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(première partie) |
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PREAMBULE
Il en va dans l'histoire de Derenworld des Etats comme des ères. Il y eut l'ère Derane, l'ère Wejlane, l'ère Vizaner, l'ère Avrossiane. L'exception est l'Empire. Il n'y a pas d'ère impériale. Ou alors, depuis l'avènement du premier Empereur Naëmbolt, il y eut toujours l'ère impériale.
Immensité de l'Empire : aucun pays ne s'étend pareillement de l'est à l'ouest, du nord au sud. Il forme l'un des trois plus vastes ensembles territoriaux de Derenworld, sans doute après le Tangut et sans doute devant le Vizan. Routes, ponts, passages, enceintes, forts, canaux, drainages, aqueducs, universités, silos, chantiers, carrières, postes, armée, communauté de police, de justice et de lois, libertés commerciales et citadines, ouvrages et oeuvres d'art et d'artisanat, on n'en finirait plus de compter, de recenser l'oeuvre accomplie au cours de plusieurs siècles par cet Etat qui a, peut-être plus que tout autre, changé la face de Derenworld.
L'Empire est aussi un ensemble de paradoxes. Ce n'est pas sans un certain étonnement qu'on constate la pérennité d'un Etat qui rassemble des ethnies aussi différentes que les Naïgakis et les Undinians. Un courrier express met presque deux semaines de Durfalls à Isablis, vingt jours de Rwandel à Broke, plus d'un mois de Corontown à Gorlech. Tant de peuplades, de traditions, de coutumes, de moeurs infiniment disparates, unies sous la même couronne: les nomades Stroelyns, les méditatifs Naïgakis, les Bûcherons du Naùland, les Chevaliers de Prias, les paysans du Heart, les Navigateurs d'Orfajaz, les montagnards du Valdorse, les financiers de l'Ilnaëmber, les vieux bourgeois du North-Heart, les Guerriers de Haldwarrow, les artisans d'Erigund, les grandes propriétaires du Silverdawn, les docteurs du Walderland, les légistes Kelnorëans... sans compter les non-humains, aujourd'hui bien intégrés. Et c'est pourtant précisément cette hétérogénéité qui fit en réalité le succès et la force de l'Empire.
Quelques éléments essentiels de ce succès :
- L'Empire est un jeune Etat. A sa naissance, les autres principaux Etats humains tel Avros, le Wejlar, le Vizan, le Lowenland ont tous au moins plusieurs siècles d'existence. C'est en se basant sur les erreurs de ces nations que l'Empire a pu incarner une solution palliant ces insuffisances.
- L'Empire a toujours su adapter et reprendre à son compte le meilleur des civilisations humaines, passées ou contemporaines. Il y a, dans les lois fondamentales de l'Empire, tout à la fois du féodalisme Wejlan, de la démocratie Avrossianne, de la solidarité Naïgaki, de l'autocratisme Marner, du libéralisme Zevjan, de la rigueur Kelnoreane. L'Empire opère non seulement l'harmonieuse synthèse de ces courants mais aussi un incessant arbitrage suivant l'opportunité de favoriser telle ou telle tendance selon les nécessités du moment.
- L'Empire s'est fondé sur une idée extrêmement simple: offrir, à quelque être humain que ce soit, sans distinction d'aucune sorte, un pays qui fonde ses institutions sur des lois humaines, pour les humains, et par les humains. Tout autant qu'une réaction contre les Etats elfes ou nains, c'est une réaction contre les Etats d'inspiration elfe ou naine qui a servi de fondement à l'Empire. D'où la nécessité de créer des lois et une administration convenant particulièrement aux hommes, donc meilleur que les tentatives préexistantes, mais aussi d'apprécier, étudier, respecter les lois, coutumes et moeurs (et même religions) spécifiques des différents peuples et ethnies composant l'Empire, soit en les maintenant en vigueur localement, soit en les intégrant au système impérial.
- Cette réaction de défiance face aux non-humains s'est ensuite un temps muée en une véritable intolérance qui a contribué à la structuration définitive du pays. L'Empire a eu pour adversaires déterminés aussi bien des elfes et des nains que des humains ou des monstres. L'Empire a été au premier rang de guerres contre Dere, contre le Thûzzland, contre la G.E.C., contre le Vizan. Il s'y est forgé une tradition de défense et d'efficacité militaire, et a toujours fini par en émerger vainqueur.
- Néanmoins, c'est bien une tradition très simple de tolérance et de libéralisme est à la base de la réussite de l'Empire.
Tolérance politique: les terres annexées à l'Empire jouissent immédiatement et ipso facto de toutes les garanties et privilèges des terres impériales, tout en pouvant conserver la quasi-totalité de leurs particularismes culturels et politiques qui font l'objet d'aménagement au coup par coup. C'est ainsi que le Gaïko est gouverné de façon centralisée par un vice-roi mais couronne aussi l'Empereur, que Gorlech a toujours conservé son Grand Druide et Durfalls son Paladin Glade, que les Stroelyns ne répondent que devant le gouvernement de Dilanovia, que les villes du Heart jouissent de privilèges ancestraux, que l'Eriendel prête serment à son propre Roi, que les nobles de Silverdawn et de Sunmarch jouissent des mêmes droits depuis des siècles... Plus tard, cette tolérance politique s'est même étendue aux elfes.
Tolérance économique: ce sont les organes locaux qui fixent les impôts directs; la Couronne ne fixe que la part de ces impôts qui lui est rétrocédée et qui est tradistionnellement très réduite. En revanche, le taux des impôts indirects et commerciaux est fixé par la Couronne et sa part y est plus conséquente. Cette part s'impose de façon fixe dans tout l'Empire, unifiant ainsi notamment les droits de passage d'une région à l'autre.
