échange d’un soutien massif en denrées alimentaires qui a permis de pallier les pires conséquences de la famine. Face à cela Avros et le Thûzzland sont pour le moment demeurés silencieux mais leur alliance, qui s’est resserrée pendant la famine, semble plus solide que jamais.
Le roi des rois opère de façon similaire à l’ouest où il su tirer profit de l’apathie diplomatique du Naëmbolt pour s’attirer des sympathies en Zevjapuhr et même en Isenheim par l’envoi de contingents en Zevjapuhr, sujet ô combien sensible, afin de repousser les bandes affamées venues d’Isenheim. La République lui en a su grand gré. Yimre a ensuite offert son appui à Ghedon d’Ostmark, geste particulièrement judicieux puisque ce dernier est en train de rétablir l’ordre en Isenheim avec l’aide de ces mêmes soldats et mercenaires vizaners que Yimre avait envoyé protéger Zevjapuhr.
Dans le même temps, la Couronne impériale s’empêtrait dans la révolte des Bruce, ignorait les demandes d’appui de Marn, et rappelait à Zevjapuhr que l’Empire est son premier client et non son premier serviteur. Toutefois, cette politique ne paraît pas devoir être poursuivie par le nouvel empereur qui semble au contraire parti pour en prendre le contrepied.

Ce contrepied implique forcément l’émergence de tensions entre Yimre et Jalx dont les signes avant-coureurs sont scrutés par de nombreuses chancelleries et surtout par celles d’Evriand et d’Avros, les deux autres membres du carré des grandes puissances de Derenworld.
Un tel contexte suscite trois séries d’interrogations principales :
1) Avros et le Thûzzland vont ils en rester là ou vont-ils vouloir négocier ou même entrer en conflit avec le Vizan ? Chercheront-ils des appuis complémentaires en Tangut, voire avec l’Empire ?
2) l’empereur Jalx acceptera-t-il l’encerclement diplomatique de son pays par le Vizan ? En d’autres termes, l’Empire peut-il se satisfaire d’un système d’alliances limitées à Marn aujourd’hui et l’Arkandahr demain (à en supposer le rétablissement complété de bonnes relations avec Dere et l’Evriand  ?
3) le roi des rois Yimre cherche-t-il la guerre ? Veut-il la revanche de Bucklry ? Ou bien n’agit-il que pour asphyxier diplomatiquement l’Empire afin de le limiter au centre du monde ?
4) que se passera-t-il si l’une des zones de tension – et elles sont nombreuses : Farxel, Zevjapuhr, Isenheim, Thûzzland, Arkandahr, Marn… – entre dans l’éruption d’un conflit armé faisant appel à l’une des deux puissances rivales ?

La Sage Hera Jazan d’Oghma (fille de l’éponyme) ne croit pas à un conflit entre les deux jeunes monarques. Selon elle, Yimre et Jalx ne sont pas des imbéciles comme le montre le fait qu’ils ont su bien s’entourer. Ils pourraient tout aussi bien décider de s’entendre quitte à s’être un peu montré les dents l’un à l’autre auparavant.

Cette hypothèse ne rassure pas davantage Avros ou Evriand où l’on imagine qu’un partage du monde en sphères d’influence naëmbolt et vizaner ne pourrait s’effectuer qu’à leur détriment. Même la perspective d’une simple convention de non-agression, explicite ou implicite, les inquiète car elle signifierait forcément que chacun des deux géants tournerait vers ailleurs son regard.