- Une communauté de loi et de justice constitue également l'un des principaux ciments de l'Empire. L'Appel à la Justice de l'Empereur peut toujours être diligenté par toute personne qui ne relève pas d'un statut dérogatoire (commerçants, nobles, clergé). Cette justice est uniforme devant les sept Cours d'Appel et garantit une équité certaine face à des arbitraires locaux. Cependant, selon les coutumes, certains de ces appels peuvent de concerner que la forme et non le fond des décisions de justice, notamment s'il n'est pas établi qu'une loi impériale est en cause.
- Les grandes lois impériales doivent toutes être ratifiées par les Députés des Parlements des Provinces et des Assemblées de Nobles. Ils forment le Grand Parlement d'Ilnaëmb, qui se tient au moins une fois l'an et où sont discutées certaines lois de l'Empire. L'Empereur conserve cependant sa pleine liberté en plusieurs matières, notamment la politique étrangère, la défense, la police de Sécurité d'Etat, les structures de transports, l'organisation de la justice impériale, l'administration centrale, la monnaie. Certains élus au suffrage universel dans les terres de tradition démocratique donnent un aspect étonnamment républicain au Grand Parlement.
- La Couronne possède divers monopoles tels ceux de la monnaie ou des postes qui lui assurent des rentrées considérables. L'unification des Guildes de Transport sous l'autorité de l'International Trade Guild lui assure également des rentes importantes. C'est cet argent qui sert à l'accomplissement d'une des missions principales de l'Empire: l'entretient d'une armée de métier de grande envergure, les fameuses Légions. Sur tout son territoire, l'Empire dispose en permanence de 10 à 15 Légions (actuellement 14), représentant un total de plus de 40.000 hommes d'armes, soit la première armée régulière de Derenworld. Hors temps de guerre, beaucoup sont affectés à de la garnison et de facto à la police des terres de l'Empire; aussi les légions s'acquittent-elles d'une double mission de sécurité à la fois intérieure et extérieure. En temps de guerre, les réserves immédiatement mobilisables (Ost Impérial) représentent un supplément d'au moins 10000 hommes qui permettent de ne laisser que 4 légions affectées à la sécurité intérieure du pays.
- Face à l'immensité des terres de l'Empire, un certain nombre de sites-clef ont été choisis afin de donner naissance à un véritable réseau de fortifications. On connaît les trois célèbres forteresses imprenables de Broke, Nordgard et Durfalls, qui ne sont jamais tombées. Mais, des villes comme Rwandel, Orfajaz, Haldwarrow, Naù, et bien sûr Ilnaemb, des châteaux comme Einfurt, Eaglecrest ou Colstone Keep bénéficient de défenses plus qu'impressionnantes et permettent la garantie d'une défense sur tout le territoire du pays.
- Des ordres comme les Paladins de l'Empire, des administrations comme la Questure Impériale sillonnent tout au long de l'année le pays de long en large afin d'assurer la continuité de la bonne marche de l'Etat. Avec les villes, les Guildes et la Couronne, ces ordres ont contribué à créer des structures d'enseignements (écoles, universités...) qui ont permis l'élévation du niveau moyen technique et culturel et à des personnes éclairées et formées intellectuellement à haut niveau de prendre des places importantes dans la société impériale. De même, ce n'est pas par une direction autoritaire mais davantage par des méthodes à la fois " douces ", concrètes et réalistes, que la Cour d'Ilnaëmb a relevé le défi et gagné le pari d'administrer efficacement son vaste Etat au cours des siècles.
On ne saurait comprendre l'Empire Naëmbolt sans se souvenir de ses origines, des constitutions impériales formulées par les premiers empereurs et sans cesse enrichies par la suite. L'Empire est aujourd'hui riche de huit siècles d'histoire. Au cours de celle-ci, il a connu plus de succès et de désastres qu'aucun autre Etat. Mais il a montré une stupéfiante capacité à subsister, à évoluer, à s'adapter, reflet de la force et de la diversité des humains qui le composent.
Ces siècles se divisent en périodes que l'on peut suivre au travers des règnes des différents empereurs. Ces empereurs sont certes non les seuls mais sans nul doute les premiers artisans de la pérennité de l'Empire. Au travers de ses vicissitudes et de ses gloires, la famille Naëmbolt, probablement la plus célèbre de Derenworld, a fait et façonné l'Etat qui porte son nom. On compte officiellement quarante trois empereurs (ou impératrices) à ce jour. Leur histoire est sans doute le meilleur fil pour suivre celle de l'Empire.
INTRODUCTION : L'ORIGINE
Tout commence par les Hauts Faits des Naëmbolts. Cette famille peu commune d'origine Arkander, engendre vers 4360 les fameux Quatre Frères qui accompliront une suite d'exploits légendaires. Mais surtout, devant le désolant état des terres centrales du continent, ils concoivent l'idée d'un grand Etat des Humains, succédant au Wejlar, mais qui serait affranchi de la tutelle spirituelle des elfes en général et des Derans en particulier. C'est ainsi le concept même de l'Empire qui germe dans la cervelle d'Irwin Naëmbolt, le second des quatre héros de la "Geste des Hauts Faits de Anciens Naëmbolts". Ce n'est pas le moindre avantage, pour la légitimité de la Couronne d'Ilnaëmb, que de puiser sa source dans une authentique et fabuleuse légende dont presque tous les enfants de l'Empire entendent quelques bribes dans leurs jeunes années.