Or le Vizan comme l’Empire ont peu ou prou atteint leur étiage territorial. Hormis Zevjapuhr et quelques ajustements à la marge, l’essentiel de leurs frontières demeure fixe depuis des siècles. C’est ce qui permet à Hera Jazan d’affirmer qu’au delà de quelques éventuelles guerres ponctuelles de pacification de territoires turbulents, comme celle que prépare l’Empire en Arkandahr, l’entreprise d’une invasion de grande ampleur à visée permanente demeure très improbable. Il est en effet manifeste que coûts et inconvénients d’une conquête par exemple du Farxel par le Vizan ou de Mulgorge par l’Empire l’emporteraient largement sur les gains qu’on en pourrait escompter.
Par conséquent, pour beaucoup d’observateurs, si le Vizan et l’Empire pactisent, c’est qu’ils vont se tourner vers la mer. Ce qui ne réjouirait ni la thalassocratie de la République d’Avros, ni à la puissance maritime qu’ambitionne de devenir l’Evriand. Avros et Evriand pourraient donc être au centre de grandes manoeuvres diplomatiques dans les prochains temps.

L’enjeu de la navigation dans le Derenworld occidental

On rappellera que cinq puissances seulement disposent de la connaissance de la navigation au long cours dans le monde : Avros, Lowenland, Vizan, Zevjapuhr et Portown.

Avros et le Lowenland ont reçu en héritage des Falinorë des techniques qu’ils ont adaptées aux humains.
Dès avant l’apparition du Vizan en tant qu’Etat, des savants, chercheurs, sages et marins de Raeder, Xionne, Gwaliore, Zahrpuhr, Zevjapuhr ont passé des décennies puis des siècles à étudier ces techniques dont une partie leur avait été transmise par les falinorë eux-mêmes. Des générations de savants se succédèrent ainsi, chacune s’efforçant de reprendre, compléter et améliorer le travail des précédentes. Après le vol d’Eremothep ces savants obtinrent l’appui de l’école de Sudel qui fut décisif : vers 3850 ils parvinrent ainsi à reproduire l’équivalent complet des techniques maritimes des falinorë ; c’est le seul cas dans l’histoire humaine et il nécessita des investissements constants dont l’effort final s’étendit sur un demi-millénaire. Il aura ainsi fallu la conservation et l’entretien d’un savoir scientifique et partiellement magique par une union de peuples marins sur plus de vingt générations pour aboutir à la maîtrise humaine de la navigation au long cours. Cet effort partagé par toute la côte du pays participa grandement à l’émergence d’un sentiment national du Vizan. Cette innovation fut aussi commune à Zevjapuhr et au Vizan et ainsi partagée entre les deux.

A l’inverse, la détention de ce savoir par Portown présente plusieurs particularités :
– elle est la seule qui l’ait reçu en partage d’un précédent détenteur humain sans l’avoir demandé ni s’y être efforcée ;
– elle est la seule à être située dans la moitié nord de Derenworld tout en opérant sur une façade maritime occidentale originellement réservée aux seuls lowenlanders d’Uviell ;
– elle est, de loin, la plus petite des puissances détentrices de ce savoir, en peuplement comme en territoire comme en poids économique.
Aujourd’hui, compte tenu de ses positions et rôles aux temps de Great Evil Coalition, de la Confédération, ou des Lich-Kings, aucune des grandes puissances mondiales ne saurait lui contester sa légitimité à cette détention. Mais à l’échelon local, les choses sont un peu moins simples. Pour bien comprendre cette question, un retour en arrière s’impose.

Mirba et Portown : histoire d’une rivalité

A compter de 3995, la fin de la guerre du Désespoir entraîne la dislocation de l’ancien Grand Wejlar. Parmi ses provinces il y a le Mirbaïc, région entourant la ville de Mirba, principal port sur la façade maritime occidentale du Wejlar. Le nom de Mirba est une contraction de Miribar’s Haven, nom originel du village devenu port afin de servir débouché alternatif au grand marché du port fluvial de Gryge’s Haven situé loin à l’intérieur des terres.
Le Mirbaïc faisait depuis sa fondation partie du duché de Miribar, dont il constitue grosso modo la moitié occidentale, la ville de Mirba représentant les trois quarts des revenus fiscaux du duché. Cette importance financière et le développement économique de Mirba avaient conduit le duc de Miribar à accorder à cette ville de plus en plus de franchises, au point qu’elle était devenue quasi-autonome ; concrètement, Mirba s’auto-administrait pour ce qui est de son port, de sa marine, de son commerce, de ses artisans, de la défense de ses murs et même de ses terres environnantes en Mirbaïc.