L'Empire a été créé dans ce qui est aujourd'hui sa partie occidentale. On sait que son concept naît à l'origine afin de mettre bas le régime corrompu des Satrapes qui règnent alors sur ce qui deviendra le Heart. A l'époque, sur la rive orientale de l'Undine, de petits états, les Satrapies, s'étaient établis après moult conflits avec les elfes de Dere. Ces peuples était principalement constitués de nomades que les techniques de construction et d'agriculture humaines,échos du développement de civilisation humaines antérieures comme le Wejlar, le Vizan, le Gaïko et surtout le Kelnorëa, avaient conduit à se sédentariser puis à défricher les forêts au grand dam des elfes. L'origine de chacun de ces petits Etats est (déjà) d'une extrême diversité: les uns fondés sous l'influence de Hornst Soulslayer, d'autres par imitation de fiefs Wejlans, certains par les Kelnorëans eux-mêmes, les plus nombreux à la suite de résistances contre des envahisseurs ayant entraîné le regroupement de populations sur des sites défensifs. Leur taille et leur niveau de civilisation était également très variable. A l'est, Bellridge tentait de se dépatouiller des orcs qui infestaient Atanak elle-même gouvernée par des Magiciens peu recommandables; au centre, Orandreth entamait la culture extensive des céréales sous les auspices d'une assemblée de petis nobles propriétaires; au nord, Urf (la future Durfalls) s'essayait à la civilisation sous la houlette d'oligarques militaires; au nord-est, les hommes libres de Naù guerroyaient pour obtenir le droit d'exploiter des forêts; au sud, l'autocrate de Lightown distribuait à ses favoris les domaines qu'il reprenait aux elfes, et ainsi de suite... La méridionale Isablis, bénie des dieux et des marchands, bénéficiait de l'influence de Zevjapuhr et de sa situation sur le fleuve; son commerce prospérait déjà et elle représentait la plus développée de ces petites capitales.
Lorsque que commence l'histoire de l'Empire Naëmbolt, ces Satrapies (du nom qu'attribuaient les elfes à ces Etats) ressemblent à des croûtons absorbant une soupe Derane qui s'épuise petit à petit.
I - LES REGNES FONDATEURS : LES PREMIERS EMPEREURS
On ne retracera pas ici l'histoire entière de ce qui constitue le lai de Mellung, peut-être le plus connu à défaut d'être le meilleur des 'Hauts Faits des Anciens Naembolts'. On en retiendra seulement ce qui suit.
Les quatre frères, Arie, Irwin, Callweg et Mellung, connurent chacun une vie d'aventurier pour le moins mouvementée et souvent exceptionnelle. L'aîné, Arie, montra le chemin de l'aventure; il est le plus grand, celui qui explora des donjons mythiques et découvrit un artifact qui fonde la légitimité de la famille Naëmbolt à prétendre à une Couronne. Sans descendance, il abdiqua ses droits en faveur de ses neveux. Irwin fut le Mage de la famille et aussi le plus "politique" des quatre frères. Ses deux filles devaient plus tard épouser les premiers princes de la Maison Naëmbolt et engendrer quelques unes des plus célèbres familles de l'Empire (Elewina de Colstone, Ariana de Goldhelm). Par ailleurs, si trois des frères Naëmbolts moururent dans leur lit (comme beaucoup d'aventuriers chanceux), personne ne sait ce qu'il advint de Callweg Naëmbolt ni de son éventuelle descendance. L'histoire perd sa trace dans une expédition dans les terres d'origine de la famille, enn Arkandahr. La légende veut qu'il soit devenu immortel et veille depuis lors sur le destin de l'Empire. Mellung, le plus violent des quatre, général émérite, vint à s'emparer d'Orandreth, alors tenue par le Roi Kranath d'Orandreth. Grand bagarreur et habile commandant, Mellung dirigeait alors une compagnie mi-mercenaire mi-aventurière dont le renom était fort considérable. Libérateur de nombreux sites où les Compagnons d'Hornst avaient leurs influences, béni de Thor, il s'agissait sans nul doute d'un héros typique des légendes, d'un stratège hors pair, d'un guerrier sans peur, mais apparemment guère d'un homme politique.
Il semble donc que ce soit sous l'influence de son frère Irwin qu'il ait conçu le projet de mettre en place un vaste Etat spécifiquement humain bien qu'en réalité plusieurs clergés, notamment ceux de Tyr et de Heimdall, en revendiquent sinon la paternité, du moins l'influence. Mais la vieillesse, puis la mort, ne lui laissèrent pas le temps de mener à bien cette vaste entreprise, et en outre, le titre de prince Naëmbolt était l'héritage de ses fils et de non lui-même. Or Mellung est semble-t-il le seul des quatre Naëmbolts à avoir eu des enfants mâles avec Lady Endria Dal-Reolog, la fille du Prince Nadron Reolog de Sablern. Il engendra deux fils et une fille.
Ce fut donc l'aîné des fils de Mellung, Coron Ier le Fondateur qui fonda la ville qui porte son nom et inventa le titre d'Empereur. Il s'y fit couronner en s'appuyant pour cela sur des attributs du pouvoir que son père avait peut-être gagné dans ses aventures ou plus vraisemblement hérité d'Arie Naëmbolt ainsi que sur une légitimité héritée de son ascendance Sablern. Le système de couronnement alors choisi apparaît largement inspiré de celui en vigueur à l'époque en Sablern, lui même directement issu du Wejlar.
La grande habileté de Coron Ier, utilement conseillé par son oncle Irwin, fut de procéder par diplomatie, usant de la crainte qu'inspirait le vieux Mellung et les survivants de ses compagnons. Présentant son projet d'Etat, il rallia à lui l'une après l'autre la plupaart des Satrapies jusqu'à former un pays plus ou moins unifié, qui correspondait alors aux deux tiers de l'actuel Heart. A la mort d'Irwin, qui précéda de peu celle de Coron, un pays était apparu.
Kyriel Ier, qui lui succéda, passa son règne à se faire accepter et éliminer les vélléités d'indépendance des anciennes Satrapies. Il consolida certes l'Empire, mais celui-ci ne semblait pas devoir être promis à l'avenir qui allait être le sien. A cette époque, l'Empire n'était en effet qu'une idée, une sorte de superstructure du Royaume de Corontown, semblable à la plupart des Cités-Etats voisines. Aux yeux des Derans et de beaucoup d'autres, il s'agissait plutôt de l'unification temporaire d'un royaume et de quelques fiefs sous un titre pompeux. C'était compter sans la dynastie de monarques exceptionnels qui allait advenir.
Et d'abord Coron II, petit-fils de Coron Ier. Il est appelé l'Architecte de l'Empire car c'est lui qui structura la doctrine impériale, une idée qui allait faire ses preuves. Pour la résumer, l'ère des elfes était achevée: il fallait en tirer les conséquences, s'atteler au développement d'une civilisation humaine dans un environnement et avec des valeurs et modes de vie spécifiquement humains. Car l'extrême longueur de la durée de vie des elfes leur autorise des conceptions nullement condamnables en elles-mêmes, néanmoins inappropriées aux goûts, besoins et nécessités des humains. Relativement aux elfes, les humains ne font qu'un bref passage sur le monde des vivants, d'où la nécessité de développer le commerce, le droit, la production, l'agriculture, la richesse matérielle, le dynamisme, bref, des procédés typiquement humains. Certains de ces procédés et modes de vie avaient déjà été défrichés par les nains, les hobbits ou d'autres civilisations humaines. Il appartenait à l'Etat Naëmbolt de leur donner substances et formes définitives. Ainsi, le lien du serment féodal devrait-il se doubler d'un Etat solide, renforcé, centralisé, assuré par des lois et des coutumes issues des hommes, reflet de leurs soucis et de leurs besoins, afin d'instaurer un système politique apte à gouverner pour le bien de chacun mais dans le souci de l'intérêt commun des humains de Derenworld. Principaux axes: sécurité physique, protection et encouragement du commerce, de l'agriculture et de la manufacture, justice assurée dans le cadre de lois et principes humains, développement des échanges et des communications entre les hommes assurés par eux-mêmes.
Cette idéologie connut un vif succès. Non seulement parce qu'elle correspondait à une réalité profonde, qu'elle posait avec pertinence et clarté des principes novateurs de politique, mais surtout parce qu'elle survenait à un moment particulièrement propice. En effet, beaucoup elfes de Derenworld n'étaient pas loin de penser comme l'Empereur, notamment les Ainequendi de Vynar ou d'Ariandor, les Eidhels de Danth ou de Paër et les Caleidhels de Lowenland. Seul un certain nombre des Premiers-Nés tenaient tout le continent pour une terre de vie naturelle et sauvage fondée sur un maximum de liberté individuelle. Ceux-là, notamment les Derans, interdisaient qu'on assèche les marais, défriche les plaines, irrigue les steppes, coupe les forêts. Sûrs de leur ancienneté et de leur bon droit, ils ne tenaient guère compte de la situation des humains et s'accrochaient à leurs terres au nom de principes qui étaient encore ceux qui avaient causé l'Exode et la création du Lowenland.
Le grand mérite de l'intuition de Coron II est d'avoir su discerner que le déclin de Dere était non seulement en cours mais irréversible, et d'avoir tiré les conséquences et les perspectives de cette situation.
Ce ne fut donc rien moins que le Haut Royaume Elfe de Dere que l'Empire naissant décida secrètement d'annexer. Les directives de Coron II ne laissent aucun doute sur ce projet à la fois téméraire et pourtant bien justifié.
Mais Coron II ne régna qu'un an et son frère, Kyriellin Ier, un être faible, s'entêta pendant les deux ans de son règne à rivaliser avec le Royaume de Kelnorëa ce qui lui valut en définitive de devoir leur payer tribut après une guerre mal conduite. Dans le même temps, au sud, le grand voisin vizaner connaissait une ère de gloire et de conquête qui en faisait pour Dere un pays bien plus dangereux que le petit Empereur Naëmbolt assis sur un trône mal dégrossi dans son patelin de Corontown. Le rêve de Coron II commençait mal.
II - LE CONQUERANT ET LE LEGISTE
'Advæn Coron Conqueor': (" advint Coron III the Conqueror ", Porus Tyard, 'Vie des Treize Empereurs', phrase devenue proverbe).
Fils de Kyriellin mais grand admirateur de son oncle Coron II, ce prince monte sur le trône le jour même de ses 20 ans. C'est un homme jeune, d'une surprenante beauté, doué d'une intelligence hors du commun et surtout d'une mémoire prodigieuse, le rendant capable d'assimiler en quelques jours l'équivalent d'une année d'études ou de se souvenir mot pour mot d'une phrase prononcée des années auparavant.
Son règne débutait à un mauvais moment. Encouragées par des forces maléfiques, les anciennes Satrapies se rebellaient les unes après les autres, des vagues d'envahisseurs déferlaient depuis les Evil Citadels, Des barbares et nomades avaient décidé de piller les richesses des villes civilisées et le trône de Corontown, incapable de parer ces menaces, vacillait.
Coron III commença par reconstruire Durfalls sur les ruines d'Urf, reconquise sur les orcs de Treshiaskull par le premier Paladin Glade quelques années plus tôt. A la fin de sa première année de règne, en 4458, il avait dirigé et achevé l'édification une ville-citadelle solidement ancrée au milieu du fleuve, apte à soutenir le siège de nombreuses armées orcs, barbares ou evils. L'année suivante, il voyagea, s'assura des alliances, s'ouvrit des crédits financiers. On eut cru un roi-marchand, presque un commis-voyageur et il trompa ainsi quelque temps son monde.