En 3997, avec la désagrégation du Wejlar, la ville décide d’adopter un régime démocratique et proclame la République Maritime de Mirba, en cela inspirée et soutenue par la république d’Avros. Le duc Ksonivar de Miribar y voit une sécession et entre alors en guerre contre la cité ;  mais son duché a été épuisé par les récents combats de la guerre du Désespoir et ne peut fournir au duc les hommes d’armes et les engins qui lui permettraient de vaincre. A l’inverse, la ville est assez riche pour se payer des mages de combat qui vont rapidement mettre un terme aux hostilités en faisant passer Ksonivar de vie à trépas et en pillant son château. Le nouveau duc, Ksenvar fils de Ksonivar, un enfant, se voit alors ravalé au rang de premier des nobles de la nouvelle république et menacé d’expropriation de ses domaines. La dynastie est cependant sauvée par l’épouse du défunt duc qui comprend qu’il vaut mieux être soumis que démis et va prendre le contrepied direct de feu son mari en oeuvrant habilement en faveur du nouvel état. Elle joue ainsi un rôle décisif dans les adhésions sucessives de Dol Bera, de Cryge-Haven et du Havener à la république qui devient en 4108 la République Maritime Occidentale, l’une des fameuses républiques-sœurs d’Avros. Par la suite, les Miribar seront toujours parmi les plus considérés et respectés des nobles de cette république.

Etant une république-sœur d’Avros, celle-ci se propose assez tôt d’implanter à Mirba une capitainerie incluant une école d’officiers marins au long cours, accompagnés de savants et de mages. Ce choix est justifié par l’enclavement d’Uviell, seule grande escale sûre entre Zevjapuhr (ou Okhpuhr) et Mirba, qui oblige à un long détour pour l’atteindre : passer par Uviell ajoute pratiquement une semaine aux quatre ou cinq d’un trajet Mirba-Zevjapuhr. Comme les vizaners et zevjans sont confrontés au même problème et que les lowenlanders apprécient de ne pas être dérangés, l’unanimité des nations maritimes est réunie pour accorder à Mirba en 4141 l’autorisation de détenir les rares et précieux moyens d’une navigation au long cours, ce qui aura aussi cet avantage de fiabiliser les liaisons avec l’île de Beliand au large des côtes occidentales (laquelle deviendra de ce fait la République Maritime du Ponant quelques années plus tard).

Les années et même les siècles passent jusqu’en 4650 où il devient évident que la sororité avrossiane n’est d’aucune utilité face à la All Wizards War qui fait alors rage. Incapable de protéger ses provinces, la République Maritime Occidentale s’effondre lorsque ses composants reprennent leur indépendance dans la même année. Seul le Mirbaïc demeure une république alliée d’Avros avec l’indéfectible soutien de son premier noble le duc de Miribar.

Dans premières années du XLVIIIe siècle émergent des tensions qui vont devenir des guerres entre le royaume d’Ithyl, et le Landgraviat de Marn, coeur du Royaume multiracial du même nom, allié au royaume de Kohrland situé entre Mirbaic et Lowenland, qui cherchent l’un et l’autre à se rallier les provinces de l’ex-République Maritime Occidentale, C’est dans le cadre de ce conflit qu’en 4721 le royaume d’Ithyl attaque par surprise le Mirbaïc et capture Mirba. Le duc de Miribar résiste pendant plus de trois mois dans son château et finit par se rendre avec les honneurs. Laissé sauf, il prend avec sa famille le chemin de l’exil vers Holderin.