Trois ans après la fondation de Durfalls naquit la déferlante. La première manifestation du génie militaire du nouvel empereur apparaît devant Orandreth où la ville, tenue par des rebelles, résolut d'accepter une bataille rangée, certaine à cinq contre un d'écraser le jeune monarque et de récupérer pour elle la maîtrise de l'Empire. Ce fut l'inverse qui se produisit. Avant que les archers aient pu se mettre en ligne, une charge de lanciers menée par Coron en personne attaqua par surprise la cavalerie ennemie à la lisière d'un bois et la tailla en pièces puis se replia vers le nord. Privés inopinément de cet appui, les cohortes d'Orandreth n'en continuèrent pas moins d'avancer à quatre contre un mais les archers de Coron, simple rideau dissimulant une forêt de paysans grimés en hommes d'armes, lançaient une volée de flèches puis se dérobaient puis lançaient un autre volée, refusant le contact jusqu'à ce que les troupes d'Orandreth s'éloignent dangereusement de la ville. A ce moment, l'infanterie de Coron, qui avait fait le tour de l'ennemi par le sud, arriva et prit position exactement entre la ville et son corps expéditionnaire, isolant l'une de l'autre. Le temps que les cohortes d'Orandreth fassent demi-tour, suivies par les archers de Coron, l'infanterie impériale s'était solidement installée en position défensive. Lorsque les cohortes d'Orandreth, un peu fatiguées par des marches et contremarches forcées, attaquèrent l'infanterie impériale, elles ne le firent qu'au fur et à mesure de leur arrivée, ne parvenant pas à bénéficier de l'avantage du nombre avant tard dans l'après-midi. Coron donna alors l'ordre à sa cavalerie de charger et à ses archers d'entrer dans la mêlée. Assaillis en même temps au nord et à l'est, coupés à l'ouest de leur retraite dans la ville, les forces d'Orandreth partirent en débandade à la nuit tombante, laissant des prisonniers par centaines entre les mains de l'Empereur.
Et, fort habilement, Coron III, entré dès le lendemain victorieux dans Orandreth qui avait capitulé à l'aube, en fit aussitôt sa capitale.
Cette méthode illustre ce qui va se reproduire, à une échelle sans cesse plus grande, durant tout le règne du Conqueror. Utilisation habile des troupes et moyens à sa disposition, magnanimité envers les vaincus, ténacité envers des objectifs audacieux, recherche d'alliés tant économiques que militaires, exploitation maximale du terrain et des situations de fait: tout cela, Coron III savait le faire mieux qu'aucun monarque de son époque et peut-être de l'Histoire.
En 4461, encore faible sur le plan économique et militaire, il suscite les Croisades des Paladins contre les rebelles des Satrapies, alliés et appuyés par les Citadelles du Nord et des sbires des Compagnons d'Hornst. Plusieurs clergés, puis le Royaume de Wejlar se rallient avec enthousiasme à ce qui donnera naissance à une vague d'Ordres de Chevalerie (Paladins de l'Empire, Paladins Religieux...). Puis tout le monde ou presque, l'Ariandor et Ariacandre, le Cercle d'Evlin, les Naugs, l'Eriendel, le Prince de Marn se joignent à ces Croisades qui ont pour effet de purger le centre du continent de ses monstres. Or, le centre du Continent, c'est précisément ce que vise Coron pour son Empire.
Après les Croisades, les individus qui constituaient les troupes repartent chez eux ou se taillent de petits fiefs sur les terres libérées, fiefs qui se rallieront ensuite à l'Empire. Certains enfin rejoignent l'armée impériale qui recrute à tour de bras des soldats aussi expérimentés que ceux ont reconquis Orandreth.
Pourtant, dès l'année suivante, en 4464, Coron III commet sa grande erreur. Ce sera la seule. Le jeune empereur, grisé par ses succès, se croit assez fort pour annexer le sud du Sablern dont il estimait qu'il lui revenait de droit par l'héritage de son arrière-grand-mère. Le Calife de Vizan avait bien voulu concéder à l'époque le Sablern à Coron Ier et son Royaume naissant mais à condition d'en prendre à peu près le tiers au passage. Coron III décide de réclamer ce tiers. Mal lui en prend. Le Calife, irrité par le succès des croisades, tenait à donner une leçon à ce jeune agité qui sévissait au nord de ses frontières. Employant les grands moyens, il réunit une énorme armée de 18000 hommes qui met en déroute les forces impériales et prend d'assaut Isablis sans tenir compte des pertes. Coron III préfère transiger et rachète Isablis à prix d'or, outre un lourd tribut de guerre qu'il ne peut d'ailleurs honorer, faute d'argent. Bilan: les caisses de l'Etat vides, on en revient à la case départ en ayant perdu au passage quelques arpents de terre Sablern complémentaires et beaucoup de prestige.
Ce fut l'heure la plus sombre du règne de Coron III mais elle ne dura pas longtemps. Car si Coron III n'avait pas voulu affronter le Vizan dans une guerre ouverte pour le Sablern, c'était exclusivement afin de conserver intactes ses forces pour les retourner plus tard vers l'est, vers la Grande Vallée, vers le centre du Continent. Au cours des deux années suivantes, ville par ville, fief par fief, Coron III conquiert ou annexe les briques de son Empire. Tablant sur l'isolement de chaque contrée, jouant sur les rivalités locales, il multiplie par dix, par vingt, par cinquante les "Orandreth". Naù, Arwenëa, Blumwald tombent entre ses mains. A chaque reprise, il concéde aussitôt des droits de pleine et entière citoyenneté et jamais ne laisse ses troupes se livrer au moindre pillage. De fait, à la fin, certaines villes apparemment hostiles tombèrent comme des fruits mûrs, tandis que d'autres seigneurs, y compris des fiefs nains, y compris des rois, allaient d'eux-mêmes prêter allégeance à l'Empereur.
Depuis longtemps, Coron III semblait à tous vivre au-dessus de ses moyens. Personne ne comprenait comment il parvenait à financer tant ses conquêtes que son armée sans "se payer sur la bête". Il a fallu très longtemps avant de pouvoir percer ce mystère. Coron III avait passé toute son enfance sous la férule de son oncle Coron II, lequel était non seulement un visionnaire à long terme mais aussi un génie politique. On sait désormais que c'est lui qui a donné l'idée à son neveu de créer un véritable pool financier dont les principaux bailleurs furent la République Maritime d'Avros, le Hall d'Ariacandre, le Cercle d'Evlin, et nombre de compagnies et banques Zevjanes. L'origine des garanties était le Legs des Quatre Frères, un fabuleux trésor dont l'inventaire est encore aujourd'hui sujet à d'innombrables conjectures. Mais surtout, Coron II avait eu le premier l'idée de garanties croisées. Le Cercle d'Evlin garantissait sur ses trésors, le Hall d'Ariacandre sur ses objets magiques, les banques sur leurs actifs, Avros sur son commerce. Et chacun étant à la fois bailleur de fonds et garant, les risques paraissaient à chaque fois triplement couverts par les garanties d'autrui. Coron III avaient puisées ces conceptions non seulement dans les préceptes de Coron II mais aussi dans le conseil avisé de Vern d'Ariacandre et de Faroïn, un financier Naug dont le bagout et l'aplomb faisaient merveilles. Ces deux-là l'accompagnaient dans toutes ses négociations. L'inconvénient de cette méthode est qu'elle entraîne une fuite en avant car, même si Coron III gageait à chaque fois ses nouvelles conquêtes, le passif n'en demeurait pas moins entier et productif d'intérêts.
Mais la fortune sourit aux audacieux. Après la Peste qui les avait décimés, les Naïgakis avaient la possibilité de former à nouveau un Etat mais guère la volonté politique. L'habileté de Coron III face à cette situation représente un authentique coup de génie. Au lieu de poser ses conditions, de menacer, de profiter d'un avantage militaire, il propose aux Naïgakis la reconstitution du Gaïko sous forme de province impériale et sa protection contre le Vizan. Après de longs débats, les Dignitaires Naïgakis lui accordèrent leur préférence et ainsi le Gaïko devint-il une terre Naëmbolt. Il apportait des richesses économiques immenses et Orfajaz, l'un des plus importants du ports du continent et le premier de l'Empire. Surtout, Coron reçut le reliquat d'un trésor accumulé au cours de deux siècles, un trésor royal qu'il versera aussitôt à ses créanciers jusqu'à la dernière pièce de cuivre. Ce faisant, il pille le Gaiko, certes de façon invisible et indolore, mais affranchit en même temps l'Empire des 3/4 de ses dettes et laissera à ses successeurs un Etat au passif financier très acceptable. Afin d'honorer le Gaïko, l'Empire adopte ses couleurs, rouge et or et Coron choisit l'aigle à deux têtes, tournées vers l'une vers l'orient, l'autre vers l'occident, pour symbole de son Etat.
On ne sait pas exactement ce qui a poussé à cette époque ce qu'on a appelé les Hordes à se ruer à l'attaque vers le centre du continent. Peut-être une tentative de vengeance de quelque Evil Citadel inconnue envers les humains ? Mais ce qui semble alors certain est que seul Coron III, auréolé de son prestige, semble en mesure de leur tenir tête et de venir en aide aux elfes et nains que le déferlement de ces cavaliers encercle et menace. On sait aussi qu'à ce moment-là, l'Eriendel a sollicité la protection de son alliée la République Maritime d'Avros mais qu'avec beaucoup d'à propos Coron III envoie en même temps un émissaire incognito en Avros chargé de faire traîner les choses tandis qu'il propose lui-même à la Reine Dolreia d'Eriendel une intervention sous les conditions d'une association de son Etat à l'Empire. La Reine hésite et tandis qu'elle hésite son pays commence à se faire envahir et Avros ne vient toujours pas à la rescousse et elle hésite encore et voilà que Coron III, jouant son va-tout, lui propose uniment le mariage ou l'annexion. La reine finit par choisir le mariage qui est célébré en toute hâte, deux jours avant l'arrivée d'un ambassadeur avrossian particulièrement furieux d'apprendre la nouvelle. Ainsi l'Eriendel rejoint-il lui aussi l'Empire. La guerre contre les Hordes sera longue et douloureuse: cinq années au bout desquelles le territoire des Hordes du sud, les Stroelyns, est annexé par l'Empire qui le leur rétrocède aussitôt contre une promesse d'allégeance. Emus par tant de magnanimité, les chefs des tribus Stroels qui s'attendaient à voir la moitié d'entre eux empalés et leurs femmes et enfants subir de sanglantes représailles se réunissent en un conseil où ils décident de se séparer des Hordes et d'accepter de rejoindre l'Empire. La Promesse de Dilanov est faite le 4 Leo 4484 par un chef Stroel qui se convertit en Paladin, Dil Dilanov, et qui fonde la ville qui portera son nom: Dilanovia. Les siècles ne l'ont jamais démentie et les tribus nomades Stroel sont depuis lors des citoyens de l'Empire à part entière.