Les marins et capitaines de Mirba, anticipant le succès du siège ithylian, ont évacué la ville. Ils ont vidé leur capitainerie et leur école dont ils ont emmené tout le personnel, savants, professeurs, élèves, avec l’ensemble de leurs livres et instruments. Ils ont décidé de faire route vers Portown.
Ce village de pêcheurs et d’éleveurs de moutons, niché au creux d’une baie idéalement protectrice, était devenu l’un des principaux port de relais du cabotage sur la mer du Ponant. Les rois wejlans en avaient fait une ville libre relevant directement de la couronne en échange d’investissements consentis par celle-ci pour le développement du port. Lors de la dislocation de 3995, elle était naturellement devenue une cité-état indépendante, d’autant plus que sa situation au bout d’un cap étroit (dit le « bec ») barré par des collines fortifiées la rend particulièrement facile à défendre. Jalouse de son indépendance, la cité-état n’avait pas adhéré à la République Maritime Occidentale mais s’y était si étroitement associée que beaucoup croyaient qu’elle en faisait pleinement partie. Elle était devenue l’escale principale du trafic maritime des Beliand, Wejlar, Ithylian. C’est là que les marins de Mirba trouvent un refuge provisoire en 4721.

Leur arrivée fait sensation et achève de monter Portown contre une Ithyl déjà redoutée voire honnie. En 4728, Portown rejoint l’alliance de Marn et du Kohrland et déclare la guerre au royaume d’Ithyl. Elle permet ainsi de prendre ce dernier à revers, opportunité qui va conduire en quelques semaines à la chute et au pillage d’Ithyl dont le royaume n’est sauvé que par l’intervention de son futur tyran, le sorcier Mezeler. Ce dernier réussit, moyennant de lourds tributs, à conclure un paix rapide, sans que Mirba soit libérée.

Elle ne l’est pas non plus 24 ans plus tard, en 4752, lorsqu’elle est capturée par le Kohrland au cours d’une nouvelle guerre qui met fin aux rêves ithyliens de suprématie dans la région. Le Mirbaïc est en effet simplement annexé par le Kohrland qui compte alors bien profiter de ses richesses. Du fait de cette annexion Portown rompt son adhésion à l’alliance marner dès l’année suivante.

Il faudra attendre encore dix ans pour que le duc Perik de Miribar délivre son duché puis Mirba avec l’appui de nains d’Holderin et d’une coalition de chevaliers wejlans, marins de Powtown, et d’aventuriers et mercenaires venus d’un peu partout. Les nains d’Holderin étant la seule force réellement organisée et dotée d’engins de siège, la libération de Mirba leur est généralement attribuée ; cependant, c’est bien pour le compte de Perik qu’ils y parviennent et l’aide de la flotte portownienne a été décisif. Mirba et Mirbaïc redeviennent alors partie intégrante du duché de Miribar qui s’érige en état souverain.
Face à quoi les marins au long cours émigrés à Portown décident alors d’y rester à plutôt que de revenir à Mirba au motif que cette dernière n’est plus une république indépendante. Cette décision de 4763 est immédiatement controversée d’autant qu’elle est lourde de conséquences : elle aboutit en effet à transférer à Portown des connaissances et privilèges qui ne lui ont jamais été dévolus et que, pour la plupart des opinions d’alors, elle n’a pas mérités. Pour ceux-là, la légitime puissance maritime de l’ouest devrait être Mirba et nulle autre. A quoi Portown rétorque d’une part que c’est à la République Maritime que ces connaissances et privilèges ont été donnés et non au duc de Miribar, d’autre part que le seul état de tout l’ouest qui s’apparente à la défunte république est bien la cité libre et démocratique de Portown et non le duché de Miribar, souverain ou pas. Le duc Perik a alors la mauvaise idée d’accepter la proposition portownienne de s’en remettre à l’arbitrage d’Avros. Celui-ci, rendu en 4766, est net : l’unique légitime héritier des traditions, connaissances et expertise navales de l’ex-République Maritime Occidentale est la cité-état de Portown. Fermez le ban.