La même année, Coron III décide de reporter ses troupes, sur le conseil de sa femme, contre la toute neuve République de Kelnore, en profitant de ses guerres internes afin d'obtenir l'abrogation de l'allégeance de l'Empire au Kelnorea. La demande est justifiée dans la mesure où c'est l'Empire qui a sauvé le Kelnorea des invasions des Hordes plutôt que l'inverse et lui qui a supporté presque seul le coût des trois dernières années de guerre ayant abouti au repli final des envahisseurs pendant que le Kelnorea s'abîmait dans des luttes politiques intestines. Dans un premier temps le Kelnorea refuse, ou plutôt ne répond pas. Mais la nouvelle guerre ne dure pas quinze jours: les troupes impériales sont bien trop expérimentées pour leurs adversaires. Très vite Coron reçoit un plénipotentiaire porteur d'une lettre par laquelle l'Empire se voit affranchi de sa dernière entrave diplomatique.
Alors peut se tenir le Triomphe d'Orandreth, en 4485: trois mois d'une immense fête où arrivent de tout le continent des émissaires chargés de cadeaux. Admiratifs devant la toute neuve, toute jeune, et flamboyante puissance impériale, pour la première fois, des gens venus des quatre coins de Derenworld, de toute couleur de peau, de moeurs et de parlers disparates, sont réunis et s'émerveillent de se trouver unis. Et il y a là aussi des alliés, des elfes d'Ariandor émus et reconnaissants, des nains Naugs, Convads et Olges qui proclament leur amitié envers le grand Empereur, des hobbits étonnés et enchantés, des ambassadeurs tantôt amicaux tantôt jaloux mais toujours impressionnés de Farxel, de Tangut, de Wejlar, de Lowenland, de Zevjapuhr, de Thûzzland, de la République Maritime. Cette gigantesque manifestation semble consacrer Coron III comme le plus grand souverain de son temps, l'Empire comme le plus grand Etat du Monde et Orandreth comme sa capitale. Long chemin parcouru depuis le roitelet coincé dans petite ville de Corontown où il se prétendait Empereur du Monde des Hommes. Plus personne ne sourit au nom de Coron Naëmbolt Imperator.
L'année suivante, Coron III, infatigable, reprend son cheval de bataille. Cette fois, il vole au secours des Chevaliers de Prias en lieu et place de la Couronne de Wejlar. Disons plutôt qu'il la devance: ce sont les elfes Aldaquendi de la forêt de Naugwood qui l'ont prévenu de l'imminence d'une attaque de Trolls et d'Orcs dans leur région. Les Chevaliers de Prias, reculant en bon ordre, ont ainsi la surprise de trouver sur leurs arrières l'armée de Coron tout prêt à venir les épauler et qui les a déjà débarrassés d'une horde d'Ogres et d'une autre de gnolls et flinds qui les menacaient d'encerclement par le sud. Le Margrave de Prias n'hésite pas un instant et proclame aussitôt son allégeance à l'Empire, abandonnant celle du Royaume de Wejlar qui avait pourtant fondé le Margraviat et son Ordre. Ce faisant, il provoque une scission dans l'Ordre de Prias dont une minorité choisit rejoindre leur Wejlar originel. Néanmoins, le sud du Margraviat (c'est à dire la forêt de Naugwood) s'annexe d'autant plus volontiers à l'Empire qu'il a été nettoyé des monstres qui s'y trouvaient par les troupes de Coron III. Reste que cette décision mécontente beaucoup de monde, y compris en Margraviat, et nombre d'elfes Aldaquendi quittent la forêt de Naugwood. Pour essayer de calmer les choses, Coron indique vouloir y créer une sorte de contrée pacifique, y implante même le premier collège de Bardes mais rien n'y fait. Certains Priassans ont l'impression de s'être fait avoir, d'être passés d'une semi-indépendance au joug impérial au prix d'une trahison tellement évidente que la Cour de Wejlar ne veut plus entendre parler d'eux. Les elfes de Vynar sont d'autant plus furieux qu'ils estimaient que cette forêt faisait partie de celle d'Evlin et que sa juridiction leur en revenait, ainsi que le Margraviat de Prias le reconnaissait d'ailleurs avant sa nouvelle allégeance. Le Kelnorea se voit quant à lui désormais encerclé sur les trois quarts de ses frontières par l'Empire par l'effet de cette annexion. Mais Coron III refuse de se plier aux demandes des elfes, du Wejlar ou de Kelnore et persiste à déclarer cette forêt et les contrées en dépendant terres impériales. Il va même plus loin : prenant cette fois le contre-pied de son attitude antérieure, il fonde la maison des Comtes de Naù où il installe son fils cadet Meredith comme premier titulaire du nouveau fief. Commence alors un étrange conflit, sorte de guerre froide où personne ne veut prendre la responsabilité d'attaquer le premier. Finalement, une expédition bigarrée, comprenant un noyau d'armée kelnoréenne, un petit corps expéditionnaire wejlan, des auxiliaires elfes et des indépendants de toutes sortes, livre quelques escarmouches aux lisières de la forêt. Coron III mobilise alors toutes ses forces sur la frontière kelnoréenne en même temps qu'il fortifie à grande allure la forêt et la ville de Naù. Ces démonstrations ne changent pas grand-chose et finalement, après ces simulacres, on s'en tient là de part et d'autre. Deux ans plus tard, un armistice suivi d'un traité de paix établit définitivement la suzeraineté de l'Empire sur le Comté de Naù et le Margraviat de Prias.