Cet arbitrage entraîne une profonde dissension entre le duc de Miribar qui a accepté le verdict et la ville de Mirba qui s’estime flouée par son duc, Portown, et Avros. La ville continuera toujours de vainement revendiquer des privilèges dont elle estime avoir été traîtreusement dépouillée au profit de sa rivale.
Car cet arbitrage change aussi et surtout le destin des deux villes. Mirba, aussi ouverte, peuplée, agréable à vivre, soit-elle, restera un port de pêche et de cabotage, Portown, aussi réservée, sérieuse et austère soit-elle devient le poumon du trafic maritime au long cours sur la côte occidentale. Les deux sont riches, mais à des titres et par des moyens bien différents. L’intensité de leur rivalité navale est exceptionnelle : les accrochages entre pêcheurs, les actes de pirateries sous couvert de corsaires, les interventions malveillantes sur les marchés se comptent par milliers. Ce sera une grande œuvre de la Confédération que d’avoir réussi à apaiser cette détestation et à transmuter en rivalité commerciale et culturelle une guerre qui ne disait pas son nom.

En ce LIIIe siècle, après la terminaison de la Confédération par les Lich-Kings, Portown se retrouve cité-état souveraine. Le prestige de la ville est alors immense. L’arbitrage de 4766 avait engendré chez la plupart des peuples et gouvernants de l’ouest une certaine sympathie envers Mirba, Portown apparaissant sinon la voleuse du moins la profiteuse à bon compte d’une situation qu’elle n’avait guère méritée. Mais bien du temps a passé depuis. Portown est la ville qui résista à la Great Evil Coalition. Elle fut l’arrière-base où commença la Starway et la cité de Rogahn et Zelligar. Elle joua loyalement le jeu des règles de la Confédération, protégeant certes ses intérêts mais contribuant aux enrichissements d’Ithyl ou de Cryge-Haven qui en devinrent beaucoup plus peuplées et opulentes qu’elle-même. Elle appuya l’économie du Wejlar en consentant des conditions particulièrement avantageuses à son ancien suzerain. Elle fut enfin la cité qui tint toute seule face aux Lich-Kings. Deux siècles et demie d’histoire, grosso modo entre 4850 et 5100, renversèrent radicalement l’opinion à son sujet : Portown a fini par mériter son privilège.

Jeu et enjeux du R.C. d’Evriand 

Aussi son inclusion plus ou moins forcée par l’Evriand dans son Royaume Confédéré ne fut pas du goût de tout le monde. Il était dès alors manifeste que la reine Melkria d’Evriand cherchait à accaparer au profit de son Etat les secrets des navigateurs portowniens. Dans le même temps la Couronne d’Evriand entreprenait la construction d’une puissante flotte de cogs marchands mais aussi de guerre, de nefs et même de trois caraques dans les nouveaux chantiers de Ley Harbour après l’agrandissement de ces derniers.
Dernièrement, l’examen des journaux des capitaineries des ports occidentaux a révélé que des navires de guerre sous pavillon evriander avaient forcément bénéficié de pilotages portowniens.
Il n’en fallait pas plus pour que le duc de Miribar exhume l’arbitrage de 4766, quasi-oublié et que plus personne n’entendait remettre en question, pour évoquer publiquement sa dénaturation par la couronne d’Evriand. Ingwar de Miribar ne pouvait trouver meilleur thème pour cimenter la cité de Mirba et son duché. Mais on peut aussi rapprocher ces déclarations de la pression d’un roi de Marn qui apparaît rechercher de plus en plus activement un débouché maritime qui pourrait bien s’appeler Mirba, d’autant qu’il se sent désormais mieux épaulé par son traditionnel allié naëmbolt.

Or, ainsi qu’on l’a vu à propos d’une éventuelle rivalité vizano-impériale, il est possible que la question maritime devienne centrale dans les enjeux diplomatiques de Derenworld. Le Grand Amiral Adorn de Colstone et ses prédécesseurs s’époumonent depuis plus d’un siècle à clamer que le destin et l’avenir de l’Empire est sur les mers. Mais même lorsque Zevjapuhr en faisait partie, jamais aucun de ses marins, capitaines et savants n’a transmis ses connaissances, talents, livres et instruments aux impériaux, malgré les tentatives, les espionnages, les menaces, les rages ou les prébendes. L’honneur des gens de mer n’est pas celui des gens de terre, écrivait alors le poète satiriste Aristidès Gonfa.
Comme Marn, l’Empire n’a donc toujours pas accès aux long cours. S’il veut l’avoir, il n’aura pas d’autre choix que de s’emparer de Zevjapuhr, ce qui signifie la guerre avec le Vizan, ou de Portown, ce qui signifie la guerre avec l’Evriand. Ou de Mirba si les mirobolantes espérances qu’on prête au duc de Miribar venaient à se réaliser.

La reine Melkria se retrouve donc dans une position délicate en ce qu’un Empire maritimement expansionniste devrait logiquement préférer croquer son pays plutôt que le Vizan, thèse que les récentes conversations marno-impériales semblent confirmer. Il est vrai que les bénéfices du quasi-monopole de Portown sur le trafic avec un Beliand épargné par la famine  ou avec un Wejlar qui se redresse de mieux en mieux peuvent susciter des convoitises ; d’autant que Portown paie toujours rubis sur l’ongle ses créanciers y compris fiscaux. D’autre part, l’alliance défensive que l’Evriand forme avec le Wejlar et le Lowenland combinée à son association à Portown lui vaut depuis longtemps de sourdes jalousies et critiques car ce système est le seul au monde qui possède deux détenteurs du long cours : Uviell et Portown, quand l’Empire, Marn, Okhpuhr ou Mulgorge n’en contrôlent aucun. L’argument a beau être spécieux : le trafic au long cours d’Uviell est le quart de celui de Portown lui même le tiers de celui de Zevjapuhr, il frappe néanmoins par sa simplicité et son actuelle résonnance traduit l’importance nouvellement donnée à la chose navale dans le monde.
En outre, principal inconvénient de toute alliance avec le Lowenland vient de son caractère strictement et même extrêmement défensive : le pays ne veut pas s’immiscer dans un conflit et seule une menace surnaturelle mettant en péril la survie de ses alliés pourrait le conduire à se mobiliser. Son Grand-Duc Erowin Byarel de Daël a en outre sur sa longue frontière avec l’Isenheim une situation qui le préoccupe bien davantage qu’un long cours maritime auquel son pays n’accorde traditionnellement qu’un intérêt mesuré.

L’Evriand et le Wejlar ensemble restent toutefois un très très gros morceau pour tout prédateur militaire, mais qui ne semble pas pouvoir compter sur des secours supplémentaires. La reine d’Evriand pourrait rechercher l’appui du roi Dogargund dont le Kohrland déteste Mirba et Miribar mais cela signifierait s’acoquiner avec Siussfuld de Mulgorge qui est en l’officieux suzerain. S’allier à Karl-Maria de Marn serait absurde, puisque Marn a intérêt à soutenir Miribar. S’allier au Vizan reviendrait à faire de Yimre le maître de Derenworld. S’allier à une république d’Avros qu’elle apprécie peu serait improductif ailleurs que sur mer. S’allier au Havener et à Holderin serait envisageable mais pas forcément suffisant et équivaudrait à un chiffon rouge agité devant Marn, Miribar et Mulgorge.

Cependant, les tensions qui suscitent ces interrogations ne sont peut-être qu’un vaste bluff ; car tout repose en définitive sur la décision de Portown et des autres puissances maritimes. L’histoire a montré que Portown est imprenable sans blocus naval : Ithyl, la G.E.C, les Lich-Kings s’y sont cassés les dents. Même à imaginer un Evriand envahi, un Wejlar défait, un Lowenland paralysé et des guerriers marners et miribarens assiégeant le bec de Portown, si celle-ci décide de rester fidèle à l’Evriand il faudra une marine de taille à contrer la sienne, éventuellement appuyée par le Lowenland,  pour en venir à bout. Concrètement, seules celles de Zevjapuhr et d’Okhpuhr combinées, ou celle de Vizan, pourraient y parvenir. A cette lumière, la position de l’Evriand apparaît soudainement moins précaire. Les équilibres sur mer ne sont pas les mêmes que sur terre.

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