Vieillissant, Coron III ne perd cependant pas la mémoire. Jamais de toute sa vie il n'a oublié la perte du Sablern, véritable épine dans son coeur et dans son Etat. Il passe donc les quatre ans qui suivent l'affaire de Naugwood à préparer sa revanche contre le Vizan. Celle-ci lui apparaît d'autant plus nécessaire que la Grande Guerre des Tempêtes voit la victoire aussi surprenante qu'incontestable du Califat sur une coalition Avros-Tangut-Farxel. A cette époque, Coron songe d'ailleurs à proposer son aide aux avrossians; il leur fait quelques offres mais ceux-ci, à la fois trop sûrs de leur supériorité et peu désireux d'offrir à l'Empire une place sur les mers (ils se souviennent aussi et non sans amertume de l'annexion-mariage de l'Eriendel), déclinent les propositions de l'Empereur. C'est au moment où le Vizan fête ses victoires, en plein hiver, qu'avec la soudaineté qui caractérise ses manoeuvres militaires, Coron III déclare la guerre au Califat afin de l'obliger à honorer sa promesse de laisser Isablis à son légitime héritier, c'est-à-dire l'Empereur Naëmbolt. L'invasion par surprise du Sablern est si bien réussie que les impériaux mettent moins d'une semaine avant d'encercler les murs d'Isablis. Le Vizan qui a tourné tous ses efforts de guerre vers la mer ou bien contre le Farxel et le Tangut se sent pris à revers. Assez rapidement, le Calife Pahulver réalise qu'il a plus à perdre qu'à gagner dans cette affaire du Sablern qui pourrait mal tourner et ternir ses victoires navales. Coron tenait manifestement plus que lui à Isablis. D'autre part, les Derans se frottaient déjà les mains à la perspective de voir deux des grands Etats humains s'entredéchirer. Pahulver se demanda s'il n'était pas opportun d'abandonner cette ville lointaine contre un pacte d'alliance qui gênerait à la fois Dere, Avros et le Farxel, et le garantirait contre un voisin devenu assez redoutable...
Le 7 Taurus 4491, Coron III signait le Traité d'Isablis, rétrocédant cette ville à l'Empire, contre quelque menue monnaie et gagnait une alliance en bonne et due forme avec l'une des grandes puissances de Derenworld. En revenant d'Isablis, il confia à son fils aîné, le futur Coron IV, que c'était là le second couronnement de sa vie.
Il vécut pourtant encore sept ans et, comme beaucoup de grands militaires, mourut tout bonnement dans son lit. Peu fidèle, il avait engendré pas moins de 17 enfants, dont 13 bâtards et bâtardes. La plupart de ces derniers reçurent des emplois, (Humphrey devint Paladin Glade, Beorx Grand Maître des Paladins de l'Empire, Ron-Arie Présida la Cour de Haute Justice de l'Empire, Broderick devint Sénéchal de Sablern et il y eut même sa fille Kariella Trésorière de l'Empire) et même, pour les deux plus vaillants d'entre eux, des fiefs: les maisons d'Agle fondée et de Neper, fondées par Ianmaur et Dar-Coron.
Coron III avait ordonné des funérailles discrètes, purement militaires et c'est au milieu de ses plus vieux compagnons, de ses lanciers, que le corps du quatrième Empereur est mené non dans un mausolée ou un monument construit à sa gloire, mais simplement dans une des niches de la Crypte de la Chapelle Impériale de Corontown. Cet homme, probablement le plus grand conquérant de l'histoire de Derenworld avec Hornst Soulslayer, inventeur de stratégies militaires et diplomatiques d'une audace extrême, ce cavalier dans l'âme, laisse à ses héritiers un pays immense, neuf, politiquement en friche. On aurait pu penser que cet Etat gigantesque allait s'effondrer avec sa mort comme tant d'éphémères contrées créées le temps d'une vie. Or ce n'est pas un moment qui a été changé mais bien la face d'une Histoire.
"Que perdure l'oeuvre de mon père" : telle est la première parole que prononce Coron IV "Légiste" dès son couronnement. Et effectivement, autant le règne de Coron III fut celui d'un conquérant, d'un créateur, autant celui de Coron IV sera celui d'un administrateur, d'un conservateur au sens premier du terme. Il s'agit pour lui de préserver cet Etat unique, énorme, dont il est l'héritier. Il a conscience de l'ampleur de sa tâche et sans doute Coron III, au cours de ses dernières années, l'a-t-il préparé en ce sens.
Coron IV est un perpétuel voyageur. Il légifère sans cesse, en audience foraine, depuis sa voiture, depuis un hôtel de ville et même sous un arbre ou dans les champs. Il passe les douze années de son règne à harmoniser les diverses contrées qui compose son pays, leurs moeurs, sociétés, commerce, coutumes. Il s'entoure non d'hommes d'armes mais de secrétaires. Travailleur infatigable, dormant peu, toujours sur les routes, il décide ici d'un pont, là d'une taxe, tranche une juridiction, se fait expliquer l'élection d'un chef de tribu. Il établit des relations avec les clergés, avec les mages, négocie avec des elfes, des nains, des hobbits, il signe des traités avec des nations et des villes étrangères, il se consume littéralement au travail. C'est de lui que datent les principes fondamentaux de constitution de l'Empire tels la création des corps administratifs, des conseils de nobles, d'artisans, de marchands, et lui surtout qui crée le Cabinet de Gouvernement, s'entoure de Ministres et leur délègue les tâches qu'il ne peut accomplir. C'est enfin lui qui est le fondateur du corps des Paladins de l'Empire en tant que tel. Son oeuvre, obscure, ingrate est pourtant fondamentale et elle inspirera bien des règnes ultérieurs: il cimente, il étaye, il consolide, il protège. Dévoué corps et âme à son métier de monarque, Coron IV est le parfait complément de ce que fut son prédécesseur et la juxtaposition de ces deux règnes est sans doute l'un des fondements de ce que l'Empire a pu continuer d'exister jusqu'à nos jours. Malgré l'aide de ses frères et demi-frères, il meurt absolument désespéré avec le sentiment de n'avoir pas accompli le quart de ce qu'il espérait faire de son règne.
CHRONOLOGIE DES EMPEREURS NAEMBOLT : LA PREMIERE MAISON
(changement de ligne = filiation, changement de colonne = cadet ou dynastie
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